Mbour – Lutte contre les migrations : Des données fiables pour une meilleure gouvernance au Sénégal

La meilleure stratégie de lutte contre les migrations dépend de la fiabilité des données pour avoir une meilleure gouvernance du secteur. Par Alioune Badara CISS –
Le Sénégal poursuit sa lutte contre la migration irrégulière, et c’est dans ce sens qu’un atelier stratégique de renforcement des capacités du Comité interministériel de lutte contre la migration irrégulière (Cilm) sur la collecte de données migratoires s’est tenu hier à Saly, sous l’égide de l’Organisation internationale pour les migrations (Oim), en partenariat avec le gouvernement. L’objectif de cette rencontre est d’harmoniser la collecte de données migratoires à travers le pays pour renforcer les réponses étatiques. «La collecte de données est un élément fondamental de la gouvernance de la migration», a rappelé Aïssata Kane, cheffe de mission de l’Oim pour le Sénégal, la Gambie, la Sierra Leone, la Guinée-Bissau et le Cap-Vert. Selon elle, «pour toute politique migratoire, il faut des données probantes, bien collectées, analysées et harmonisées».
Ainsi, l’enjeu principal de cette rencontre est de créer une base de données cohérente, centralisée et partagée entre toutes les entités concernées telles que la police, les Douanes, les autorités locales et les ministères. Cette volonté d’uniformisation s’inscrit dans une logique d’efficacité et de transparence. «Nous parlons de migrants, de réfugiés, de déplacés… Ce sont des populations vulnérables dont les besoins doivent être adressés avec cohérence», insiste Mme Kane. Un outil numérique mondialement reconnu, développé par l’Oim dans 121 pays, a été présenté. Cet outil, utilisé au Sénégal depuis 2017, permet d’évaluer les flux migratoires, les retours, la réintégration et même les disparitions en mer. «C’est un outil très complet qui permet de dresser le profil des migrants, de comprendre leurs parcours et leurs besoins», explique-t-elle.
Dr Modou Diagne, Contrôleur général de police et Secrétaire permanent du Comité interministériel de lutte contre la migration irrégulière (Cilmi), a salué cet appui technique. «C’est avec des données fiables qu’on peut analyser la migration et élaborer des stratégies efficaces», dit le policier. Le gouvernement a ainsi mis en place un Centre national de collecte et d’analyse des données sur la migration, avec le soutien de l’Oim.
Les résultats commencent à apparaître. En 2024, 5192 personnes ont été interceptées alors qu’elles tentaient de quitter le pays illégalement. 407 trafiquants présumés ont été déférés. Toutefois, les départs clandestins, souvent organisés par voie maritime depuis les côtes sénégalaises, persistent. «Depuis mars, plus de 700 personnes ont été arrêtées dans la région du Saloum à la suite de tentatives de départ, indique Dr Diagne. Nous déployons des opérations combinées à chaque fête religieuse, avec la police, la gendarmerie et la Marine.»
A l’approche de la Tabaski, les autorités annoncent le renforcement du dispositif sécuritaire. Un numéro vert (800 00 10 15) permet au public de signaler toute tentative suspecte. L’objectif est donc clair : «réduire drastiquement la migration irrégulière d’ici à 2035», selon la stratégie nationale validée par l’Etat. Mais pour que cette ambition se concrétise, l’accès aux données reste central. «Si on parle de 100 ou 1000 migrants, ce n’est pas la même réponse. Les données permettent de contextualiser l’intervention», soutient Mme Kane. Elle souligne également la nécessité de protéger les données sensibles, qu’elles soient personnelles, sécuritaires ou liées à l’emploi.
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