Oumar Ben Khatab Keïta, promoteur de spectacle, donne son point de vue sur le clash entre Ngaaka Blindé et Akhloubrick. Celui qui a lancé Ngaaka Blindé avec le concours «Flow Up», estime que les rappeurs gagneraient à faire des collaborations et parler des problèmes des Sénégalais plutôt que de se lancer des pics.Le hip-hop Galsen a connu des clashs virulents dans son histoire, mais entre Ngaaka Blindé et Akhloubrick, la chose a pris une tournure différente. Quelle lecture faites-vous de ce clash ?

Ça fait partie du hip-hop, mais je rêve plutôt d’une collaboration entre Dip Doundou Guiss et Ngaaka Blindé, entre Samba Peuzzi et Akhlou Brick, plutôt que de clashs. En tant que promoteur du Flow Up, avec l’association Africulturban qui travaille beaucoup pour la promotion et le développement du hip-hop et des cultures, c’est mon rêve. Il est important de faire du spectacle, mais c’est encore plus important de faire du chiffre.

Mais en tant que promoteur, n’est-il pas dans votre intérêt d’avoir une explosion médiatique aussi grande que ce clash ?
C’est toujours bien de se faire entendre, d’occuper l’espace médiatique, de faire le buzz. C’est important pour l’artiste et le mouvement, mais il faut aussi parler des problèmes de la hausse des prix de denrées, de viol, de bavures policières, car les cultures urbaines doivent être une force de protestation et de solution aux problèmes des Sénégalais.

Pour ce cas de figure, le clash est bien perçu. Et il y a d’autres rappeurs qui parlent de viol, etc.
Oui. On peut dire qu’il y a une pluralité dans le rap. Il y a des choix à faire et chacun est libre, et c’est cette diversité qui fait des cultures urbaines un mouvement homogène.

Pouvez-vous nous faire une lecture des conséquences, surtout économiques, pour les deux rappeurs dans ce clash ? 
Je ne peux pas donner de chiffres exacts. Mais le clash pousse l’artiste à être mieux en vue et pousse certains promoteurs à les programmer. Et être programmé veut dire avoir des cachets. Dans les programmations, ce n’est pas toujours évident. Cela peut être contre-productif pour certains.

Donc partant de ce constat, on peut dire qu’ils y gagnent plus qu’ils n’y perdent.
Cela dépend de plusieurs paramètres. Dans les clashs, s’il y a des back to back, on peut parfois y perdre. Et généralement, ça peut se retourner contre soi. Ce n’est pas chaque jour que le clash est bénéfique pour les rappeurs.

Comme tous les secteurs de l’art, les cultures urbaines font leur reprise après la pandémie du Covid-19. Comment jugez-vous cette reprise des activités ?
L’humanité a fait face à un defi sans précédent. La crise du Covid-19 a été particulièrement éprouvante pour tout le monde, et plus précisément pour la musique. C’est un secteur qui a besoin d’interagir avec le public. On sait tous que cette pandémie était contre cela. Elle a eu un impact sur tous les aspects de notre vie, particulièrement dans les cultures urbaines qui sont un secteur qui n’est pas prioritaire dans les politiques publiques.

Je suppose que vous devez être heureux de savoir que le hip-hop occupe le devant de la scène musicale actuellement. 

Je suis satisfait de voir que le hip-hop occupe le devant de la scène. Mais savoir qu’on est devenu un patrimoine au Sénégal, car on a célébré récemment les 30 ans d’existence du rap, me fait encore plus plaisir. Cela fait plus de 3 décennies que nous faisons avancer le rap. Et aussi, on a un gouvernement qui comprend la force de frappe des cultures urbaines, leur impact et son organisation. Hormis cela, je vois l’actualité du hip-hop à travers les clashs, et tout ça montre la vitalité de ce mouvement.
Propos recueillis par Malick GAYE (mgaye@lequotidien.sn)