La grève des greffiers paralyse la Justice et prend les usagers en otage avec des annulations d’audiences et des reports de différés. Par Alioune Badara CISS – 

Depuis plusieurs semaines, l’activité judiciaire au Tribunal de grande instance de Mbour  est quasiment à l’arrêt en raison d’une grève prolongée des greffiers. Cette situation préoccupante plonge les justiciables dans une incertitude grandissante, avec des conséquences de plus en plus lourdes pour les citoyens de Mbour.

La grève a un impact considérable sur l’ensemble des services judiciaires. Si le Tribunal de grande instance et le Tribunal d’instance de Mbour parviennent à maintenir un certain nombre d’audiences grâce à l’utilisation de greffiers ad-hoc, la situation est très gênante pour les justiciables. «Le mardi, le Tribunal de grande instance utilise un greffier ad-hoc, et celui d’instance en utilise un également pour les audiences afin de ne pas paralyser tout le système», rapporte une source proche du Tribunal.

Cependant, les chambres criminelles sont particulièrement touchées. Elles n’ont pas tenu leurs audiences depuis plus d’un mois, ayant renvoyé plusieurs comparutions faute de greffiers. Le Tribunal d’instance est également fortement impacté au niveau des audiences civiles, qui nécessitent impérativement la présence d’un greffier. «Certains contentieux comme les divorces, les contentieux civils n’ont pas été tenus depuis le début de cette grève, faute de greffiers», déplore un acteur du système judiciaire.

Les audiences civiles et les chambres criminelles sont donc à l’arrêt, entraînant des retards considérables. Des justiciables venus de régions éloignées, comme Tambacounda, Kolda ou Kaolack, ont fait le déplacement pour assister aux audiences de la Chambre criminelle, seulement pour apprendre une fois sur place qu’elles étaient reportées. «Certains, malgré la note affichée à l’entrée, n’ont pas cru à cette mesure. J’en suis victime moi aussi, j’ai quitté Kolda pour venir assister à la Chambre criminelle parce-que j’ai un parent qui devait être jugé, mais faute de greffier, l’audience a été renvoyée alors que j’ai fait un long trajet», témoigne  ce parent de détenu.

Au-delà des retards d’audiences, la grève a des répercussions directes sur la vie quotidienne des citoyens et l’économie locale.

C’est le cas de Fatou, les traits tirés, qui confie : «J’attends le jugement de mon divorce depuis un mois et demi. Ma vie est en suspens. Je ne peux pas refaire ma vie tant que ce n’est pas réglé. C’est insupportable.» Mor, un commerçant dont l’affaire de recouvrement de créances est bloquée, partage son désarroi : «Chaque jour qui passe, c’est de l’argent que je perds. Le Tribunal est censé nous protéger, pas nous mettre en difficulté.»

Les conséquences se font également sentir sur les démarches administratives courantes. Au niveau du greffe, de nombreuses personnes n’ont pas pu obtenir les documents nécessaires pour des concours, comme celui de la gendarmerie, faute de certificat de nationalité et d’autres papiers administratifs que seuls les greffiers peuvent délivrer.

Un notaire de la place, sous couvert d’anonymat, explique l’impact sur son activité : «Nous avons des clients qui attendent la validation de leurs papiers pour des ventes de terrains. Mais sans les greffiers pour enregistrer les actes, nous sommes impuissants. C’est toute une chaîne qui est affectée.»

Face à cette situation critique, la patience des justiciables s’amenuise. Des voix s’élèvent pour appeler à une résolution rapide du conflit entre le gouvernement et les greffiers. Bien que les revendications des greffiers soient légitimes et méritent d’être prises en compte, l’impact de cette grève sur l’accès à la Justice pour les citoyens ne peut être ignoré.
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