Célèbre pour son duo avec Sergio Leone et ses succès hollywoodiens, capable de collaborer avec Pier Paolo Pasolini comme avec Pedro Almodovar, Ennio Morricone a illustré six décennies de cinéma. Il vient de mourir à l’âge de 91 ans. Télérama lui rend hommage en évoquant quelques-uns de ses plus grands thèmes.

«Pour une poignée de dollars» (1964)
Sergio Leone et Ennio Morricone sont des amis d’enfance puisqu’ils fréquentèrent, avant-guerre, les bancs de la même école romaine. Leur amitié donnera naissance avec l’un des couples réalisateur-compositeur qui abondent dans le cinéma (Hitchcock-Herrmann, Spielberg-Williams, Fellini-Rota, Burton-Elfman, Lynch-Badalamenti…). (…) Morricone eut notamment l’idée révolutionnaire d’introduire la guitare électrique sur la première de ses collaborations avec Leone, Pour une poignée de dollars, dont le thème principal est influencé par une chanson de Woody Guthrie, Pastures of plenty. Ce film inaugura en 1964 la Trilogie du dollar que complétaient Et pour quelques dollars de plus (1965) et Le bon, la brute et le truand (1966). Morricone plantait ses partitions de cris, coups de fouet, sifflements et bruits de cloche. Son duo avec le cinéaste atteint son apogée au son lancinant d’un harmonica dans Il était une fois dans l’Ouest (1969), et la collaboration se poursuivra jusqu’au dernier film de Leone, Il était une fois en Amérique (1984).

«Le Clan des Siciliens» (1969)
Jean Gabin, Lino Ventura et Alain Delon sur la même affiche, ça vous posait un film. Le clan des Siciliens, réalisé par Henri Verneuil, méritait une musique du même tonneau. (…) Le thème principal du Clan des Siciliens, avec sa guimbarde et son motif de guitare surf, est devenu l’un de ses succès populaires, incontournable des concerts qu’il dirige aujourd’hui.

«Mission» (1986)
Le film de Roland Joffé, avec Robert De Niro et Jeremy Irons, Palme d’or à Cannes en 1986, raconte la mission de jésuites espagnols qui se rendent dans une forêt sud-américaine pour évangéliser des Indiens Guarani au 18e siècle, et résister aux Armées portugaises. Le script inspire à Morricone une musique qui jettera une passerelle spirituelle entre des cultures que l’histoire oppose violemment. Les intentions du compositeur – lui-même croyant – sont incarnées par Gabriel’s Oboe : dans le film, le thème est interprété au hautbois par le père Gabriel pour nouer le contact avec les Guarani qui l’entourent de leurs arcs et leurs lances. D’abord intrigués, puis séduits, leur chef finira par briser le hautbois. Mais la musique aura permis un premier pas. Les orchestrations de Morricone empruntent surtout trois traditions disparates : le hautbois et les violons de la Renaissance, la musique sacrée succédant au Concile de Trente, enfin les traditions indigènes. Leur combinaison harmonieuse, symbolisant la force du sacré à la fin du film, est ce que Morricone appellera son «miracle techni­que» et «une grande bénédiction».

«Les incorruptibles» (1987)
Ennio Morricone inaugure sa collaboration avec Brian De Palma, qu’il retrouvera pour Outrages et Mission to mars, au son des fusillades dans le Chicago de la prohibition, avec Kevin Costner en Eliot Ness, Sean Connery en Jim Malone et Robert De Niro en Al Capone. Pour la sanglante scène finale, le compositeur proposa neuf versions différentes en espérant que le réalisateur ne choisisse pas la septième. Ce qu’il fit évidemment. «C’est lui qui avait raison», commentera Morricone.

«Les huit salopards» (2015)
Pour la première fois depuis quarante ans, Morricone revient au western. Il faut dire que la demande a été formulée par l’un de ses plus grands fans, Quentin Tarantino. Cinéphile ayant pour habitude de faire référence à ses maîtres dans ses films, le réalisateur a souvent intégré des musiques composées par Morricone pour d’autres – Django unchained, par exemple, comprend des extraits de thèmes écrits pour Les cruels (1967) et Sierra torride (1970). (…)