Monsieur le Premier ministre

Nous vivons dans une société où la foi est profondément ancrée. Un Peuple à 95% musulman et à 5% chrétien, uni par des croyances, mais surtout par un héritage immatériel fait de valeurs, de respect, de dignité et de savoir-vivre, transmis de génération en génération. Ces valeurs, lorsqu’elles sont bien assimilées, se manifestent dans les comportements quotidiens, tant dans la sphère publique que privée.
Ceux qui ont grandi dans cette école du respect ne s’adonnent jamais à l’insulte, à la calomnie ou à la diffamation. Parce qu’ils ont reçu une éducation. Parce qu’ils savent qu’on peut débattre, critiquer, s’opposer, sans jamais manquer de respect ni perdre son humanité.
Monsieur le Premier ministre, je vous invite à faire une introspection. Prenez un moment pour réfléchir. Posez-vous cette question essentielle : qui a révolutionné les insultes dans l’espace public au Sénégal ? Qui a rendu ordinaires les invectives, les attaques personnelles, la violence verbale contre de simples citoyens ? Qui a installé un climat de haine là où le débat d’idées devait prévaloir ?
Soyons clairs : j’ai été personnellement victime d’attaques et d’insultes de la part de militants du parti Pastef. Parce que j’ai donné mon opinion. Parce que j’ai fait mon travail de journaliste. Parce que j’ai exercé un droit fondamental garanti par notre Constitution : la liberté d’expression. Ils m’ont traînée dans la boue, ils ont tenté de m’intimider, de me faire taire.
Mais malgré ces attaques, je n’ai jamais fléchi. J’ai toujours gardé ma ligne. J’ai assumé mes prises de position sans jamais céder à la peur, ni à la pression. Et aujourd’hui encore, je fais preuve de courage en vous interpellant directement, Monsieur le Premier ministre, car je crois que la vérité doit être dite, même lorsqu’elle dérange.
Je dis Alhamdoulilah, car grâce à votre récente prise de conscience, je suis certaine que plus jamais ces comportements ne seront tolérés. Désormais, ils ne se permettront plus de m’insulter gratuitement. Et mieux encore, ils réfléchiront à deux fois avant de s’en prendre à d’autres citoyens honnêtes ou à des journalistes qui n’ont fait que leur travail. Il était temps.
Vous avez dit : «Tolérance zéro.» Eh bien, bravo. Il était temps de poser les bonnes bases, de regarder enfin en face les dérives verbales qui ont pollué notre espace démocratique.
Mais, permettez-moi également de vous dire ceci, avec fermeté et respect : la politique sénégalaise n’a pas commencé avec vous, et elle ne s’arrêtera pas avec vous. Avant vous, des hommes et des femmes ont écrit l’histoire politique de ce pays avec grandeur, vision, engagement, et surtout avec courtoisie et respect de l’adversaire. Le militantisme d’hier n’avait rien à voir avec les dérives que nous avons vues ces dernières années.
Monsieur le Premier ministre, les menaces ne feront pas taire ce Peuple. Car des hommes et des femmes se sont battus, parfois au prix de leur vie, pour que la liberté d’expression, la démocratie, la pluralité d’opinions soient une réalité au Sénégal. C’est ce combat qui vous a permis d’être aujourd’hui à la tête du gouvernement. Ce sont ces acquis démocratiques que vous avez trouvés et dont vous êtes aujourd’hui le garant.
Et je vous le dis avec clarté : cette liberté, les Sénégalais l’ont acquise de haute lutte. Elle ne leur sera jamais arrachée.
Nous attendons de vous des actes forts, une politique publique efficace, une gouvernance exemplaire. Les urgences sont nombreuses : le chômage des jeunes, la vie chère, l’accès à l’éducation et à la santé, la sécurité, la justice sociale…
Alors Monsieur le Premier ministre, élevez le débat. Prenez de la hauteur. Agissez pour l’intérêt général. L’histoire vous jugera sur cela, pas sur la capacité à menacer ou à pointer du doigt ceux qui osent penser autrement.
Ramatoulaye SECK
Journaliste