Face à l’offensive du ministre de la Communication qui a saisi le ministère de l’Intérieur pour activer la Direction de la surveillance du territoire (Dst) et la Division spéciale de la cybercriminalité (Dsc), en vue d’une application de «mesures de régulation qui criminalisent l’activité de presse», le Conseil des diffuseurs et éditeurs de presse du Sénégal (Cdeps) et l’Association des éditeurs et professionnels de la presse en ligne (Appel) montent au créneau et appellent à la résistance.Par Ousmane SOW – 

La tension ne baisse pas entre les acteurs des médias et le ministère de la Commu­nication, des télécommunications et du numérique. En effet, dans un communiqué conjoint, le Conseil des diffuseurs et éditeurs de presse du Sénégal (Cdeps) et l’Association des éditeurs et professionnels de la presse en ligne (Appel) dénoncent la tentative de criminalisation de l’activité de presse, orchestrée selon eux par le ministre en charge du secteur. L’affaire a éclaté ce mercredi 26 février 2025 à travers la manchette du journal Libération, révélant la saisine du ministère de l’Intérieur par le ministre de la Communication. L’objectif ? Activer la Direction de la surveillance du territoire (Dst) et la Division spéciale de la cybercriminalité (Dsc) pour appliquer des «mesures de régulation» qui, selon les professionnels du secteur, remettent en cause la liberté de la presse. «Le Cdeps et l’Appel sont scandalisés par les errements du ministre de tutelle, qui viole allègrement la Constitution et le Code de la presse», s’indignent les organisations patronales des médias.

Mamadou Ibra Kane et Ibrahima Lissa Faye fustigent une démarche jugée unilatérale, marquée par des «irrégularités, omissions et failles techniques avouées par le ministère lui-même». Dans leur communiqué, ils pointent particulièrement du doigt le processus de validation des entreprises de presse. Selon eux, après la publication d’une première liste de médias «reconnus», puis d’une seconde liste de médias «conformes», le flou persiste. «Si la deuxième liste est effectivement définitive, qu’est-ce qui empêche le ministre de la matérialiser par un arrêté ministériel ?», s’interrogent les deux organisations. Depuis le 6 février, date de la publication de cette liste, aucune clarification n’a été apportée, alors même que des «erreurs monumentales compromettent la sincérité du processus».

Dans leur communiqué, ils rappellent leur engagement constant en faveur d’une régulation et d’une professionnalisation du secteur. «Depuis 2016, la Coordination des associations de presse (Cap) et les Assises nationales des médias ont posé les bases d’un travail de réforme. Pourtant, malgré les recommandations issues de ces concertations, le ministre de la Communication s’est lamentablement fourvoyé depuis le début, durant les 11 mois de son magistère», déplorent les acteurs des médias. Ainsi, face à ce qu’ils perçoivent comme une gestion autoritaire et opaque, le Cdeps et l’Appel en appellent directement au président de la République et au Premier ministre. «Le Cdeps et l’Appel sont foncièrement convaincus que le Sénégal est un Etat de Droit. Ils comptent se donner tous les moyens légaux pour freiner ce ministre qui est comme un éléphant dans un magasin de porcelaine», préviennent-ils, rappelant que depuis que le chef de l’Etat, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, a donné des instructions au gouvernement, en Conseil des ministres du 13 août 2024, pour un «dialogue rénové» avec les acteurs des médias, aucun acte n’a été posé. Pire, selon eux, le ministre de la Commu­nication «snobe les acteurs et déroule son agenda en solo».

Cette attitude suscite l’indignation dans un secteur déjà en crise. «Aujourd’hui, le secteur des médias connaît une crise sans précédent, aggravée par le ministre de la Commu­nication, avec comme corollaires des entreprises de presse en situation de faillite, des licenciements et des travailleurs plongés dans la précarité», alertent les organisations de presse.
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