La 72ème Journée mondiale de lutte contre la lèpre a été célébrée hier à Mbour. Elle a été l’occasion de dresser un bilan des avancées significatives et de réaffirmer l’engagement collectif pour l’éradication de la maladie et la pleine inclusion des personnes affectées. Sous le thème «Agissons, éliminons, luttons», cette édition a mis l’accent sur la nécessité d’une approche multisectorielle et d’une mobilisation sociale renforcée.Par Alioune Badara CISS – 

Le Sénégal a franchi le seuil d’élimination de la lèpre fixé par l’Organisation mondiale de la santé (Oms), marquant une avancée majeure dans la mise sous contrôle de la maladie. L’introduction de la polychimiothérapie en 2012 a révolutionné le traitement, s’accompagnant d’un renforcement des capacités du personnel de santé et d’un suivi épidémiologique rigoureux. Sur le plan social, des efforts considérables ont été déployés pour lutter contre la pauvreté et la stigmatisation, notamment à travers des programmes d’autonomisation et l’intégration des anciens «villages de reclassement social» dans leurs communautés d’origine.
Cependant, des indicateurs persistants tels que le nombre de nouveaux cas et le taux d’infirmité de grade 2, révèlent des lacunes dans le dépistage précoce et l’accès aux soins spécifiques. La stigmatisation, la discrimination et l’exclusion sociale demeurent «le plus gros fardeau», comme le souligne Mamadou Diagne, président des personnes affectées par la lèpre et les Maladies tropicales négligées (Mtn). Un constat qui interpelle tous les acteurs et souligne l’urgence de renforcer la collaboration intersectorielle.
La cérémonie, ayant pour cadre le Centre Abbé David Boilat de Mbour, a rendu un vibrant hommage à Madame Oumou Wade, une alliée inestimable des personnes affectées, dont l’engagement a su instituer une dynamique de collaboration entre l’Etat, la Société civile et les partenaires. «Madame Oumou Wade comprenait mieux que quiconque que la lutte contre la lèpre ne serait pas une réponse biomédicale. Elle est aussi un combat pour la dignité, la justice et la réalité des choses», a déclaré Mamadou Diagne. Son action a mis en évidence le fait que les personnes affectées sont des «actrices essentielles à la réponse». Selon l’adjoint au Gouverneur de Thiès qui représentait le ministre de la Santé et de l’action sociale à cette journée, le thème de cette année, «Agissons, éliminons, luttons», résonne comme un appel à «une synergie d’actions pour tous les acteurs».
Ababacar Sadikh Niang a souligné que «la lèpre aujourd’hui n’est plus uniquement un problème de santé publique, mais surtout un problème social. Et c’est là que l’implication de tous les acteurs devient cruciale».
Ainsi, pour atteindre les objectifs d’élimination fixés par l’Oms d’ici 2030, plusieurs axes stratégiques ont été identifiés. «Le renforcement de la coordination entre les acteurs est primordial, nécessitant un cadre national de concertation multi-acteurs où institutions publiques, partenaires techniques et financiers, Société civile et personnes affectées travaillent en synergie. Il est impératif de consolider un cadre de travail qui garantisse la complémentarité, la transparence et la cohérence des actions», a indiqué l’adjoint au Gouverneur de Thiès chargé du développement.
A l’en croire, des mesures concrètes sont envisagées, notamment «le renforcement des capacités des professionnels de santé et des travailleurs sociaux, une meilleure circulation de l’information et un partage régulier des données, la mobilisation conjointe des ressources pour la durabilité des actions, la remise en œuvre d’activités de prévention, de sensibilisation, de communication et de dépistage actif associées à la prophylaxie post-exposition». «L’adoption de la loi 2020 du 13 juin 2020, remplaçant la loi de 1966 relative au traitement de la lèpre et au reclassement social, est une avancée législative majeure. Elle confère aux communautés issues des anciens villages de reclassement social, le droit commun et la place attendue au sein des collectivités territoriales», a déclaré M. Niang.
Cependant, le président des personnes affectées par la lèpre a rappelé que cette avancée doit être accompagnée de «mesures fortes de réhabilitation de ces communautés pour en faire une meilleure idée au profit d’une grande partie de ces populations qui portent un grand risque de maladie».
Lors de cette journée, les partenaires techniques et financiers tels que l’Oms, Action Damien, l’Association allemande de lutte contre la lèpre et la tuberculose (Dahw Sénégal), le Centre hospitalier de l’Ordre de Malte, la Fondation Raoul Follereau, ont réaffirmé leur soutien indéfectible. Dr Gilbert Batista, représentant des partenaires techniques et financiers, a souligné que «le Sénégal dispose aujourd’hui de tous les éléments nécessaires pour atteindre cet objectif d’élimination. L’introduction de la prophylaxie post-exposition et l’intégration de l’Intelligence artificielle pour le diagnostic et la prévention sont des avancées prometteuses».
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