Médias – Interdit à la Maison de la presse : Le Cdeps dénonce «une bassesse incroyable»

L’interdiction de la tenue de la conférence de presse du Conseil des diffuseurs et éditeurs de la presse du Sénégal (Cdeps), ce lundi par l’administration de la Maison de la presse Babacar Touré, n’est que le dernier acte dans ce que le Cdeps qualifie de «stratégie de liquidation de la presse privée». Par Justin GOMIS –
Les relations entre la presse privée et les nouvelles autorités ne sont pas au beau fixe. Dernier épisode de ce qui ressemble à un bras de fer entre le Conseil des diffuseurs et éditeurs de la presse du Sénégal (Cdeps) et l’Etat, l’interdiction qui a été faite à la structure de tenir une conférence de presse à la Maison de la presse Babacar Touré. Le Conseil des diffuseurs et éditeurs de presse du Sénégal (Cdeps), qui voulait organiser hier un point de presse sur la crise des médias, s’est vu refuser l’accès à la salle de conférence. C’est finalement dans la cour de la Maison de la presse que le président Mamadou Ibra Kane a livré son message. «Nous déplorons des actions d’une bassesse incroyable», s’est indigné Mamadou Ibra Kane. Une situation «symptomatique» orchestrée dans le seul but d’étouffer la presse, selon M. Kane. «Nous avons informé le directeur de la Maison de la presse comme d’habitude, mais ni lui ni ses services n’ont répondu», a dit Mamadou Ibra Kane, qui estime qu’il s’agit là d’une volonté manifeste d’étouffer leurs voix. «Quel est l’intérêt de l’Etat du Sénégal ? Quel est l’intérêt du Sénégal de museler la presse qui a permis la stabilité politique et sociale au Sénégal», s’est interrogé le président du Cdeps.
Dans un communiqué rendu public après l’incident, les éditeurs et diffuseurs de presse ont déploré que «pour la première fois de l’histoire, le patronat est interdit d’accès à la Maison de la presse». A les en croire, «depuis sa création, un appel téléphonique au directeur de la structure donnait accès aux locaux dès lors qu’il s’agissait d’une organisation des médias». Mais, «le directeur de la Maison de la presse, informé le dimanche matin, et qui a promis de prendre les dispositions nécessaires, a ensuite organisé son injoignabilité», dénonce le patronat, selon qui les journalistes et les techniciens, venus couvrir le point de presse, ont été informés de la situation dans la cour de la Maison de la presse.
Stratégie de liquidation de la presse
«Depuis plus de 10 mois maintenant, il y a une stratégie pour liquider la presse privée au Sénégal», a déclaré Mamadou Ibra Kane face aux journalistes. Le président du Conseil des diffuseurs et éditeurs de presse du Sénégal (Cdeps) fonde ses accusations sur des actes posés par le gouvernement sur les plans économique et administratif. Dans ces stratégies des nouvelles autorités pour museler la presse, le Cdeps note le harcèlement fiscal, la suspension unilatérale des conventions, le non-paiement des services faits. Ces griefs sont repris dans le communiqué de presse rendu public après ces incidents. D’après le document, c’est la galère dans toutes les entreprises de presse. «Aujourd’hui, les entreprises de presse sont toutes quasiment en faillite avec des dettes colossales envers leurs fournisseurs et certaines ont fermé», ont-ils informé. «La semaine dernière, il y a eu un arrêté conjoint pris pour le paiement de redevance. La surprise, encore une fois, c’est que les entreprises de presse n’ont pas été consultées. Mieux, toutes les taxes pour les redevances ont été augmentées. Là aussi, c’est pour tuer économiquement la presse sénégalaise et cette vision de redevance pour la presse, c’est une vision simplement fiscaliste et qui ne correspond ni aux intérêts de la presse ni surtout aux intérêts du Sénégal qui doit favoriser les conditions de développement d’une presse libre, indépendante et viable économiquement», dit-il. Pire, en 303 jours, «le coût social pour les travailleurs des médias est très lourd avec la suppression de centaines d’emplois, des arriérées pharaoniques de salaires, des non-cotisations aux institutions de prévoyance sociale et des couvertures médicales défaillantes». Pour M. Kane, l’unique espoir pour sortir de cette situation morose, réside dans «les recours intentés au niveau de la Cour suprême, qui permettront de casser toutes les décisions illégales du ministre de la Communication».
Indépendance de la presse
Le Cdeps se dit tout de même déterminé à se battre pour l’indépendance de la presse comme ce fut le cas avec les deux premières alternances. «Nous avions des menaces sur la liberté de la presse, mais aujourd’hui on a dépassé le stade des menaces. Ce sont des actions concrètes qui ont été menées contre les entreprises de presse pour simplement les museler.
On ne peut pas nous attaquer sur le fait que nous défendons des positions de principe. Nous avons eu ces mêmes positions sous la première alternance avec le Président Abdoulaye Wade. Nous avons eu les mêmes positions sous le Président Macky Sall lors de la deuxième alternance», rappelle M. Kane. Le président du Cdeps lance ainsi un appel aux citoyens, à la Société civile, aux classes politique, économique et intellectuelle, et à tous les acteurs des médias et aux partenaires du Sénégal pour que «cette tentative de musellement de la presse ne puisse pas aboutir». «Il y va de la démocratie au Sénégal, il y va du développement du Sénégal, et aucune politique de souveraineté ne pourra être couronnée de succès si la presse est réprimée», précise-t-il. Le Cdpes annonce un autre point de presse pour mercredi prochain, toujours à la Maison de la presse.
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