On dénombre un grand nombre de sketchs pendant le mois de Ramadan. Quelle appréciation en faites-vous en tant que comédien et président de l’Association des comédiens du Sénégal ?

Je trouve que la création des sketchs qui accompagnent le Ramadan est une très bonne chose. Ils constituent une sorte de réceptacle pour les annonceurs qui font passer leurs produits à travers des contenus présentés par les comédiens. C’est aussi pour certains acteurs du théâtre une période de bonne traite. C’est à encourager. Sauf qu’il faut revoir certains aspects liés à la qualité du contenu et des prestations des artistes.

Qu’est-ce qu’il faut revoir ?
Les sketchs sont, comme vous le dites, partout à cette période, sur toutes les chaînes de télévision, les réseaux sociaux… Le Ramadan peut être un bon prétexte pour créer de bonnes séries, de bons sketchs, mais il ne faudrait pas que les gens exagèrent. Il ne faut pas non plus que nous soyons obnubilés par le gain jusqu’à oublier les fondamentaux de l’islam, surtout en termes d’éducation à l’islam. Les sketchs du Ramadan doivent être une forme d’éducation à l’islam, une forme d’éducation qui rappelle les interdits, les faits sacrés qui sont recommandés. Je ne dis pas que tout est mauvais. Il y a des artistes qui font du bon travail. Il y a de très bons contenus. Par contre, il y a des contenus qui laissent à désirer et qui nous interpellent sur la nécessité de former les comédiens dans le jeu de l’acteur, dans l’écriture de scénario. Il arrive que l’on découvre des comédiens qui contredisent les préceptes de l’islam. Des comédiens qui, au lieu des faire ce qui recommande l’islam, disent et font le contraire. Il m’est arrivé de voir dans des sketchs, il y a quelques années, des scènes où les artistes font tout, sauf de la prière. Des scènes où les comédiens disent et posent des actes blasphématoires. Et à mon avis, même quand il s’agit d’acte de théâtre où l’on doit illustrer des formes de prière, il faut le faire bien. Nous sommes dans un mois de pénitence, dans un mois béni. Ce qu’il faut éviter justement, c’est de heurter la conscience des musulmans qui se donnent corps et âme et qui se dévouent à Dieu pendant ce mois. Il faut que nous évitions dans nos sketchs de contredire les préceptes de l’islam.

N’est-ce pas justement le but visé par ces sketchs qui cherchent à faire rire les téléspectateurs et les aider à oublier la faim ?
On peut éduquer en faisant rire. Le rire est recommandé, c’est une sorte de nourriture spirituelle. Le rire nourrit l’esprit et le cœur. Le rire est un médicament pour soigner les blessures de la chair et de l’âme. L’effet du rire est fantastique. Mais évitons de tourner en dérision, de manière à blesser l’amour propre de l’islam ! Je ne suis pas obligé de faire rire les gens quand je fais du sketch. L’essentiel, c’est qu’ils puissent tirer une leçon importante qui puisse recadrer le croyant dans sa foi. C’est vers cela que nous devons aller. Faisons en sorte de ne pas donner une vision négative de la chose !

On tend de plus en plus vers les sketchs publicitaires qui sont aussi bien prisés des téléspectateurs. Respectent-ils les normes ?
Il y a des cas où l’annonceur souhaite vulgariser son produit et le rendre visible en demandant aux artistes d’intervenir. Dans ce cas, c’est l’annonceur lui-même qui fixe son regard sur ces sketchs. Il a intérêt à poser un regard là-dessus pour que son message ne soit pas détourné. L’annonceur a pour objectif de vendre, de faire en sorte que son produit puisse régner sur le marché. C’est lui donc qui, avec son service marketing, communication, écrira ensemble avec l’artiste. Le marketeur n’est pas un scénariste, ni un écrivain. Il n’a pas un regard, une vision dramatique, une démarche théâtrale, mais il faudrait que quand il propose un contenu, qu’il le fasse avec le réalisateur ou le metteur en scène ou avec le comédien. Pour avoir un produit qui cartonne à tous les niveaux, il faut d’abord que la qualité des prestations des artistes soit de mise. Et pour cela, l’artiste, le scénariste, l’annonceur et la chaîne de télévision doivent travailler ensemble.

Que préconisez-vous alors pour améliorer la qualité de certains contenus ?
Il faut se référer au Cnra (Conseil national de régulation de l’audiovisuel) qui, il y a 2 ou 3 ans, avait organisé des journées d’études sur les sketchs du Ramadan et émis de pertinentes recommandations et suggestions. Le Cnra avait clairement identifié ce qu’il fallait faire, ce qu’il ne fallait pas. Ce qu’il fallait dire et non. C’était une belle expérience, mais j’ai comme l’impression que les différents acteurs n’ont pas eu le temps de redresser leur façon de conduire les contenus. Je suggère au Cnra de renouveler cette démarche qu’il avait initiée pour ramener les acteurs à réfléchir sur les contenus et leur permettre d’identifier ce qui est utilisable et qu’est-ce qui ne l’est pas. Mais cette fois-ci, ils devront le faire de concert avec les diffuseurs.
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