Militaires français en Afrique : DAKAR, ABRI PROVISOIRE

Après le début de son retrait de Ndjamena, l’Armée française ne conservera que ses bases à Djibouti, Abidjan, Libreville et Dakar. Jusqu’à quand ? Si le Président Faye laisse entrouvert un probable départ des 350 éléments basés dans la capitale, la clause de retrait contenue dans le traité de Partenariat en matière de coopération militaire entre les deux pays est claire : «La partie sénégalaise se réserve le droit de demander à tout moment le retrait des forces françaises stationnées sur son territoire, par notification écrite envoyée six mois avant le retrait. La partie française se réserve le droit de retirer ses forces à tout moment par notification écrite envoyée au moins trois mois avant ce retrait.»Par Bocar SAKHO –
A Ndjamena, les choses n’ont pas traîné, avec le début du retrait de l’Armée française. C’est dans la journée d’hier que l’Etat-major de l’Armée tchadienne a publié un communiqué pour faire la révélation. Aussitôt après, la France a décidé d’entamer ce retrait après la rupture des accords de coopération, de défense et de sécurité annoncée par le gouvernement tchadien le 28 novembre dernier, avec le décollage de deux des trois mirages de la base aérienne d’Adji Kossei à 13h 15. Ils étaient accompagnés d’un Mrtt et d’un avion de ravitaillement pour rallier la France. C’est une page qui se tourne dans les relations entre la France et le Tchad, qui était «un point d’ancrage important de l’Armée de l’air française». Même si l’Armée française avait quitté le pays en 1976 à la suite d’une dénonciation de l’accord par le Président Félix Malloum, pour finalement revenir la même année et aider à empêcher la progression des rebelles du Front de libération nationale du Tchad (Frolinat) vers le Sud du pays.
Les autorités tchadiennes empruntent ainsi la route tracée par des pays de l’Aes qui ont demandé à l’Armée française de se retirer. Ses militaires ont fait leurs packages pour s’en aller de Bamako, Niamey et Ouagadougou, où la rhétorique anti-française était devenue un cri de résistance après l’installation de régimes militaires dans ces pays. Les derniers vestiges de la présence militaire française se trouvent à Abidjan, Djibouti, Libreville et aussi… Dakar.
Jusqu’à quand ?
Pour le Sénégal, le chef de l’Etat a entrouvert la porte de leur départ à la veille du 80ème anniversaire de la commémoration du massacre de Thiaroye 44. Dans un discours sans équivoque, il avait estimé que cette présence «ne correspond pas à notre conception de la souveraineté et de l’indépendance». Sans annoncer de délai «pour le moment».
Clause de retrait
Il faut savoir que le dernier accord de Partenariat en matière de coopération militaire entre la République française et la République du Sénégal a été signé le 18 avril 2012 par les présidents Sarkozy et Macky Sall. Selon les détails de l’accord, le traité est conclu pour une durée de cinq ans. «Il est renouvelable par tacite reconduction pour de nouvelles périodes de cinq ans, à moins que l’une des parties notifie à l’autre son intention de mettre fin au traité six mois avant son expiration. Les parties peuvent, à tout moment et d’un commun accord, amender par écrit le présent traité. Les modalités d’entrée en vigueur des amendements sont celles énoncées au premier alinéa du présent article», lit-on dans le document mis en ligne par le gouvernement français pour des raisons de transparence.
Evidemment, il est possible à chaque partie de revenir sur les modalités du traité : «Chaque partie peut dénoncer le présent traité par le biais d’une notification écrite. Cette dénonciation prend effet six mois après réception de la notification par l’autre partie. La dénonciation du présent traité n’affecte pas les droits ou obligations résultant de son exécution préalablement à cette dénonciation.»
Il faut savoir que d’autres annexes ont été rajoutées au texte le 7 octobre 2014 durant la Présidence de François Hollande. Il y a aussi dans l’accord, les facilités accordées aux forces françaises stationnées ou en transit du pôle opérationnel de coopération à vocation régionale, le régime des installations mises à disposition des forces françaises stationnées ou en transit, les facilités accordées aux membres des Forces armées sénégalaises par la partie française en matière de formation, d’entraînement, d’équipement, d’escales maritimes et aériennes. Sans oublier les facilités académiques accordées aux membres des Forces armées sénégalaises par la partie française dans le domaine de la formation en France, en matière d’instruction et de formation accordées aux membres des Forces armées sénégalaises par la partie française au Sénégal… Mais, le Sénégal avait entamé sous Macky une plus grande autonomisation des Forces armées avec des écoles de formation et de guerre, et l’acquisition de matériels de dernière génération comme les patrouilleurs de la Marine nationale. Constitués de 350 militaires, les Eléments français au Sénégal (Efs), qui ont vu le jour le 1er août 2011, en remplacement des Forces françaises du Cap-Vert (Ffcv), disposent d’une escale aérienne à l’aéroport militaire de Dakar-Senghor, d’une station d’émission haute fréquence de la Direction interarmées des réseaux d’infrastructures et des systèmes d’information (Dirisi) à Rufisque. Dans la foulée de cette restructuration, Me Wade avait décidé d’affecter leurs logements à Bel Air, Mermoz et à la Cité Claudel aux enseignants du Supérieur et aux officiers de l’Armée nationale.
bsakho@lequotidien.sn
1 Comments
Le Sénégal a besoin d’un partenaire stratégique, à la fois membre du conseil de sécurité des nations unies et détenteur de l’arme nucléaire. Pour la simple et bonne raison suivante : les ressources du Sénégal ne peuvent pas être destinées à l’arme nucléaire ni à des dépenses prohibitives de sécurité et de défense. Il doit les sous-traiter afin de mieux s’occuper de secteurs aussi prioritaires que sont la santé, l’éducation, la justice, l’environnement et la prise en charge des problèmes des jeunes qui représentent 70 % de la population.
