A la Place de l’Obélisque, des centaines de panafricanistes se sont rassemblés samedi pour lancer le mouvement contre le franc Cfa. Kemi Séba et ses camarades n’ont pas été tendres avec le Président Macky Sall qui a récemment défendu cette monnaie créée en 1945 pour 15 pays d’Afrique.

Le froid n’a pas ébranlé leur détermination. Habillés en t-shirt estampillés de slogans hostiles au franc Cfa, de jeunes panafricanistes se sont engagés à porter le combat pour la fin de l’utilisation de cette monnaie en Afrique. A tour de rôle, activistes, artistes, professeurs d’université et politiques se sont succédé au micro pour vouer aux gémonies cette monnaie créée en 1945 et qui est en cours dans 15 pays africains. Initiateur du rassemblement, tenu samedi à la Place de l’Obélisque, Kemi Seba a mélangé passion et éloquence pour expliquer les méfaits du franc Cfa. Figure du radicalisme noir français et du panafricanisme moderne, ce natif de Stras­bourg et d’origine béninoise a appelé les pays africains à rompre les liens avec la France. «On part du principe que chaque Peuple du monde a le droit de disposer de sa propre monnaie. Partout dans le monde, la plupart des peuples ont chacun une monnaie qui lui est propre. Est-il normal qu’on parle de souveraineté alors que notre monnaie est garantie par l’ancienne puissance coloniale ? Il faut que la France cesse de nous escroquer sur le plan économique. Aucune décision économique ne peut être prise sans la présence française. Cela montre que nous ne sommes pas libres. Les Français ont vicié les indépendances, mais ne peuvent pas vicier l’indépendance du 21ème siècle qui est la souveraineté monétaire», explique-t-il.

Macky Sall voué aux gémonies
Dans l’assistance formée en cercle, les slogans contre le franc Cfa pullulent. «A bas la Fran­çafri­que», «A bas le franc Cfa !», «A bas le colonialisme !», pouvait-t-on lire sur des pancartes. En effet, depuis le 26 décembre, Kemi Séba et ses amis ont lancé un appel international pour la fin du franc Cfa en Afrique. 14 pays, à travers leurs sociétés civiles, ont accueilli favorablement cette initiative. Ainsi, lorsque le Président sénégalais Macky Sall estime que cette monnaie est «stable», il s’attire les foudres des panafricanistes. «Macky Sall ne peut pas dire autre chose. C’est un commis de la France. Notre Président est un manipulé et il est une marionnette de la France. C’est la triste réalité. Il reçoit des ordres», a regretté Thiat du mouvement Y’en a marre. Le Pr Bouba Diop, lui, a quitté les amphithéâtres pour se joindre au combat. Mais il n’est pas surpris par la position du dirigeant sénégalais : «Parmi ceux qui ont soutenu Macky Sall, il y a de gros intérêts français. Macky ne va pas couper la branche sur laquelle il est assis. Je ne suis pas surpris par son discours.»
Dans ce rassemblement, il s’agissait aussi de dénoncer les Accords de partenariat économique. Selon Guy Marius Sagna, le leader de la coalition «Non aux Ape», ces accords vont fragiliser davantage l’économie africaine. «75% des marchandises en provenance de l’Union européenne ne payaient plus de droits de douane, cela veut dire que le chômage va exploser. Ça veut dire qu’on va passer de 16 Sénégalais par jour qui traversent la Méditerranée à beaucoup plus», a-t-il alerté. Cependant, la mobilisation du samedi dernier n’était que la première étape, car pour faire reculer les chantres de la Françafrique, Kemi Seba et ses camarades doivent encore gagner le pari de la mobilisation des masses africaines. Mais ils ne sont pas trop mal partis, parce que la mobilisation contre le Cfa a mobilisé des intellectuels et des opinions dans une dizaine de pays, aussi bien dans les pays de la zone Cfa en Afrique qu’en Europe et aux Amériques.

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