Après Ndingler, l’attribution de 252 ha à une société espagnole soulève l’ire des populations de la commune de Nguéniène, département de Mbour. Ces dernières accusent la mairie d’avoir bradé leurs terres.
Le torchon brûle entre la population de Nguéniène et Maguèye Ndao, maire de la commune. Une affaire de 252 ha oppose les deux parties. A en croire les populations qui faisaient face à la presse, le maire et les conseillers ont bradé les terres de la commune. Boubacar Diallo, porte-parole du jour, énumère les griefs qu’ils reprochent au maire : «Le foncier de la commune de Nguéniène a été agressé avant que cette collectivité locale ne soit commune. Et c’est la même personne qui est à l’origine de cette pratique, en l’occurrence le maire Maguèye Ndao.» Il est temps, pour M. Diallo, que cesse cette injustice que subissent leurs parents éleveurs et cultivateurs de la zone nord dont les activités économiques de survie sont menacées.
Très en verve, M. Diallo reproche au Conseil municipal de Nguéniène d’avoir procédé à l’affectation des terres de la zone à la société espagnole Produmel, alors que ces terres constituent leur seul source de survie.
Revenant sur les péripéties ayant conduit à ces attributions, M. Diallo rappelle : «Le Conseil rural a d’abord attribué un terrain de 100 ha à Soussane à Produmel. Ensuite devenu commune, il a attribué un terrain de 52 ha à la même société dans le village de Ndiémane. Maintenant, il n’est pas en mesure de montrer les papiers de ces deux délibérations. C’est fait en catimini. C‘est pourquoi nous exigeons qu’on nous rende nos terres. C’est du cinéma ce qui se passe ici. Vous imaginez, pour 152 ha, la société a payé 100 mille francs Cfa comme frais de bornage, alors que le citoyen lambda paye 50 mille francs Cfa pour une parcelle à usage d’habitation. Le maire n’a qu’à appeler à une réunion publique pour donner la bonne information à la population. Nguéniène n’a plus de terres. La réserve est épuisée, car la mairie l’a bradée.»
Les populations n’ont pas manqué d’étaler leurs difficultés sur la place publique, surtout en ce qui concerne le protocole d’accord. «La société espagnole n’a rien respecté des engagements qu’elle a pris envers les populations, sauf sur les 100 mille francs qu’elle a versés comme frais de bornage et les 15 millions que Produmel remet à la mairie depuis 2005. De l’argent dont nous n’avons pas vu jusqu’ici ce qu’il a permis de réaliser. Pour nous, cette société n’existe pas à Nguéniène parce qu’elle n’est d’aucune utilité pour les populations. Produmel avait promis de recruter des jeunes et des femmes avec des contrats en bonne et due forme. Jusqu’à présent, ces gens peinent à voir le papier des contrats, car ils n’existent pas. Ce sont des journaliers, ils travaillent une semaine pour semer. Ensuite, c’est un mois après qu’ils vont revenir pour la récolte», a déploré Boubacar Diallo.
A en croire le porte-parole, dans le cahier de charges, la société s’est engagée à prêter les champs aux populations pour cultiver le gombo, lui donner des intrants et labourer les champs, mais aussi de fournir à la population de l’eau en abondance pour abreuver leur troupeau. Toutefois, «avec le forage que la société a mis en place, les puits ont tari, les populations de Ndiémane et de Djolofira sont obligées d’aller chercher de l’eau à des kilomètres, malgré le fait qu’elle ait promis une adduction d’eau dans les villages concernés. Elle n’a rien fait», clame M. Diallo.
Les populations ont aussi déploré l’attribution d’autres 100 ha encore à cette société. «Ce qui fait que Produmel détient dans la zone de Nguéniène 252 ha. Cette fois-ci, c’était sous le magistère de feu Ousmane Tanor Dieng. Mais à propos de ces 100 ha, nous avons pu voir l’acte de la délibération, contrairement aux 152 ha dont la délibération n’existe pas. Ces 100 ha se situent dans une zone de pâturage où toutes les vaches du département en partance pour Dahra Djoloff font escale. Maintenant, qu’allons-nous faire avec nos vaches ?», s’interroge ce vieux éleveur.
Déclassement de 1 160 ha dans la forêt de Ballabougou
Alors que ces populations n’ont pas encore fini d’épiloguer sur cette occupation de Produmel, un décret vient de déclasser 1 160 ha dans la forêt de Ballabougou, dont les 95% sont dans la commune de Nguéniène, pour une entente intercommunale entre Nguéniène, Sandiara et Malicounda.
Face à cette «forfaiture», les populations exigent l’annulation pure et simple de la délibération relative aux 100 ha. «Nous lançons un appel à la Cour suprême chargée de trancher la question. Nos ressources naturelles nous appartiennent et ne sauraient être attribuées à des étrangers qui nous marginalisent. Les jeunes de la zone nord exigent qu’elle soit transformée en ranch avec tous les aménagements adéquats au bénéfice de la population du département de Mbour», réclame Diène Gackou, habitant à Soussane. Avant de poursuivre : «Nous exigeons un audit foncier de la commune de Nguéniène. Nous invitons aussi le Conseil municipal à éclairer la lanterne des populations sur le projet agricole envisagé par l’intercommunalité (Malicounda, Nguéniène, Sandiara) ayant occasionné le déclassement de la forêt de Ballabougou».
Le maire assume
les délibérations
Interpellé sur les accusations de ses administrés, le maire Maguèye Ndao assume avoir fait les délibérations. Il a voulu nous mettre en rapport avec un conseiller municipal pour que ce dernier se prononce sur le sujet avant de se raviser. Maguèye Ndao déclare au finish que le dossier est pendant devant la Cour suprême et qu’il ne va pas se prononcer là-dessus.
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