Elle est aujourd’hui une des figures de proue des mouvements de femmes engagées dans la résolution du conflit en Casamance. Mme Thiam Ndèye Marie Diédhiou, présidente de la Plateforme des femmes pour la paix en Casamance (Pfpc), dépeint une femme casamançaise traditionnellement très forte et qui a poussé les hommes au combat, mais qui œuvre aujourd’hui pour le retour de la paix.Dans votre intervention au panel du Gingembre littéraire, vous avez souligné que les femmes en Casa­mance étaient passées d’actrices du conflit à celles de la paix. Qu’est-ce qui s’est passé pour qu’il y ait ce changement ?

Les femmes ont accompagné les hommes dans la prise de décision d’aller à la guerre. Et ce n’est pas fortuit parce que c’est dans l’ancrage même de l’éducation de la femme casamançaise. La femme qu’on appelle la belle-sœur, dans la société casamançaise, a le droit d’intervenir dans la gestion des conflits dans sa famille, dans la famille de son mari et dans le village, le quartier.
La femme dans la gestion des conflits, ce n’est pas nouveau, c’est notre tradition. Donc quand il y a eu cette première marche en 1982, marche des élèves du lycée Djignabo, les femmes sont intervenues en tant que médiatrices. Et plus tard quand il y a eu ce conflit armé, les femmes étaient au-devant de la scène. Aussi bien de la marche de 82 que lors de celle de 83, les femmes ont effectivement pris part parce que pour elles le Mfdc était le cadre idéal pour que l’injustice sociale soit résolue en Casa­mance.
Elles ont pris part à ce conflit, étaient des actrices dans la prise de décision, ont accompagné les combattants, tant du point de vue logistique, de l’économie du Mfdc. Plus tard quand elles se sont rendu compte qu’elles étaient les premières à subir les conséquences du conflit avec les viols, les violences, elles ont pris une autre décision, celle de s’impliquer pour le retour de la paix en Casamance. C’est comme ça qu’elles sont devenues aujourd’hui des actrices majeures de la résolution du conflit en Casamance.
Vous dépeignez des femmes très fortes, qui ont une grande place dans la société.

Pourtant quand on regarde le champ économique ou politique, elles y sont quasi absentes paradoxalement. Quelle explication donner à cela ?
Effectivement, si on regarde la scène politique, les femmes sont sur le terrain politique. Ce sont elles qui élisent les hommes, mais elles-mêmes ne sont pas à un niveau stratégique. Mais au plan traditionnel, les femmes ont droit à la parole, elles prennent des décisions qui sont respectées par tout le monde. Aussi bien par les hommes que par les femmes.
Maintenant au plan politique, au niveau des instances de décision, les femmes ne sont pas présentes parce qu’elles n’ont pas la formation qu’il faut pour accéder à ce niveau, mais aussi ce sont les hommes qui ne leur font pas la place. Et les femmes sont reléguées au second plan.

N’est-il pas temps alors de revendiquer plus de places ?
On a dépassé ce moment-là. Aujourd’hui, les femmes sont présentes dans les mairies des communes comme adjointe au maire ou comme conseillères municipales, dans les Conseils départementaux aussi, à l’Assemblée comme au Conseil économique, social et environnemental. Même si leur nombre est faible, elles sont là quand même.

Pour quoi ces femmes luttent-elles aujourd’hui ?
Mon combat à moi, c’est le retour de la paix, c’est aussi le combat de la plateforme. Nous travaillons afin que toute la population du Sénégal s’implique dans la résolution du conflit.

Certaines personnes, Salif Sadio pour ne pas le nommer, pensent et disent tout haut que la guerre n’est pas finie. Comment réagissez-vous à cela ?
Je pense qu’un processus de paix n’est pas linéaire. Il y a des hauts et des bas. Mais il faut noter quand même qu’il y a des avancées. On n’est plus au moment où on ne pouvait pas rester dehors jusqu’à certaines heures. Aujourd’hui, on a de moins en moins de braquages, d’attaques.
On peut donc considérer qu’il y a des avancées. Il y a des fractions du Mfdc qui sont en train de discuter et avec des plénipotentiaires sénégalais. Cela veut dire qu’on n’est pas encore à la paix puisque les armes ne sont pas encore déposées parce qu’il n’y a pas de signature d’accord de cessez-le-feu. Mais il y a des avancées par rapport à la résolution du conflit.