Entre le ministère de la Culture et de la communication et le Conseil des diffuseurs et éditeurs de presse du Sénégal (Cdeps), le ton est encore monté d’un cran. Alors que l’on croyait le différend rangé aux oubliettes, le Cdeps est à nouveau monté au créneau pour accuser le ministère d’avoir «détourné l’aide à la presse». Tout en maintenant ses revendications quant à la publication d’un arrêté sur les bénéficiaires et les montants alloués, le Cdeps remet en cause la médiation du Conseil pour l’observation des règles d’éthique et de déontologie (Cored).

Après la médiation du Cored, l’on avait pensé qu’entre le ministre de la Culture et de la communication et les patrons de presse, regroupés au sein du Cdeps, la hache de guerre était enterrée. Au contraire, le Cdeps est revenu à la charge avec plus de virulence encore. Cette fois, le patronat de la presse accuse la tutelle de «détournement» dans la distribution de l’aide à la presse. «Le ministère de la Culture et de la communication détourne l’aide à la presse» : c’est l’intitulé du communiqué rendu public par le patronat hier. Dans ce document signé par le président Mamoudou Ibra Kane, le Cdeps dit toute son indignation devant «la campagne de dénigrement» menée contre elle par le ministère de la Culture et de la communication qui  «abuse l’opinion publique sénégalaise par la désinformation». «Le Cdeps a été informé lundi 4 mai 2020, par le ministère de la Culture et de la communication, de la disponibilité de l’aide à la presse, sous forme de chèques à retirer par les entreprises de presse. Grande a été sa surprise quand les entreprises ont découvert que les montants alloués étaient simplement dérisoires par rapport à l’enveloppe d’un milliard quatre cent millions, annoncée par le président de la République le vendredi 27 mars, lors de l’audience que le chef de l’Etat a accordée aux acteurs des médias.» Les patrons de presse indexent le partage effectué. «Le ministre se vante d’avoir octroyé aux sept plus grandes entreprises de presse 225 millions contre 122 millions l’année précédente. Cela représente à peine 16% de l’enveloppe de 1,4 milliard francs Cfa octroyée par l’Etat du Sénégal au titre de l’aide à la presse 2020. Les autres entreprises de presse, qui ne rentrent pas dans les critères du ministre des 7 plus grandes entreprises, ont, elles, reçu des sommes dérisoires. Certaines entreprises de presse ont simplement été ignorées. L’aide à la presse a profité à tous, sauf aux entreprises de presse», dénonce l’instance. «En aucun cas les fonds alloués à la presse privée ne sauraient être détournés par le ministère de la Culture et de la communication qui révèle ainsi son incapacité à définir et mener une politique de communication, pour répondre aux défis de notre développement économique et social», rajoute le Cdeps.

En effet, en incluant dans la grille de partage les médias du public, le ministère s’attire les foudres des patrons. «L’aide à la presse, matérialisée par la loi 96-04, est un acquis de haute lutte pour la presse privée, sous la houlette des quatre mousquetaires (Babacar Touré, Abdou laye Bamba Diallo, Mamadou Oumar Ndiaye et feu Sidy Lamine Niasse), alors portedrapeau d’une presse privée émergente dans les années 90. Cette aide, destinée aux seules entreprises de presse privée, a été détournée par le ministère qui l’a dilapidée en la distribuant à tout organe de presse», dénonce le Cdeps qui indique que des médias de service public, qui ont un statut de médias de service public, des radios associatives et communautaires qui sont des associations et non pas des entreprises, des organes de presse qui ne sont pas érigés en entreprises de presse et certains éditeurs qui n’existent plus et ont cessé leurs activités, ont tous été servis de façon indue.

Le Cdeps désavoue le Cored

Toujours dans sa logique dénonciatrice, le Cdeps désavoue également le Cored qui, dans un communiqué, parlait ce vendre
di d’une médiation réussie entre les deux parties. «C’est avec surprise également que nous nous étonnons de l’information ou de la rumeur selon laquelle le Cored aurait réconcilié le Cdeps et le ministère de la Culture et de la communication. Cette rencontre du jeudi 7 mai a au contraire montré les divergences de fond sur l’aide à la presse entre le ministère et le patronat», informe le communiqué qui estime plutôt que cette rencontre a encore plus démontré «l’incurie du ministère de la Culture et de la communication qui ne connaît ni l‘histoire de l’aide à la presse ni le cadre légal de celle-ci». Il y a quelques jours, le directeur de la Communication affirmait sur la télévision nationale que, contrairement à ce qui était dit, seuls deux organes n’avaient pas encore retirés leur chèque. Réaction
du Cdeps : «Le Cdeps n’a jamais donné un mot d’ordre de boycott du retrait des chèques, comme l’a affirmé le directeur de la Communication sur les antennes de la Rts mercredi soir, tout comme ce dernier, de manière fallacieuse, a prétendu que les montants alloués aux entreprises de presse ont été doublés, voire triplés. De même, le ministère de la Culture et de la communication affirme de manière éhontée que les acteurs des médias ont été associés à la définition des critères d’attribution de l’aide à la presse.»

En tout état de cause, le Cdeps se dit fidèle à ses convictions et entend dénoncer «les critères iniques de répartition de l’aide à la presse et de réclamer la publication d’un arrêté du ministre sur les bénéficiaires et les montants alloués».