Lors du 36e anniversaire de l’adoption de la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant (Cde), l’accent a été mis sur les violences que subissent les jeunes. 

Par Alioune Badara CISS – Le département de Mbour a marqué avec force le 36e anniversaire de l’adoption de la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant (Cde). Au cours d’une cérémonie solennelle dédiée au thème «Ma journée, mes droits», la voix des enfants a résonné pour dénoncer les multiples violations de leurs droits et appeler à une protection renforcée, tandis que les acteurs locaux de la protection alertent sur une situation très compliquée dans cette zone touristique.
L’événement, organisé par la plateforme du Comité départemental de protection de l’enfant (Cdpe), a mis l’accent sur  l’urgence d’agir face à l’exploitation, aux Violences basées sur le genre (Vbg) et au sort des enfants vulnérables, notamment les talibés et les enfants de la rue.
Le discours le plus marquant lors de cette cérémonie fut celle d’une jeune élève de Cm2, Aminata Fall, porte-voix des enfants du département, qui a rappelé le sens du thème de l’année. «Aujourd’hui (hier), nous célébrons la journée de la Convention des droits de l’enfant. Un moment important pour nous rappeler que chaque enfant a des droits partout, à tout instant. Quand je me réveille pour aller étudier, j’ai le droit d’être protégé. Le droit à l’éducation, à la santé et à la dignité», a-t-elle déclaré devant une assemblée d’officiels et d’acteurs de la Société civile.
La jeune fille a dressé un portrait sombre des réalités que ses pairs traversent. «Beaucoup d’enfants voient leurs droits violés. Certains subissent des violences basées sur le genre, par exemple les mariages d’enfants, les grossesses précoces, les abus et exploitations. D’autres vivent des réalités encore plus difficiles», citant les enfants travailleurs, apprentis et talibés. D’ailleurs, elle a conclu par un appel vibrant : «en célébrant cette journée, nous affirmons que chaque enfant compte. Chaque enfant mérite protection. Ensemble, engageons-nous à faire de chaque journée une journée où mes droits sont respectés. Tes droits sont respectés. Nos droits sont respectés», ajoute-t-elle.
Le constat de Aminata Fall a été appuyé par les professionnels sur le terrain. El Hadj Mbodji, chef de service départemental de l’Action éducative en milieu ouverte (Aemo), du service du ministère de la Justice, a tiré la sonnette d’alarme sur la situation à Mbour. «La situation à Mbour est vraiment compliquée. Il y a beaucoup d’enfants victimes, des enfants errants, des enfants de la rue. Mbour est une zone touristique, qui est une zone carrefour, où il y a beaucoup de populations qui viennent s’installer ici. Il y a une prolifération des daraas», a expliqué M. Mbodj, soulignant l’impact de la paupérisation et des tentations liées au tourisme, qui exposent les enfants «à la merci des prédateurs, des prédateurs sexuels».
Concernant les violences enregistrées, l’Aemo traite, pour l’essentiel, des cas de sévices corporels et déploie des efforts de sensibilisation, notamment en milieu carcéral. Cependant, El Hadji Mbodj a souligné le manque criant de structures d’accueil étatiques adéquates pour la prise en charge à long terme, obligeant les services à dépendre majoritairement d’Ong privées comme Joie des Enfants ou Avenir pour Femmes.
Cette rencontre a également été l’occasion d’un partage d’expériences avec des partenaires sous-régionaux. Etienne Pola de l’association Sos Jeunesse et des Filles, membre du réseau Alliances Droits et Santé au Burkina Faso, a insisté sur l’‘importance de la mutualisation des efforts pour lutter contre les Vbg. «Nous partageons les mêmes réalités en matière de prévention et de prise en charge des violences basées sur le genre», a noté M. Pola, appelant les décideurs à faire de cette question «l’une des priorités». Il a notamment cité la mise en place de clubs Vbg au niveau scolaire pour former les jeunes à la détection et à la prévention.
Quant à Mame Fama Gaye, coordonnatrice de l’Ong Jeunesse et développement (Jed), elle a salué l’organisation de ce «café-débat» tout en pressant les autorités à s’impliquer davantage. «C’est très alarmant. Mais on est en train de travailler pour la prise en charge des victimes survivantes. Il serait intéressant que ces autorités-là puissent prendre des initiatives, puissent mettre en œuvre la chaîne de prise en charge. Le processus est enclenché, mais il reste à être formalisé, il faut beaucoup plus le formaliser pour que tout le monde sache quoi faire et à quel moment», a plaidé Mame Fama Gaye dont l’Ong accompagne plus de 200 jeunes filles vulnérables. L’ensemble des acteurs ont réaffirmé que malgré le dévouement et les efforts du Cdpe, l’augmentation des moyens est cruciale pour permettre aux services de protection d’accomplir pleinement leur mission.
abciss@lequotidien.sn