Micr’Ouvert – Woz Kaly, artiste chanteur : «Je suis un artiste libre et engagé»

Par Floriane CHAMBERT (Stagiaire) – Ce n’est pas la première fois qu’il se produit sur la scène du Festival international de jazz de Saint-Louis. Invité de marque, l’artiste sénégalais Woz Kaly a ouvert le bal du Off du festival. Auteur-compositeur-interprète, c’est un message de liberté qu’il offre à son public à travers sa musique multiculturelle et ses textes engagés. C’est la deuxième fois que vous êtes invité au Festival de Saint-Louis. En 2015, vous étiez dans la programmation du Festival In. Cette année, vous ouvrez le Festival Off. 7 concerts sont prévus sur les 3 jours. Peut-on dire que vous êtes un habitué ?
On peut effectivement dire que je suis un habitué. Saint-Louis, c’est la ville de ma mère. J’en garde une affection particulière. J’ai passé toute ma jeunesse ici. J’adore jouer à Saint-Louis et j’adore le Festival de jazz, qui est devenu un évènement international. Ça donne de la vie. Ça apporte beaucoup aux populations.
Est-ce un bon tremplin pour se faire connaître à l’international ?
Il y a tellement de personnes qui participent à ce festival, et parmi elles, il y a des gens de la culture ou d’autres qui cherchent des groupes. En 2015, grâce à ma participation au festival, j’ai créé des contacts. Ça m’a permis de jouer dans d’autres pays. A la base, ces personnes étaient seulement venues pour observer. Ça donne de réelles opportunités.
Aujourd’hui, vous revenez en tant qu’artiste sénégalais ou artiste international ?
Je suis un artiste sénégalais international. J’ai vécu en France pendant 27 ans. J’ai joué là-bas, j’ai fait ma carrière là-bas, mais je suis toujours un artiste sénégalais. Je n’habite plus en France. Je suis revenu vivre à Dakar depuis 4 ans, mais je retourne souvent en France pour faire des concerts. J’y serai, par exemple, pour la Fête de la musique, le 21 juin.
Vous diriez qu’il y a plus d’opportunités pour se produire au Sénégal qu’auparavant ?
A Dakar surtout, j’ai été surpris du nombre de clubs de jazz, de salles de concerts où les artistes peuvent jouer. Il y a des artistes qui viennent de partout, notamment des musiciens d’autres nationalités africaines. Il y a un réel public pour chaque style de musique. Dakar commence à devenir une métropole de la musique.
Au festival, vous vous produisez en solo. Qu’en est-il de votre groupe, Missal ?
Je suis membre fondateur de Missal, mais j’ai toujours fait des choses en solo à côté. C’est difficile de tous nous regrouper. Il y a des membres qui sont aux Etats-Unis, d’autres au Sénégal ou bien en France. Mais nous ne sommes pas fâchés. Un artiste doit être libre. Il y a tellement de choses à découvrir dans la musique. Rester dans un groupe toute sa vie, pour moi, c’est perdre son temps. Il faut toujours garder une liberté pour aller explorer autour. Je suis un électron libre.
Dans vos chansons, vous abordez des thèmes importants comme le droit des femmes ou le travail des enfants. Vous définiriez-vous comme un artiste engagé ?
Je raconte ce que je vis. Mon père était enseignant, c’est pour cela que le thème du travail des enfants ou de la scolarisation des filles m’importe. Pour l’excision, je connais des femmes, notamment à Ziguinchor, qui en ont été victimes. J’ai côtoyé ces femmes pendant des années et j’ai vu leur souffrance, leur douleur. Ça m’a touché. On est là pour alerter, dénoncer. Les textes sont importants pour moi. Je ne joue pas avec les paroles de mes chansons. J’ai également écrit un texte sur la mortalité infantile pour mon prochain album. Moi, je suis un artiste libre et engagé. Je ne suis pas là pour dire des choses fausses ou pour faire plaisir. Quand le pays va mal, il faut le dire.
Et vous pensez que le pays va mal ?
Le Sénégal est un hôpital psychiatrique. Tout le monde est déprimé. Moi, je suis déprimé. On est sénégalais, on a eu un vécu avant. Donc, il y a des choses qui ne sont plus possibles. On ne peut pas continuer comme ça. Je pense qu’on a raté l’éducation d’une génération entière. J’espère qu’on ne ratera pas celle de la génération suivante. Il faut refonder, discuter pour créer.
Selon vous, l’artiste doit avoir une responsabilité politique ?
Il y en a beaucoup qui se disent apolitiques. On est tous politiques. Tout est politique. Mais je ne suis pas là pour dire que je suis avec un tel ou un autre. Je me méfie des politiciens. Je ne crois pas au concept de l’homme providentiel. Il faut dialoguer, se mettre autour d’une table. Mais, aujourd’hui, ce n’est pas ce qu’il se passe dans mon pays. Et c’est triste de voir mon Sénégal comme ça.
Vous avez parlé d’un nouvel album. Quels sont vos projets pour l’avenir ?
Je suis en train de finir un nouvel album dont j’ai enregistré une partie à l’île Maurice. J’y étais il y a trois semaines. C’est un album qui raconte une histoire que j’ai écrite et qui se déroule entre l’Océan indien, l’Afrique et l’Europe. On a donc commencé en Inde, pour aller à l’île Maurice, en France et au Sénégal. On a incorporé des instruments de chacun de ces pays. Il y aura un duo avec une chanteuse indienne. L’enregistrement est fini. On a commencé à faire le mix. Ça fait 5 ans que je bosse dessus. Il sortira en France, au Sénégal et à l’île Maurice en septembre prochain, si tout se passe bien. Au-delà de cet album, j’ai aussi un projet de ciné-concerts. Je joue également avec un ami israélien sur un registre plus jazz. Je ne suis jamais sur un projet bien précis. J’aime explorer beaucoup de choses.