Samedi 15 mai, alors que le soleil était à son zénith, Moriba Magassouba alias «Magass», journaliste émérite, rendait, à 72 ans, son dernier souffle dans un hôpital d’Abidjan, des suites d’une infection pulmonaire. Ils sont nombreux, les orphelins qu’il aura laissés derrière lui. Non seulement sa progéniture riche d’une dizaine d’enfants (mach’Allah !), mais aussi tant de jeunes journalistes de Dakar à Abidjan, et dans bien d’autres villes africaines, inconditionnels admirateurs inconsolables, fascinés par le talent peu commun de ce preux chevalier du clavier. Aucun qualificatif ne serait assez fort pour camper son tempérament trempé de baroudeur pourchassant l’inédit et décortiquant une actualité aux facettes trop souvent impénétrables.
Du soninké («Magassouba» étant l’autre appellation de «Doucouré»), il avait la passion du voyage, ignorant les frontières, en quête des mines du Roi Salomon. Du mandingue, dont il se réclamait à tout-va, lui venait la soif de la puissance et de la gloire. De sa nationalité sénégalaise, il détenait un goût obsessionnel pour l’entreprise, défiant tous les remparts sur son passage. Le vieil adage, «hors de la nécessité, l’audace est téméraire», lui allait comme un gant.
Oui, Magass était l’incarnation de la témérité. Ce fonceur féru d’arts martiaux avançait dans la vie, l’esprit habillé de gants d’acier, prêt à en découdre avec quiconque se risquerait à contrarier ses convictions chevillées au corps. Un contraste saisissant avec le bonhomme à la gaité audacieuse, friand de plaisanteries des plus savoureuses. Journaliste sans frontière, Magass n’était étranger nulle part tant il passait maître dans l’art de propager autour de lui une joie de vivre irrésistible.
Encore au lycée, jouant les reporters en culottes courtes, il entreprit tout seul le tour du Sénégal à vélo. Cette folie d’aller toujours voir ce qui se passe ailleurs lui est restée collée à la peau. Les enfers du Tchad, de la République Centrafricaine (Rca), comme de la Côte d’Ivoire, de la Guinée et tant d’autres fournaises l’attiraient inévitablement. «Magass est un reporter pur-sang», affirme Souleymane Drabo, ancien directeur de l’Agence malienne de presse et de publicité, complice depuis le Centre d’études des sciences et techniques de l’information (Cesti) où tous les deux ont débuté leurs études de journalisme en 1974 (2e promotion de l’école). Du journalisme cascadeur à l’ancienne certes, mais Magass était tout aussi à la pointe de la technologie en matière de communication. Son blog et sa page Facebook sont des champs de confrontations sur les sujets les plus brûlants où il s’en donnait à cœur joie avec les jeunes générations.
Prolixe, il était aussi écrivain. Son premier ouvrage publié en 1985 chez Kartala porte sur L’islam au Sénégal, demain, les mollahs ?, un ouvrage d’une actualité saisissante, sans doute. En octobre dernier sortait son dernier ouvrage Alassane Ouattara – La passion du devoir. Lors de la séance de dédicace, 18 décembre dernier à Abidjan, il a écrit à mon endroit : «Les hommages de l’élève au formateur qui nous a guidés sur les sentiers escarpés d’une profession extrêmement exigeante.» Une exigence certes, exigence professionnelle et intellectuelle qui, avec le temps, a muté en exigence spirituelle. Tous les jours, à 4h du matin, il précédait le muezzin à la porte de la mosquée de Koumassi (Abi­djan). A demain, Magass ! A de­main !
Diomansi BOMBOTE
Journaliste