L’association «A bras grands ouverts» (Abgo) s’est donné pour mission d’éliminer une des inégalités sociales les plus pernicieuses : la non-déclaration des enfants à l’état civil. Fondée en 2006, cette organisation agit dans trois pays que sont le Sénégal, le Cambodge et les Philippines. Son objectif, c’est de garantir que chaque enfant ait un acte de naissance, un document fondamental pour accéder à ses droits.Par Alioune Badara CISS –

La déclaration des enfants à l’état civil est une véritable bataille menée par plusieurs structures comme l’association «A bras grands ouverts» (Abgo). Le constat est alarmant car ils sont des centaines de milliers d’enfants, voire plus, à être dans cette situation, note Daniel Fradin, président d’Agbo, qui avait concentré au départ ses efforts sur la construction d’écoles primaires et maternelles. Après 15 ans de travail, un problème majeur est apparu, car elle a constaté que beaucoup d’enfants inscrits dans leurs écoles n’avaient pas d’extrait de naissance. «Dans notre première école à Sinthiou Keïta, derrière Nianing, seulement 30% des 230 élèves étaient déclarés. Dans une autre école que nous avons construite près de Lompoul, aucun des 120 enfants n’avait de certificat de naissance. Donc on a pu mesurer l’ampleur de la tâche et avec nos amis sénégalais qui, de par leurs fonctions dans la santé, dans l’éducation, on a essayé de trouver un moyen de compenser cela et d’apporter un petit remède, et de s’associer avec les autorités qui travaillent sur le sujet», a expliqué Daniel Fradin.

Un constat qui a conduit l’association à redéfinir ses priorités en se focalisant sur l’accès à l’état civil dans les trois pays où elle intervient, en proposant de trouver des solutions concrètes tout en sachant que les défis restent complexes. Pour pallier ce manque, l’association a initié des audiences foraines dans les écoles, en collaboration avec les autorités locales telles que l’Inspection de l’éducation et de la formation (Ief) de Mbour 1 et le Tribunal départemental de Mbour. L’exemple du village de Fissel en est la parfaite illustration car des efforts conjoints ont permis de réduire significativement le nombre d’enfants sans acte de naissance. Ces audiences, dédiées aux enfants scolarisés, visent à régulariser leur situation avant qu’ils n’atteignent des étapes critiques comme les examens du primaire, comme c’est souvent le cas avec les candidats à l’entrée en 6ème et au Cfee.

Malgré les progrès de l’association dans cette lutte pour doter les enfants de pièces d’état civil, le problème persiste. Amadou Diouf, planificateur de l’Ief Mbour 1, précise qu’entre 2022 et 2024, plus de 11 500 enfants ont vu leur état civil régularisé grâce aux efforts conjoints d’Abgo, du Tribunal départemental de Mbour et des collectivités locales. Mais il reste encore 2900 enfants en classe de CI sans extrait de naissance dans la circonscription de Mbour 1, composée des communes de Mbour, Saly, Ngaparou, Sindia, Somone, Popenguine-Ndayane, Nguékokh, Mali­counda et Diass.

Dans ses projections, l’association «A bras grands ouverts» se fixe comme objectif principal d’implanter des points d’état civil dans les maternités et dispensaires pour enregistrer les enfants dès leur naissance. Une initiative que l’Etat soutient, selon les responsables de l’association, à travers un programme ambitieux de numérisation des archives, de déploiement de matériel informatique et de formation du personnel médical. Ce projet vise à permettre à tous les postes de santé du pays d’enregistrer les naissances à court terme. Depuis 2018, les efforts de cette association ont permis de régulariser la situation de plus de 43 000 enfants à travers le Sénégal, Podor et Dakar étant parmi les régions prioritaires avec 2803 enfants.

La régularisation des enfants sans extrait de naissance doit être un combat collectif, car le problème de l’état civil est étroitement lié à l’éducation et à l’avenir des enfants. Comme le souligne Amadou Diouf, «un enfant sans extrait de naissance ne peut pas passer ses examens. Imaginez un élève ayant suivi tout son cursus scolaire être renvoyé chez lui faute de cet acte. C’est une catastrophe». Grâce à des partenariats solides et un engagement sans faille, Abgo continue de lutter pour que chaque enfant sénégalais ait la chance de construire son avenir.
abciss@lequotidien.sn