Cheikh Mouhamadou Fodé Diaby, plus communément appelé El Hadji M’balou Fodé par sa communauté et Grand Moufti reconnu par ses pairs.
Né en 1901 à Touba dans la région du Fouta Djalon en République de Guinée. Fils de Mohamed Makhily Diaby (surnommé Karan Mady) et de M’balou Diakhaby, il fut le cinquième enfant d’une lignée de savants. Rien de bien étonnant quand on remonte ses origines.
En effet, cet enfant au destin bien tracé qui ouvrit les yeux au village saint de Touba n’a pas fait exception à la règle. Cette règle qui découlera du souhait émis par son aïeul en la personne de Karamokhoba Diaby (fondateur de la cité en 1815), de ne jamais voir sa descendance manquer de savants et autres érudits. Un souhait retranscrit dans un de ses plus mémorables ouvrages, Salât Nouraniyya.
Aujourd’hui encore, par la grâce du Seigneur Tout-Puissant, ce vœu court toujours dans la communauté Diakhanké. Des hommes et des femmes qui ont contribué à faire de l’enseignement religieux un but ultime. El Hadji M’balou Fodé a perpétué cet héritage jusqu’à la fin de sa vie.
Son père, Mohamed Makhily, qui n’est autre que le second fils du précurseur et héritier de l’enseignement supérieur à Touba, Abdul Khadr dit Karan Koutoubo Diaby, n’a malheureusement pas pu assister à l’ascension de son fils. C’est à l’âge de 17 ans que le jeune Mohamed Fodé perdit son père et fut confié à l’un des plus grands savants de toute l’Afrique de l’Ouest.
Mohamed Taslymi, plus connu sous le nom de Karamoko Sankoun Diaby, Grand Marabout de Touba et petit frère de Karan Mady (Père de Mohamed Fodé), prit sous son aile la future génération. Une promotion qui fera naître des théoriciens aguerris, des hommes de Dieu, des savants qui laisseront leurs empreintes à travers tout un continent.
D’après les récits, le jeune Mohamed Fodé, alors âgé de 16 ans, a été envoyé par Karan Sankoun pour intervenir sur le sujet très sensible de l’héritage en islam dans une famille peule au Fouta. Preuve de sa maturité et de sa sagesse, il a su régler avec brio, ce différend que seuls les plus qualifiés auraient pu traiter.
Son éducation islamique a été renforcée et perfectionnée par une personne que l’on pourrait surnommer «architecte coranique».
Cet homme s’appelait Karan Kandioura, le grand frère de Mohamed Fodé. En effet, c’est avec son aîné qu’il va étudier le «tafsir» du Coran, basé sur les hadîths, ne relevant que du sens apparent du texte sacré, sans s’attacher aux interprétations ésotériques.
C’est également Karan Kandioura qui lui transmettra le «wird Qadiriya». Ce dhikr hautement symbolique, qui est transmis de génération en génération, tiré de la tariqa Qadiriyya et qui porte le nom d’un des plus grands érudits que la terre a connu, Abdul Qadir Gilani.
Des élèves hautement ­qualifiés qui ont fait la réputation et la fierté de tout un village, d’une région, d’un pays et au-delà des frontières et ce, grâce à leur oncle et Maître, Karan Sankoun, ainsi que ­certains de leurs aînés. Le jeune Mohamed Fodé sera sans conteste l’un des plus ­talentueux de sa génération, au point de quitter son village natal à l’âge de 33 ans afin de parfaire ses connaissances ­religieuses et multiplier les ­rencontres avec ses confrères ­islamologues tout aussi doués que lui.
Son périple le mènera au Sénégal. Plus précisément dans la région de Casamance, avec comme point de chute la ville de Marsassoum. C’est dans ce pays, qu’il atteindra son «apogée» et qu’il obtiendra le titre de Mufti. Tout sauf un hasard au regard de ses facultés intellectuelles bien au-dessus de la moyenne.
Au fil des années, la réputation de Mohamed Fodé va croître jusqu’à ce qu’il acquière la distinction de «Cheikh». Terme de respect qui s’applique aux savants, aux religieux et à toutes les personnes respectables. Des qualificatifs qui concordent assurément avec les traits de caractère du dorénavant Cheikh Mohamed Fodé.
Ecrivain de talent, grand poète, historien de référence et pédagogue averti en connaissance islamique, Cheikh Mohamed Fodé a été l’origine de plusieurs œuvres littéraires. Divers ouvrages dont 2 livres d’histoire et 4 livres sur la biographie de notre prophète Mohamed (que la paix et le salut soient sur lui et sa famille) portent sa signature.
Cet expert en jurisprudence musulmane, qui s’est perfectionné selon le rite malikite (l’une des 4 écoles islamiques), est devenu un chef religieux reconnu et respecté. Avec plusieurs disciples à travers le Sénégal, la Gambie, la Guinée mais aussi certains pays occidentaux, il devient en quelques années, une icône dans le monde musulman.
Son école (Majlis) à Marsassoum «abritera» une génération douée en science religieuse. Plusieurs jeunes sénégalais venant des quatre coins du pays y feront classe. Mais le plus surprenant, reste la venue d’un étudiant arabe (Aliou Alzari) provenant du Soudan qui viendra parfaire sa formation sur la loi islamique et la grammaire.
Chose impensable à l’époque, un arabe venant prendre des cours de théologie et de philosophie en Afrique noire. Preuve que le Cheikh Mohamed Fodé a su casser les codes et montrer au monde que la religion islamique n’est pas la propriété d’une seule communauté mais bien que tout le monde y est légitime.
Cette reconnaissance va se matérialiser en 1964 lors de ­l’inauguration de la grande ­mosquée de Dakar. A l’époque, le président de la République du Sénégal, un certain Léopold Sédar Senghor, lui aussi ­écrivain et intellectuel de renom, va convier un parterre d’invités, triés sur le volet et ressemblant les plus hauts dignitaires et personnalités politiques du continent ­africain.
Une page historique va s’écrire à ce moment-là pour la communauté Diakhanké et son porte-drapeau, Cheikh Mohamed Fodé. Le chef de l’Etat va alors lui confier le discours de bienvenue des hôtes qui ont été conviés à cette inauguration. Une tâche ardue devant les personnalités présentes.
Les plus grands savants du Sénégal, ainsi que plusieurs personnalités religieuses et politiques du monde arabe étaient présents. Pour n’en citer que quelques-uns, nous avions ce jour-là :

