Je vais commencer par raconter une histoire. Un cafard était en train de siffloter que l’herbe dans la savane était bleue. Le tigre lui rétorque : «Non, l’herbe est verte.» La dispute s’envenime, et tous deux décident de la soumettre à l’arbitrage du lion, le roi de la jungle. Bien avant d’atteindre la clairière, où le lion se reposait, le cafard sifflant se met à crier : «Votre altesse, n’est-ce pas que l’herbe est bleue ?» Le lion lui répond : «Effectivement, l’herbe est bleue.» Le cafard siffleur se précipite et insiste : «Le tigre n’est pas d’accord avec moi, il me contredit et cela m’ennuie, s’il vous plaît, punissez-le.» Le lion déclare alors : «Le tigre sera puni de 5 ans de silence.» Le cafard sifflant sauta joyeusement et continua son chemin, heureux et répétant : «L’herbe est bleue…» Le tigre accepta sa punition, mais demanda une explication au lion : «Votre altesse, pourquoi m’avoir puni, après tout l’herbe est verte.» Le lion lui dit : «En effet, l’herbe est verte.» Le tigre, surpris, demande : «Alors pourquoi me punissez-vous ?» Le lion lui explique alors : «Cela n’a rien à voir avec la question de savoir si l’herbe est bleue ou verte. La punition arrive parce qu’il n’est pas possible qu’une créature courageuse et intelligente comme toi perde son temps à discuter avec un cafard. La pire perte de temps est de discuter avec un fou et un fanatique qui ne se soucie pas de la vérité ou de la réalité, mais seulement de la victoire de ses croyances et de ses illusions.» Moralité : il y a des gens qui, quelles que soient les preuves que vous leur présentez, ne sont pas en mesure de comprendre, et d’autres sont aveuglés par leur ego, leur haine et leur ressentiment, et la seule chose qu’ils souhaitent, c’est d’avoir raison, même s’ils ont tort.
Cette histoire est symbolique du débat sur la supposée dette cachée qui pollue l’espace public depuis la conférence de presse du Premier ministre de septembre 2024. Un débat relancé par la dernière conférence de presse de Mme Kristalina Georgieva, patronne du Fmi, qui s’est exprimée sur le «cas du Sénégal». Ce qui intéresse Pastef et le pouvoir, ce n’est pas tant un nouveau programme avec le Fmi, mais d’entendre celui-ci dire qu’«une dette a été cachée», donc «Ousmane Sonko a raison». Pour eux, tout se résume à leur leader, les préoccupations du Peuple passent après. Ils ne se rendent même pas compte que le Fmi veut les prendre au mot pour dicter les conditions d’un nouveau programme. Ils avaient reproché à Macky Sall d’être aux ordres du Fmi, mais eux, ils risquent de s’aplatir. Que des dettes garanties par l’Etat, mais contractées par des sociétés publiques telles que la Senelec et autres, ne soient pas comptabilisées dans la dette centrale de l’Etat, n’avait jamais scandalisé le Fmi, qui était bel et bien au courant de leur existence. Maintenant, pour avoir raison, ce pouvoir vient de se livrer pieds et poings liés au Fmi, qui va prendre ce régime au collet. Ils n’auront plus de marge de manœuvre pour les subventions. On ne peut pas cacher une dette, et il faut vraiment vouloir coûte que coûte donner raison à Sonko pour y croire. Donc, comme a dit le lion face au tigre, «la pire perte de temps est de discuter avec un fou et un fanatique qui ne se soucie pas de la vérité ou de la réalité, mais seulement de la victoire de ses croyances et de ses illusions».
Peut-être que si c’était à refaire, Sonko n’allait pas parler de dette cachée. Lui connaît maintenant les conséquences d’une telle déclaration. Il pensait que parler de dette cachée allait susciter les débats au Sénégal et que ça lui permettrait de gagner des élections. Jamais il n’aurait imaginé que le Fmi demanderait des comptes et des éclaircissements. Maintenant, le Fmi va jouer avec nous et nous imposer sa politique, et cela a commencé depuis des mois. C’est comme si le Fmi nous disait : «Mon petit Sénégal, j’aime bien ton innocence et ta transparence. Y’a pas de dette cachée, mais comme tu insistes sur ça, je te l’accorde, et ne t’inquiète surtout pas, je te viendrai en aide. J’attends que tu souffres davantage, comme ça, tu seras dépendant encore et encore de moi, et je viendrai en sapeur-pompier t’aider. Mais à condition de faire tout ce que je te demande de faire.»
