Les organisations de la presse réclament de nouvelles règles pour la répartition de la publicité entre les médias publics et ceux privés. Une revendication justifiée par le déséquilibre de la balance publicitaire en faveur des médias dits publics, selon Mas­samba Mbaye qui estime qu’un rééquilibrage s’impose, mais sous certaines conditions.Le président de la Répu­blique a demandé la finalisation de la révision de la loi sur la publicité. Quel est l’enjeu d’une telle réforme pour les entreprises de presse ?

En réalité, le domaine intrinsèque de la publicité ne relève pas de l’activité des organes d’information qui justement s’occupent de la collecte, du traitement et de la diffusion d’informations. Ce qui n’est pas du domaine propre de la communication, fut-elle publicitaire. Mais les organes de presse tirent l’essentiel de leurs revenus de la publicité. C’est pourquoi les entreprises de presse et les organisations qui les représentent poussent à la roue pour une révision de la loi sur la publicité en lien d’ailleurs avec le nouveau Code de la presse qui est en voie d’application et qui est plus précis en matière de publicité. Au fond, tous les acteurs de la presse n’ont pas une seule voix pour la régulation de la publicité et pour la mise en œuvre d’une sorte de système des quotas de répartition de la manne publicitaire publique. D’aucuns trouvent qu’il faut allouer un lot aux médias privés. Par contre, les médias dits publics vivent également en partie de la publicité. S’il faut une balance entre les médias publics et privés, il ne faudra pas oublier l’inégale qualité des supports de presse et la liberté pour les annonceurs aussi bien publics que privés de choisir un média qui répond le plus à leurs référents et qui leur permettrait de toucher leur cœur de cible.

La précédente loi date de 1983. Qu’est-ce qu’il faudrait y changer ?
Cette loi comprend des dispositions datées. Même son exergue doit être ajusté. Elle répondait à la volonté du Sénégal d’arrêter «le pillage du marché publicitaire», notamment par des régies étrangères, et de réguler le secteur en ses contenus susceptibles de tromper l’opinion ou même de saper l’unité nationale. Ces donnes sont toujours actuelles, mais elles doivent être ajustées aux dispositions régionales qui lient notre pays. Tenez-vous bien ! Dans cette loi, le tam-tam faisait partie des supports de publicité. Je crois bien que maintenant nous sommes sur des plateformes digitales plus sophistiquées, tout à fait absentes de cette loi, à juste titre. D’ailleurs, le Code de la presse est plus précis sur les interdits : les messages publicitaires faisant la promotion des armes à feu, de l’alcool, du tabac, des produits alimentaires non certifiés… La loi de 83, plus vieille que celle de nos voisins ivoiriens par exemple, énonce un organe de gestion qui n’existe pas et qui devrait être mis ne place : une sorte de Conseil supérieur de la publicité qui devra assister le ministère en charge de la Communication dans la gestion du secteur publicitaire national. Ses attributs doivent être précisés, notamment l’accès à la profession, la vérification des messages publicitaires, le règlement des litiges, les sanctions disciplinaires.

Les syndicats de presse ont toujours revendiqué la réglementation de la publicité pour les médias publics. Pensez-vous que le marché publicitaire sénégalais se prête à une telle réglementation ?
En fait, c’est une revendication justifiée par le déséquilibre de la balance publicitaire en faveur des médias dits publics. Un rééquilibrage de la balance s’impose, mais sous certaines conditions. Il ne faut pas, sous des dehors d’équité, asphyxier des médias dits publics qui font de sérieux efforts de respect de leur cahier de charges réglementaire. Il ne faut pas également oublier la liberté de l’annonceur (même public) de choisir son support suivant des critères très précis d’ailleurs. Le meilleur argument des syndicats de presse serait de pousser en même temps afin d’avoir des supports de qualité. La qualité ne jure pas d’avec la liberté de presse évidemment. Ce qui est une autre histoire, car les niveaux sont disparates dans la presse globalement au Sénégal et dans le monde en général.

Les directives du Président concernent également la modernisation de la gouvernance des en­tre­prises publiques de presse. Qu’est-ce qu’il faudrait faire à ce niveau ?
Il ne fallait pas attendre ces directives du président de la République. Les entreprises de presse doivent, par soucis de performance, être plus regardantes sur ces questions de gouvernance, gage de qualité et de performance. Mais la question est complexe. Les premières entreprises de presse privée sont le fait de promoteurs issus du métier. Ensuite, des affairistes aux intentions diverses ont investi dans la presse. Mais tout projet entrepreneurial doit épouser certaines formes managériales. Celles-ci ne s’inventent pas, elles s’apprennent.