29 des 31 accusés ont été auditionnés. Il ne reste plus qu’imam Alioune Ndao et Mokhtar Diokhané. C’est le moment choisi par l’un des avocats du premier nommé pour faire un bilan d’étape. Me Moussa Sarr estime que son client est jugé pour ses convictions, puisqu’il n’a jusque-là posé aucun acte.
«Sur les 29 personnes qui ont été entendues, seules quatre le connaissent : Ibrahima Diallo, Ibrahima Hann, Saliou Ndiaye et l’épouse de Mokhtar Diokhané. Donc, pourquoi parle-t-on de procès imam Ndao ?», s’interroge d’entrée Me Moussa Sarr, coordonnateur du pool d’avocats qui défend les intérêts d’imam Alioune Ndao. Sur un ton énergique, ponctué de gesticulations, la robe noire s’offusque du «décalage» entre les réalités du dossier et les procès-verbaux fournis. «Il y a eu énormément de débats sur des propos que des accusés ont notoirement contestés. Vous avez constaté que dans ces procès-verbaux, il y a des éléments imputés à imam Ndao qui n’existent pas dans le dossier.»
Fort de cela, l’avocat demande la comparution des officiers de Police judiciaire qui, selon lui, ont qualifié les champs de son client de camps d’endoctrinement. «De telles accusations sont suffisamment graves pour que les auteurs viennent nous rapporter les preuves», affirme-t-il.
Pour Me Moussa Sarr, imam Alioune Ndao est une victime, car il n’a jusque-là commis aucun acte qui peut lui valoir des poursuites. «Pour le moment, c’est un jugement d’opinions et de convictions, car on n’a ni entendu ni vu un acte qu’il a posé. Il s’est même opposé au départ de deux d’entre eux. La responsabilité pénale est individuelle. Chacun doit être jugé pour des faits commis personnellement», précise-t-il.
Dans ce procès, il voit une main extérieure qui, pour lui, pousse l’Etat à vouloir vaille que vaille faire d’imam Alioune Ndao le cerveau d’un groupe jihadiste. Il explique : «C’est un otage pour faire plaisir à la France et aux Occidentaux. Jean-Yves Le Drian est venu s’immiscer dans les affaires internes du Sénégal. C’est un scandale.»
Le conseil d’imam Alioune Ndao conçoit l’appréhension de son client comme «un bilan que brandit l’Etat dans sa lutte contre le terrorisme». Ce qui est injuste à ses yeux : «Ce sont des accusations. Son daara est à quelques encablures de la police de Ndorong. Il n’y a jamais eu de rapport sur lui. Son école coranique fonctionne toujours avec 500 disciples. Il a même donné ses terres à l’Etat pour qu’il construise des salles de classe. On veut le présenter comme le chef des jihadistes. C’est inexact, car parmi les accusés, il n’y a ni son fils ni son neveu.»
En outre, il précise que l’accusé n’a jamais reçu de financement et n’a aucun lien avec les organisations jugées terroristes. Me Moussa Sarr invite le Parquet «à tirer toutes les conséquences des constatations pour un réquisitoire d’acquittement». «Il doit également présenter ses excuses pour tous préjudices subis», propose-t-il, tout en dévoilant une confidence de son client : «Quelle que soit l’issue de ce procès, je continuerai à faire ce que j’ai à faire : m’occuper de l’éducation de la jeunesse. Je n’ai aucune rancœur.»
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