N’empêche, il est quand même bon de relever l’incohérence de Pastef. Hier, Sonko disait qu’il tremble quand le Fmi félicite un pays, que le Fmi et la Bm n’ont jamais développé un pays. Ces mêmes pastéfiens disaient que le Fmi les combat en traînant les pieds.
Tout ce tollé, en réalité, n’est qu’une tempête dans un verre d’eau. L’Etat du Sénégal, de Diouf à Sall, a toujours considéré que la dette du secteur parapublic, des sociétés nationales, n’a jamais fait partie de la dette principale de l’Etat. Ce nouveau pouvoir a opéré une rupture en intégrant les dettes contingentes dans la dette globale, ce qui a provoqué un changement dans la méthode de calcul. D’où effectivement le misreporting évoqué, qui n’est en rien une dette cachée. Et la dame du Fmi a clairement dit «qu’on attend les clarifications ; une fois prouvées, nous enverrons une délégation au Sénégal immédiatement».
Le Fmi a toujours contrôlé les comptes publics : s’il y a une dette soi-disant cachée, il serait aussi coupable ! Donc il utilise un langage diplomatique pour ne pas froisser, en utilisant tantôt «fausses déclarations», tantôt «dettes cachées», mais le mot le plus important dans ses propos est «misreporting», qui veut dire transmission inexacte ou incomplète de données, et cela n’a rien à voir avec la «dette cachée».
Depuis deux ans, ce gouvernement ne cesse de parler de la soi-disant dette cachée, détournant ainsi l’attention des véritables urgences et préoccupations de notre Peuple, alors qu’il est grand temps de tourner cette page et de passer des paroles aux actes, de mettre fin aux discours vides et de se concentrer enfin sur l’essentiel : résoudre les problèmes quotidiens des Sénégalais, leur offrir des solutions concrètes, améliorer leur vie, garantir l’accès aux services essentiels et restaurer la confiance du Peuple dans ses dirigeants. Ces mêmes dirigeants, qui hier rejetaient l’aide du Fmi comme indigne et qui aujourd’hui sollicitent leur soutien comme de simples quémandeurs, montrent à quel point le leadership manque de constance et de vision. Le Sénégal mérite un gouvernement courageux, responsable et déterminé, capable de répondre aux défis réels de sa population et de défendre ses intérêts sans compromissions ni renoncements honteux.
En définitive, le Fmi va contracter un nouveau programme avec le Sénégal, sous réserve de réformes structurelles mises en œuvre par les autorités sénégalaises. La déclaration est claire : le Sénégal s’est mis sous les fourches caudines du Fmi et va exécuter un programme avec une austérité budgétaire, une suppression des dépenses sociales, une baisse drastique, voire une suppression des subventions. Il s’agit d’une cure d’austérité qui aura des conséquences sociales dramatiques, notamment pour le monde rural et les ménages pauvres qui constituent la majorité de la population.
Et cela va se ressentir sur la Loi de finances 2026, qui sera une vraie opération addu kalpé (racket) fiscal. «En plus des recettes fiscales, la progression des recettes budgétaires serait portée notamment par des recettes additionnelles de 762, 6 milliards F Cfa issues de l’estimation des mesures du Pres» (Plan de redressement économique du Sénégal), nous renseigne le document de la Loi de finances 2026. Ainsi, il est prévu de collecter 300 milliards sur «la taxation des jeux de hasard» communément appelés «Naar bi», 76, 5 milliards sur les services de mobile money. L’Etat prévoit aussi de supprimer «des valeurs de correction au profit des valeurs transactionnelles sur certains produits générateurs de recettes comme le riz et l’huile, ce qui devrait rapporter 29 milliards de F Cfa». Et une «régularisation foncière massive» qui devrait rapporter 100 milliards de recettes. Bienvenue à «Taxland» !