Ministères de souveraineté : LES BÉQUILLES LES BÉQUILLES

Le remaniement opéré ce samedi a montré que la caution «technocratique» de ministères de souveraineté est souvent liée à un contexte politique. Comme Diomaye-Sonko, tous les autres régimes ont tenté l’expérience avant de confier ces départements à leurs proches au nom de la Realpolitik. Revigoré par ce remaniement, Pmos a les cartes en main pour sortir le pays de ce marasme économique. Et aux «martyrs» ? Par Justin GOMIS –
Avec le dernier remaniement opéré par Diomaye-Sonko, le débat sur les ministères de souveraineté refait surface. Au début de chaque régime, il y a une forme de caution de neutralité que les nouvelles autorités essaient de donner en nommant des personnalités issues de la Société civile. Exit Ousmane Diagne et Jean-Baptiste Tine, après une parenthèse enchantée de 18 mois.
Depuis la fin de l’ère Diouf, il s’agit d’une demande réitérée de la Société civile avant que la réalité du pouvoir ne rattrape les autorités. Général Lamine Cissé avait conduit la Présidentielle de 2000 au ministère de l’Intérieur, qui a abouti à l’alternance. Dans la foulée de son élection, Me Abdoulaye Wade choisit général Mamadou Niang et Mame Madior Boye aux ministères de l’Intérieur et de la Justice.
De Diouf à Diomaye….
Confronté à la réalité du pouvoir, Me Wade procédera à la coloration politique des départements de souveraineté de l’Intérieur, de la Justice, de l’Economie et des finances, et des Affaires étrangères. Jusqu’au bout, il aura gouverné avec Abdoulaye Diop comme argentier, Ousmane Ngom à l’Intérieur, Madické Niang à la tête de la diplomatie. Cheikh Guèye a organisé la Présidentielle, qui a consacré l’élection de Macky Sall en tant que ministre des Elections, département créé pour satisfaire une demande de l’opposition et de la Société civile.
Porté par une volonté de modernisation de l’appareil politique, le Président Sall parie sur deux banquiers au début de son mandat : Abdoul Mbaye à la Primature et Amadou Kane au ministère de l’Economie et des finances. Mais, il plaça ses fidèles de l’Alliance pour la République (Apr) aux Affaires étrangères, à l’Intérieur et à la Justice, à savoir Me Alioune Badara Cissé, Mbaye Ndiaye et Mimi Touré. Ce qui lui avait valu une volée de bois vert de certains membres de la Société civile, notamment les «Assisards» qui voulaient une «décoloration» politique systématique de l’occupant de la Place Washington.
Après deux ans de tergiversation, il change de cap pour dessiner les contours de son Pse. Les deux banquiers sautent, Mimi prend la Primature suivie de Amadou Ba, comme argentier de l’Etat. Ce dernier va devenir l’une des figures majeures de l’appareil d’Etat et politique de l’Apr. S’il y a une parenthèse Mankeur Ndiaye comme Cheikh Niang aujourd’hui à la tête de la Diplomatie sénégalaise, les profils politiques ont supplanté les visages technocrates au sein du Sall gouvernement. C’est un considérant très simple : on gouverne avec ses hommes. Jusqu’à la fin de ses deux mandats, Macky Sall est resté avec ses hommes et ses alliés permettant juste à l’Ige Mactar Cissé d’organiser la Présidentielle de 2024. Alors qu’il a servi à tous les postes sous son magistère : ministre et Directeur général.
Dans le sillage de ses prédécesseurs, le régime de Pastef a voulu écrire son début de règne avec des personnalités neutres aux postes névralgiques. Gages de transparence et de rupture ? Il y a 18 mois d’essais avant un changement d’orientation stratégique en reprenant les béquilles du pouvoir aux «technocrates». Etouffé par une volonté de rendre justice à ses militants, le nouveau régime décide de «politiser» la justice avec la nomination de Mme Yassine Fall et de donner l’Intérieur à l’avocat personnel du Premier ministre. Fall-Cissé est un «couple» idéal pour réaliser l’idéologie pastéfienne et/ou sonkoite. Car, le tandem semble avoir compris que les principaux leviers de l’Etat se situent dans ces départements, qui déterminent l’orientation des actions politiques. Pour quels objectifs ?