Vitrine du dynamisme du théâtre dans la Cité du Rail, le Fest’
Rail subit aujourd’hui les aléas d’une situation économique pas toujours favorable. Le festival traîne une ardoise de 2,4 millions depuis la dernière édition.
Initié depuis 2010 par l’Arcots pour contribuer au développement du théâtre, le Fest’Rail est menacé de disparition. «Notre rôle dans le rayonnement du théâtre thiessois, c’est d’abord de fédérer les acteurs, artistes-comédiens, metteurs en scène, régisseurs, de leur permettre de disposer d’une plateforme dans laquelle nous pouvons nous rencontrer et échanger. Ensuite, de les encadrer, mais aussi de participer à leur formation. Ce que nous sommes en train de réussir. Mais en même temps, de mettre une activité majeure au niveau de Thiès pour le théâtre. Cela, nous l’avons réussi depuis huit ans avec le Fest’Rail», explique M. Jules Dramé. «Mais c’est dommage parce que ça va disparaître, car depuis la 8e édition, nous traînons une dette de 2,4 millions et nous n’arrivons toujours pas à la payer depuis juin dernier». «Nous devions recevoir une subvention de la part de la mairie ville de Thiès, et depuis 9 mois nous lui courons après et n’avons jusqu’à présent pas reçu cet argent. C’est ce qui a causé ce trou. Et malheureusement, chaque jour que Dieu fait, les créanciers nous interpellent sur cette dette.» En tout cas, cette année, les artistes de Thiès disent avoir vraiment peur de ne pouvoir organiser cette fête de la culture si aucune solution n’est trouvée à ce problème. «C’est dommage pour Thiès», se désole Mr Dramé qui tient à rappeler que cette subvention a été instaurée par l’équipe municipale sortante sous la direction du 1er adjoint au maire d’alors, M. Yankhoba Diattara. «Quand Talla Sylla est arrivé, il a respecté le pacte jusqu’à cette année. Nous l’avons interpellé là-dessus et il a évoqué un problème de budget.» Le président de l’Arcots de Thiès reste convaincu que le problème du théâtre ne sera réglé que par la mise en place d’un fonds à sa disposition.
Une formation d’outillage aux comédiens
En attendant la mise en place d’un tel fonds, des artistes-comédiens, à travers le projet dénommé «Le Pont», sont en train de bien se former. «Les Thiessois excellent dans l’audiovisuel parce qu’ils sont des produits du théâtre, de la scène. Ils ont été formés pendant plusieurs années, et c’est ce qui leur a permis aujourd’hui d’exceller sur le plan de l’audiovisuel. Cela montre justement l’importance de la pratique de la scène», dit Jules Dramé ; d’où la pertinence de cette formation à l’intention d’une trentaine de comédiens actuellement à l’école depuis quelque 5 semaines, au centre culturel régional de Thiès. Un projet que l’Arcots a développé en partenariat avec le théâtre Spiral de Genève qui a en charge le financement. «Cette génération va terminer sa formation le 9 février. Après, nous allons recruter une nouvelle pour trois ans encore. Cette fois-ci, ils seront au nombre de 25 éléments, parce qu’il y a un problème de budget et ce sont nos partenaires, l’Etat et la ville de Genève, qui financent entièrement le projet. L’Etat du Sénégal ne donne aucun franc». A sa suite, le co-responsable du projet de formation, Patrick Mohr, metteur en scène, acteur et auteur, d’expliquer que «Thiès est déjà un terreau très vivace. Et c’est pour le stimuler et augmenter la qualité qu’il y a ce projet». Ce projet de formation, confie notre interlocuteur, est destiné aux acteurs, metteurs en scène, directeurs de troupe et formateurs sénégalais. Aux yeux du directeur du théâtre Spiral de Genève, la pertinence d’un tel projet relève du fait qu’«au Sénégal, avec la fermeture du Conservatoire national, il manque une formation de qualité professionnelle, alors que ce pays a une très riche histoire théâtrale». Et puis, poursuit-il, «il y a une confusion qui se fait souvent entre le théâtre filmé et le vrai théâtre scénique. Ce n’est absolument pas la même chose. Et avec nos collaborateurs sénégalais, nous avons senti le besoin» ; d’où l’idée de ce projet de formation sur toute l’année. «Nous travaillons pendant toute l’année. Il y a une formation en français, parce qu’il est important que tout le monde puisse jouer soit en wolof ou en français. Autrement, le théâtre reste confiné au Sénégal et ça ne donne pas la possibilité aux acteurs de pouvoir diffuser leur art dans d’autres régions d’Afrique ou de toute la Francophonie, alors que s’ils ont la possibilité de jouer en français et en wolof, cela pourra leur donner beaucoup plus de chance de pouvoir vivre de leur art». Il poursuit en notant qu’il y a une formation sur différentes techniques du théâtre, notamment la tragédie, la comédie, le théâtre de marionnette, de masque, de conteur, le théâtre de sensibilisation, bref tous les outils qui peuvent permettre aux acteurs culturels locaux d’avoir plus d’autonomie et d’indépendance, de mieux vivre de leur travail et de le faire bénéficier à beaucoup plus de gens.