Ne pas remplacer une puissance par une autre puissance, et ne pas admettre des « mercenaires » pour défendre la souveraineté du Sénégal.
Cependant le Sénégal n’aspire pas à remplacer une puissance par une autre, il veut simplement dialoguer, coopérer et assumer sa souveraineté dans un monde où tous les pays sont devenus interdépendants. Le Sénégal n’est pas non plus à la recherche de « mercenaires », d’une défense privée, payée rubis sur l’ongle à partir de ressources naturelles. Les ressources minières, et naturelles, plus généralement, de beaucoup de pays africains sont en train d’être pillées par des bandits et des gangsters de tout acabit. Parfois des méthodes expéditives ont court dans des lieux d’exploitation : un système de troc, des minerais bruts extraits et expédiés en Europe par des vols directs d’avions à partir de pistes spécialement aménagées sous la surveillance serrée et vigilante de mercenaires armés jusqu’aux dents.
Or, le Sénégal veut simplement un accompagnement juste, équilibré et équitable pour assumer sa souveraineté sur tous les plans. Tel est le cahier de charges soumis aux nations éprises des principes de liberté, de justice, de paix, d’égalité, de démocratie et de l’épanouissement intégral de l’être humain sans distinction de race, de couleur et de religion. Le choix d’un partenaire stratégique dans un benchmark entre la Chine, la France, la Grande Bretagne, la Russie et les U.S.A.
Ce débat qui est ouvert, devrait être un moment d’échanges et de partages, codé, important et sérieux à l’intérieur de la « grande muette ». Parce qu’il s’agit d’aider les autorités politiques, élues, légitimes et légales à faire le choix d’un partenaire stratégique de la défense nationale du Sénégal. Car il faut sous-traiter, les performances de l’intelligence artificielle, l’arme nucléaire, la patrouille des sous-marins, les surveillances par les satellites de l’air et de l’espace sénégalais, les projections stratégiques et les déploiements de matériels de combats et de guerre à haute performance, et le droit de veto au secrétariat du conseil de sécurité de l’organisation des nations unies. Puisque nous savons tous, et nous sommes tous d’accord que la défense nationale du Sénégal n’a pas de prix ; mais elle a un coût qui peut être très élevé.
Pas de mercenaires et de milices privées
Beaucoup de fonctions d’un gouvernement efficace peuvent être privatisées, mais la défense nationale fait partie des rares exceptions comme le souligne le grand penseur et prix Nobel d’économie Milton Friedman[iii]. Par conséquent il ne faut surtout pas de mercenaires ou de milices privées pour défendre les frontières et l’unité nationale.
Un débat fondamental est ainsi posé. Ce dernier bien que confidentiel doit être inclusif car il est important et sérieux.
Ce débat ne doit pas donc être une discussion de café de commerce, un « wakh sa khalat[iv] », au cours de laquelle des officiers généraux, supérieurs ou subalternes, des sous-officiers, et des militaires du rang sont jetés en pâture dans les médias et réseaux sociaux comme des pro ou anti Chine, France, Grande Bretagne, Russie ou USA.
La qualité première de pro Sénégal de tout militaire sénégalais est indiscutable et non négociable.
Les spécialistes autoproclamés des questions de défense et de sécurité devraient être mis face à leurs responsabilités avec des éventualités de poursuite pour atteinte « au moral des forces de défense et de sécurité ».
Et enfin la direction de l’information et des relations publiques des armées (la dirpa) et le bureau des officiers généraux du ministère de forces armées (MFA) pourraient communiquer efficacement afin de garder intacte l’image de respect et de considération que nos concitoyens ont de leurs forces armées et du haut commandement militaire qui les dirige.
Nos élites militaires, nos officiers généraux et supérieurs, nos fonctionnaires civils de l’école de guerre et de l’institut de défense du Sénégal du camp général Idrissa Fall de Dakar ont tout intérêt à mettre ce sujet au centre de leurs préoccupations.
S’attacher les services des « cinq majeurs » du conseil de sécurité de l’ONU.
Par ailleurs, les ambitions démesurées, et les désirs effrénés de valorisation sur les réseaux sociaux de quelques militaires ne devraient pas les inciter à propager des fausses nouvelles pouvant atteindre le moral de la troupe. Les forces armées sont actuellement à des niveaux de standards très élevés grâce à leur professionnalisme, à leur cohésion et à leur esprit de corps.
Mais elles ne doivent pas se reposer sur leurs lauriers. Car les choses bougent et les équilibres sont instables.
Ce sujet est de la plus haute et grande importance. Il déterminera l’avenir de plusieurs générations de soldats sénégalais. Mais le benchmark de l’offre de partenariat sera fait dans un mouchoir de poche Où nous trouvons par ordre alphabétique la Chine, la France, la Grande Bretagne, la Russie et les U.S.A.
La compétition ainsi ouverte sera intense sûrement. Les critères objectifs de sélection sont faciles à déterminer (arme nucléaire, balance des forces, performance des accords de défense et de sécurité, droit de veto à l’ONU, indices humains de développement (espérance de vie, niveau d’éducation, revenus), PIB etc.). L’indication exclusive de choix du temps de la guerre froide basée sur l’idéologie est dépassée.
Colonel Spartacus