Aujourd’hui, 22ans après la fondation du Réseau euro-africain de recherches sur les épopées (Reare), quels sont les objectifs de ce 9ème con­grès ?

Le Reare a été fondé il y a 22 ans. Nous sommes aujourd’hui au 9ème congrès et c’est très important de montrer d’abord qu’il y a une jeune relève qui est là et qui est en train d’assurer le travail qui a été fait par les aînés, il y a 22 ans. Il y a très peu de gens qui étaient au congrès de la fondation du Reare et qui ne sont pas là aujourd’hui. Et cette année, on a choisi un thème autour de la figure du saint. Comment cette figure-là se construit, où il a été construit au fil de l’histoire et comment est-ce que ces récits qu’on appelle des récits fondateurs de nos identités, participent à la préservation et à la construction de cette figure.

El Hadji Omar Tall est la figure par excellence du saint au Sénégal. Que pouvez-vous dire sur lui ?
El Hadji Omar Tall est une figure imposante dans l’histoire africaine. Et il suffit juste de revoir sa trajectoire pour voir évidemment le nombre de kilomètres qu’il a parcouru depuis l’Afrique jusqu’à la Mecque. Et à son retour, avant le djihad, toutes les péripéties autour du Sénégal, du Fouta à l’extrême Nord, jusqu’à l’extrême Sud du pays. Et ça, c’était avant son djihad. El Hadji Omar, c’est une figure imposante de sainteté dans l’histoire de la société et dans la littérature ouest-africaine de manière générale. Nous sommes tous interpellés pour exhumer ces figures-là. Et la faute n’incombe pas seulement aux décideurs, aux intellectuels, mais c’est nous tous qui devons prendre en charge cette question. L’épopée est un récit mal connu, très mal connu même. Et quand on parle de l’épopée, c’est généralement politique d’autant plus que ces personnages comme Ceerno Souleymane Baal et Abdoul Kader Kane ont fondé un Etat théocratique. Maintenant, on va essayer de voir comment leur figure de sainteté légitime un peu leur action politique. Et comment cette sainteté elle-même préfigure une gestion sobre et vertueuse des affaires de l’Etat dont nous parlent Ceerno Souleymane Baal et Abdou Kader Kane.

Aujourd’hui, quelle est l’importance de la littérature orale ?
La littérature orale, comme vous le savez, a toujours été importante, encore plus aujourd’hui où nous sommes dans un monde où nous autres africains, où notre jeunesse est en perte de repères.  Et c’est cette littérature évidemment qui consigne toutes nos valeurs culturelles, politiques, historiques, sociales qu’il faudra exhumer pour montrer aux jeunes africains qu’ils n’ont rien à envier au reste du monde et que nous avons une très grande civilisation qu’il convient maintenant de préserver. Et que la jeunesse africaine, en perte de repères, doit savoir qu’en revisitant cette littérature, elle pourra trouver des références pour guider ses actions. Et si vous regardez le programme du congrès, El Hadji Omar Tall est le personnage qui sera le plus abordé par les participants. Ce qui montre évidemment son importance.
Propos recueillis par Ousmane SOW