5 jours de concerts, de conférences, de showcases et une résidence d’artistes. Pour sa deuxième édition, le Stereo Africa Festival annonce un programme très prometteur. Aussi prometteur que les jeunes chanteurs et musiciens qu’il met à l’honneur. Permettre aux nouveaux talents ouest-africains de produire leur musique localement tout en la diffusant à l’international, c’est l’objectif que se sont fixé Sahad Sarr et Stéphane Contini, artistes confirmés et co-fondateurs du Stereo Africa Festival. Ils nous emmènent avec eux dans les coulisses de cet évènement musical pas comme les autres, où le mot d’ordre est la transmission.

Comment vous est venue l’idée de créer ce festival ?
Stéphane Contini : La première fois qu’on a parlé de la création de ce festival avec Sahad, on voulait simplement en faire une sorte de fête de la musique. Puis finalement, on a inclus la dimension de la transmission. Quand on a commencé à chercher des partenaires, certains nous ont dit : «Pourquoi un festival de plus ? Il y a déjà des festivals. Dakar Musique Expo, par exemple.» On pense qu’il y a beaucoup de boulot à faire pour promouvoir et développer la musique africaine actuelle. C’est tout un écosystème à renforcer et une dynamique à créer. Il ne faut pas nous demander de nous regrouper avec les autres festivals. Au contraire, il faut qu’il y ait plusieurs festivals dans l’année et que progressivement, par un effet de vases communicants, le professionnalisme se développe. Il y a de l’espace pour tout le monde et pour tout style de musique.

A travers la programmation, on remarque bien que ce festival, ce n’est pas seulement des concerts et conférences. C’est aussi une résidence de jeunes artistes, chanteurs et musiciens qui, pendant 5 jours, vont se rencontrer en studio pour enregistrer un album et ceci, avec les conseils de professionnels aguerris comme vous. D’où vous vient cette vocation de soutenir et guider la jeune génération ? 
Sahad Sarr: J’ai créé mon propre label officiel, Stereo Africa 432, à Dakar il y a deux ans. Mais déjà, avant ça, les jeunes venaient me voir de manière informelle. Ils ont besoin de renseignements, de conseils. Ils me demandent ce que je pense de leurs sons. C’est donc quelque chose que je faisais déjà. Ce festival, c’est simplement pour donner un peu plus de visibilité à ces nouveaux artistes. On est en plein dans ce travail de formation, dans la transmission. Il faut aider à notre niveau. Notre génération d’artistes sénégalais n’a pas eu cette chance.
On a l’impression qu’il y a une explosion de la musique africaine à l’international.

Est-ce le but de ce festival que de participer à ce mouvement ?
Sahad Sarr : Oui, c’est vrai qu’il y a une explosion. «Africa is the place to be.» Tout le monde parle de l’Afrique. Mais il y a un danger, celui de voir les artistes sénégalais raconter un récit qui n’est pas le leur, de raconter le récit inventé par l’imaginaire européen. On ne peut pas dire qu’il existe une musique africaine. L’Afrique est composée d’innombrables pays. C’est un des continents les plus grands au monde. Quand on parle de funk ou de jazz, on ne dit pas que c’est de la musique européenne. De même, la musique africaine, ça n’existe pas. Tout le combat de ce festival est là. Il y a un travail de fond pour diffuser ce message. L’objectif, c’est de promouvoir la production locale, au Sénégal, et de viser une diffusion à l’international. Mais quand je parle de l’international, je ne parle pas seulement de la France ou de la Belgique. Je parle du Maroc, de la Tunisie. Je parle du Mali, de la Guinée-Bissau, du Congo. Si on ne prend pas le dessus et qu’on ne prend pas les rênes, d’autres vont le faire, et ils vont raconter une histoire qui ne sera pas en phase avec la réalité du pays.

N’y a-t-il pas un risque à trop adapter, modifier sa musique pour arriver à la vendre à l’international ? 
Sahad Sarr : L’enjeu reste d’être entendu par le maximum de personnes. Notre démarche, c’est de rester authentique. On ne dira jamais à un artiste que l’on produit : «Il faut que tu changes ta musique parce que c’est ça qui marche.» On sait qu’il y a des réalités à prendre en compte, on s’adapte, mais le but est de proposer une musique authentique et d’inviter les autres à venir écouter.

Pourtant, le festival est accueilli en majorité par des lieux culturels comme l’Institut français de Dakar ou le Clos Normand. Ce sont des lieux, certes implantés depuis longtemps à Dakar, mais qui, à l’origine, sont français, européens. Pourquoi ce choix ? 
Sahad Sarr : On a effectivement réfléchi à la question. Le ministre de la Culture et la Direction des arts nous avaient proposé de faire les 5 jours du festival à l’Institut français de Dakar. Nous avons refusé. On s’est dit qu’on ne ferait que le mercredi à l’Institut français. Mais effectivement, quand on est venus frapper à la porte des centres culturels sénégalais, on a peiné à obtenir un rendez-vous. Si les instituts et centres sénégalais ne nous ouvrent pas les portes et si les Français le font, il n’y a pas de problème. L’important, c’est la relation que l’on noue. Avec l’Institut français, par exemple, on est dans un rapport très égalitaire. Ils ne nous ont imposé aucun projet, aucune modification. C’est un lieu qui se trouve au Sénégal, qui fait travailler des Sénégalais.

Avez-vous eu des difficultés à obtenir des financements ?  
Sahad Sarr : On a des financements européens comme des financements sénégalais. L’année dernière, on a créé le festival sans sponsors. Cette année, on s’est dit qu’il fallait que l’on développe le sponsoring. C’est vrai, on a beaucoup de sponsors apposés sur l’évènement, mais on n’a pas obtenu beaucoup d’argent de leur part. Les gens, en voyant les logos, pensent qu’on est multi-financés, mais ce n’est pas le cas.

Stéphane Contini : Parmi nos sponsors, il y en a deux, voire trois qui nous ont réellement financés. Sinon, il s’agit d’échanges de bons et loyaux services. Par exemple, le service partenariat de Rfi nous a dit qu’il nous soutenait, mais cela se résume à une bannière sur leur site et un relai d’information dans les rédactions. Mais il ne s’agit ni d’argent ni de garantie d’avoir des heures de grandes audiences ou des annonces sur des créneaux horaires intéressants. On s’est rendu compte, finalement, que ça nous desservait un peu parce qu’il y a énormément de gens avec qui on traite, des opérateurs techniques par exemple, qui regardent des affiches et qui en voyant le nombre de sponsors, font augmenter les prix.

L’an dernier, c’était la première fois que vous proposiez ce festival. Cette année, l’organisation a-t-elle été plus facile ?
Stéphane Contini : L’an dernier, on l’avait organisé en 8 semaines, uniquement avec nos moyens propres. Donc, on n’avait pas les contraintes de passer du temps à monter les partenariats ou à créer des dossiers. On n’avait quasiment pas besoin d’une comptabilité. On a communiqué comme on a pu. Par contre, cette année, on s’y est pris 8 mois à l’avance. On s’est occupés de trouver des co-financements. C’est une aventure complètement différente. On a un budget qui est 5 fois supérieur à celui de l’année dernière, donc une prise de risque également 5 fois plus élevée. On file le nez au vent et on voit où tout cela va nous mener.
Propos recueillis par Floriane Chambert