Les activités de la 2e édition du Festival international de la mode de Dakar (Fimodak) ont été lancées hier par une conférence de presse qui s’est tenue au Musée Théodore Monod. L’occasion pour le promoteur de ce festival, Abdou Lahad Guèye, ainsi que d’autres stylistes et créatrices, Thiané Diagne et Touty Sy, d’inviter les Sénégalais à changer de mentalité pour s’intéresser à la production locale.

S’il y a deux ans, la présidente des couturiers et créateurs associés, Sadiya Guèye, fustigeait une concurrence déloyale et une consommation étrangère accrue en matière d’habillement, cette année c’est au tour du promoteur de Fimodak, Lahad Guèye, d’en faire pareil. Lui et ses acolytes ont saisi l’occasion du lancement de la 2e édition du Fimodak hier pour protester contre l’attachement viscéral qu’ont les Sénégalais pour tout ce qui vient de l’étranger. «Nous sommes à la 2e édition du Fimodak et nous avons choisi comme thème le prêt à porter africain. Pour une 2e édition, Fimodak veut créer une différence par rapport à ce qui existe dans le milieu de la mode. On s’est dit aussi qu’il fallait trouver les moyens de faire avancer les choses. Et donc nous allons inciter les gens à mieux comprendre l’industrie de la mode en créant une véritable synergie entre les populations et les créateurs pour un made in Sénégal», a déclaré Abdou Lahad Guèye, le promoteur et initiateur du Fimodak, lors de la conférence de presse qu’il a tenue avec d’autres stylistes et créateurs du milieu.
Au nombre de ceux qui ont pris part à cette conférence de presse, Touty Sy, la directrice de la marque Touty, s’est engouffrée dans la même brèche pour revendiquer sa part dans la consommation locale. «Il faut qu’on change nos mentalités. On est très créateur sur le continent africain, mais on n’existe même pas encore sur le niveau national pour aspirer à l’international. On est au niveau zéro et pourtant de grandes marques parlent de l’inspiration africaine», fait-elle remarquer, précisant n’avoir rien contre le fait que d’autres stylistes internationaux s’inspirent de matières comme le wax… «Nous Africains, on est là à regarder, à attendre que les autres s’approprient ce que nous savons faire et nos créations. Ça commence par nous-mêmes, le Peuple, nos dirigeants…!», s’exclame-t-elle, déplorant encore le fait d’être plus sollicitée dans la sous-région. «Au Sénégal, nous avons toujours le complexe de ce qui vient d’ailleurs. La Guinée, la Côte d’Ivoire, le Togo, les autres pays africains ont compris. Mais au Sénégal, on pense toujours que ce qui vient d’Europe est de meilleure qualité que ce que nous produisons», regrette-t-elle.
Directrice de Jour J couture, Thiané Diagne, estime elle que la responsabilité est partagée entre les consommateurs (le Peuple et le gouvernement) et les créateurs. «C’est vrai que le gouvernement doit bouger mais ce n’est pas seulement eux qui doivent bouger. Si aujourd’hui ces millions de Sénégalais que nous sommes, chacun donnait sa garde robe à un couturier, on n’aurait pas le temps d’écouter le gouvernement», dit-elle. Et en ce qui concerne le créateur, Mme Diagne rappelle son attachement à la qualité. «Qui dit prêt à porter dit la qualité. En tant que créateurs, nous nous devons de réorganiser nos chaînes de production, si demain on veut faire partie de ce marché international», lance-t-elle.
Pour la 2e édition du Fimodak qui réunit près de 22 jeunes et stylistes confirmés du Sénégal ou de l’Afrique à Dakar du 5 au 7 avril, le défi est donc grand : réconcilier les Sénégalais avec les stylistes et couturiers locaux, réconcilier les Africains avec leurs créateurs.
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