Mort en mer du petit Doudou : Le père risque 2 ans de prison
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Mamadou Lamine Faye, père du petit Doudou, décédé lors de sa tentative de rallier l’Espagne, a été jugé hier au Tribunal de grande instance de Mbour. Si le procureur a requis 2 ans de prison ferme, il sera fixé sur son sort le 8 décembre prochain.
Accablé par la douleur d’avoir perdu un enfant, le père de Doudou, décédé lors de sa tentative de rallier l’Espagne, a clamé son innocence. Même s’il assume sa part de responsabilité dans sa stratégie. «J’ai payé au passeur pour que mon fils aille en Espagne. Il était âgé de 16 ans. Pour le voyage, j’ai payé à Maodo Guèye la somme de 250 mille. Si je savais que mon fils allait perdre la vie, je n’aurais jamais dû mettre mon argent dans ce voyage. Il y a beaucoup de jeunes qui sont partis. Aujourd’hui si c’était à refaire, je n’allais pas le faire. Je n’ai pas informé sa mère. J’avais voulu lui faire une surprise. J’attendais que Doudou arrive à destination avant de l’informer d’autant plus que je suis le responsable de la famille», dévoile Mamadou Lamine Faye. Comment avez-vous appris son décès ? «Il y a l’un des rescapés qui m’a informé. Avant d’arriver aux îles Canaries, la pirogue a eu des problèmes et les a poussés à rebrousser chemin. Et c’est au moment du retour que Doudou a perdu la vie après un malaise. Depuis lors si je vous dis que je suis normal, je vous mentirai. Je l’ai inscrit à l’école coranique et française.» Sa défense est très simple : il voulait offrir à son gamin un destin de gloire en investissant sur son talent de footballeur. «Il avait 16 ans. Il avait beaucoup de talent en football. Il a évolué à l’Institut Diambars. Je voulais juste lui ouvrir les portes du succès. Je l’ai amené voir des marabouts pour qu’il lui fasse des prières. Si je savais qu’il allait y rester, je n’aurais jamais pris le risque. Je suis devant vous, mais mon esprit n’est plus avec moi. Nombre de ses camarades sont partis. La pêche ne nourrit plus son homme. Je ne voulais pas prendre le risque d’enlever à mon fils la chance de réussir. Je ne voulais pas le laisser finir comme moi. Avec tout ce que j’ai vécu, cette histoire reste un cauchemar», relate Mamadou Lamine Faye.
Ces propos ont poussé le président du Tribunal à le mettre devant ses responsabilités. «Un jeune ne peut pas prendre sa responsabilité. Ce sont les parents qui sont responsables. En plus c’est toi qui as donné de l’argent au passeur pour faire voyager ton fils ; d’où le second chef d’inculpation, complicité d’émigration clandestine. Sachez que ce n’est pas parce que vous êtes le père et le tuteur que vous pouvez faire ce que vous voulez ! Pourquoi prenez-vous le risque d’amener les enfants au péril de leur vie ? Les enfants ne vous appartiennent pas», dit le président du Tribunal de grande instance de Mbour.
Dans son réquisitoire, le procureur a chargé le père de Doudou et les autres personnes attraites à la barre. «La ville de Mbour et environs connaissent ces derniers temps des départs vers un supposé eldorado. C’est ainsi que Mamadou Lamine Faye, Serigne Dieng et autres ont organisé des voyages ou donné leurs enfants aux passeurs.»
Par ailleurs, l’avocat du père de Doudou, devenu le visage de la tragédie provoquée par l’émigration clandestine, réfute le chef d’accusation portant sur la mise en danger de la vie d’autrui. «Qu’un père de famille débourse de l’argent pour payer la mort de son fils, cela n’a pas de sens ! Tous les prévenus sont des pêcheurs. C‘est un pêcheur qui est traumatisé par la mort de son fils, donc sa place ce n’est pas la prison, mais chez lui. C’est parce qu’il porte un amour aveugle pour son enfant qu’il l’a inscrit à l’école française et coranique et mieux, il a été pensionnaire de Diambars. Qui est le père qui est mieux placé pour aimer son fils ? Comment une personne qui a perdu son enfant peut-elle faire son deuil en prison ?», interroge le conseil du vieux Lô, qui demande la relaxe de son client. «Je ne crois pas que ces personnes puissent être poursuivies comme complices. Et la légalité ne vous permet de retenir le délit de complicité. La peine est déjà là. Il faut faire de M. Faye le symbole de la lutte contre l’émigration clandestine», enchaîne Me Assane Dioma Ndiaye.
Les prévenus seront fixés sur le sort le 8 décembre prochain.
abcsiss@lequotidien.sn