(Envoyé spécial au Burkina Faso)

– Même si son film est d’une actualité brûlante et d’une qualité de production exceptionnelle, le sujet traité reste une vérité taboue. Pourtant, le Fespaco a accepté en toute indépendance de sélectionner et de projeter L’orage africain. Mieux, Sylvestre Amoussou repart de Ouagadougou avec l’Etalon d’argent de Yennenga. Dans cet entretien à bâtons rompus avec Le Quotidien, il parle de son film, qui a fait l’objet de grands débats dans les rangs des cinéphiles.

L’orage africain, votre film sélectionné au Fespaco est-il vraisemblablement un film de provocation ?
Provocation ? Non. C’est un film qui essaye de décrire la situation politique sur le continent africain. Je n’ai nullement l’intention de provoquer qui que ce soit. J’ai envie d’éveiller les consciences et de dire aux gens : «Voilà ce qui se passe sur notre continent, à vous de vous battre». Parce que seuls les chefs d’Etat ne peuvent pas faire le job. Puisqu’ils sont sous contrôle, c’est aux Peuples africains d’être solidaires et d’essayer de changer les choses par leur travail et leur solidarité.

C’est un film qui ne peut être sélectionné dans certains festivals, surtout en Europe. Mais il l’a été au Fespaco, quelle est votre appréciation à ce propos ?
Le but de ce film, c’est d’abord, avant tout, en direction des Africains qu’ils soient de la diaspora ou pas. Parce que quand on fait un film, il faut avoir clairement sa cible désignée. Que les gens veulent s’intéresser à mon travail par rapport aux autres festivals. D’abord je ne vais pas faire un film pour un festival. Pour moi, le Fespaco c’est la plus grande plateforme africaine pour permettre de montrer ce qu’on pense de notre travail.

Quand le film est sorti, Kémi Séba a affirmé : «Voilà un cinéaste qui n’est pas corrompu et qui dit les choses telles que l’Afrique doit les voir». Une analyse judicieuse ?
Kémi Séba est très bien ! C’est quelqu’un d’entier et qui défend l’Afrique. Je dis : «Partout où il y a des citoyens qui défendent l’Afrique, je suis avec eux».

Dans vos films, vous abordez les rapports Afrique-Europe d’une manière assez surprenante voire gênante pour certaines puissances. Alors que vous vivez-vous-même en Europe. C’est quand même paradoxal, non ?
Non absolument pas ! Est-ce que vous trouvez normal que les matières premières quittent l’Afrique pour l’Europe ? Et que les hommes ne peuvent pas se déplacer de l’Afrique vers l’Europe ? Si nos matières premières étaient transformées ici sur le contient, nous ne serions pas obligés d’aller en Europe pour chercher du travail ou pour faire quoi que ce soit. Nous serions restés chez nous, pour nous battre pour la transformation et on aurait du travail chez nous. Il n’y a aucune contradiction là-dedans.

Au Bénin on sait que le cinéma est vraiment moribond, même si ces dernières années il y a une rénovation. Que doit-on faire pour porter le 7ème art dans ce pays ?
C’est une question importante. Car un Peuple qui ne connait pas et ne valorise pas sa culture est un peuple mort. Et on ne peut pas développer un pays, s’il n’y a pas une culture. Le cinéma, spécifiquement est ce qui permet de montrer, de vendre notre pays à l’international. Mon pays veut travailler dans le tourisme et je pense que le cinéma peut être un bon support également. Sans le cinéma, le tourisme ne peut se développer.
Certains cinéphiles regrettent que vous interprétiez des rôles dans vos propres films.

Pourquoi toujours ce choix ?
Ce choix, parce que je suis comédien à la base. Il ne faut pas oublier, non plus, que les rôles on ne me les donne pas. Si je me les écris et que je peux le faire, je le fais. Le problème ce sont certaines personnes qui disent ça. Pourtant, la plupart des réalisateurs européens qui sont des comédiens, c’est eux-mêmes qui écrivent leurs rôles et les interprètent dans leurs films. Et personne n’a rien à dire. Quand Gérard Junior ou d’autres comédiens en Europe jouent dans leurs propres films qu’ils ont écrit, personne ne dit rien. Je ne vois pas pourquoi je ne pourrai pas en faire autant ? J’incarne ces rôles parce que c’est des personnages que je porte et que j’amène jusqu’au bout.