Convives internationaux :
Le Roi Hassan II du Maroc
Gamal Abdel Nasser, Président de l’Egypte
Habib Ben Ali Bourguiba, Président de la Tunisie
Cheikh Mohamed Tahir ibn Achour, Grand Mufti de Tunis.

Côté Sénégalais :
Cheikh El Hadj Abdou Aziz Sy Dabakh, troisième khalife de la confrérie musulmane soufie Tidjane
Seydou Nourou Tall Nioro du Sahel, petit-fils de l’illustre El Hadj Oumar Tall, figure emblématique de la conquête islamique en Afrique de l’Ouest
Serigne Mouhamadou Fadl Mbacké dit Sergine Fallou, haut dignitaire de la confrérie mouride.
Le cheikh Al-Islam El hadji Ibrahim Niasse, savant, maître soufi sénégalais, ainsi que khalife de la confrérie Tijaniyya
Serigne Abdoullahi Ibn Abass Sall, chef religieux de Louga
Et serigne Mohsine Diop de la région de Saint-Louis.
C’est donc ce jour-là que la réputation intellectuelle et religieuse de Cheikh Mohamed Fodé franchit les frontières du Sénégal. Il sera intronisé Grand Mufti après son discours impressionnant de sagesse et qui aura retenu l’attention toute particulière de l’auditoire. Cette consécration lui vaudra un grand respect auprès de ses pairs et confrères linguistiques.
Ce visionnaire progressiste, qui aura donné son temps et sa vie à la religion, se donnera un dernier défi. Celui de fonder sa propre cité où il pourra ­consacrer et finir ses jours avec pour seul but : éradiquer l’ignorance et former une nouvelle élite religieuse.
Taslima La Paisible a été construit en 1976 par les talibés, sous la houlette du premier fils du Mufti et actuel Khalife général, El Hadji Sidia Diaby. Aujourd’hui cette ville héberge un lycée public Franco-Arabe et une école primaire nommée Karamokhoba en hommage à son ancêtre qui fut le fondateur du plus grand village Diakhanké.
Aujourd’hui la ville de Taslima est le «berceau» de la célébration de la naissance du prophète Mohamed (que la paix et le salut soient sur lui et sa famille) dans la région de Sédhiou. Le Gamou ou Mawlid al-nabawi de son appellation littéraire est devenu la plus grande manifestation religieuse que la ville organise.
Le Cheikh Mohamed Fodé a donné naissance à une lignée d’hommes et de femmes qui s’évertuent à entretenir le lourd héritage qui leur a été légué. Symbole de cette longévité, le Khalife général de Taslima, EL Hadji Sidia, qui se donne corps et âme pour préserver et garantir la paix.
Il eut également pour second fils Makhily Gassama qui fut ancien ministre de la Culture et ambassadeur du Sénégal en Guinée. Cela démontre une certaine ouverture d’esprit du Cheikh à diversifier l’apprentissage dans tous les domaines, qu’elle soit religieuse, culturelle ou sociétaire.
En 1980, Mufti Al Kabir s’éteignît en laissant derrière lui un héritage sans nul autre pareil dans la communauté Diakhanké. Une fierté absolue d’avoir appartenu à la même lignée que cet homme.
A l’occasion de la 42ème édition commémorant la disparition de notre érudit, le Mufti Cheikh Mohamed Fodé Diaby, son fils, le Khalife général de Taslima, El Hadji Sidia Diaby, vous donne rendez-vous le 19 juin 2022 afin de prier pour la mémoire de celui qui restera à jamais un symbole de Diakha.

Qu’Allah bénisse ses enfants :
El Hadji Sidiya Diaby
Makhily Gassama
Ahmadou Gassama
Cheickh Mouckhtar
Idrissa Gassama, Moustapha, Papa Keba, Karamba, Imam Bakasso et Ahmadou Bamba Diaby
El Hadji M’Balou Fodé
O Toi descendant du grand cheikh El Hadji Salim surnommé Karamokhoba par ceux qui ont croisé son chemin.
O Toi petit fils du cheikh Muhammad Taslimi
De
Cheikh Abdoul Qadr (Karan Koutoubo)
Fils de El Hadji Cheikh Makhily
Tu as été digne de ceux qui t’ont précédé
Tu as honoré tes pères par ta sagesse, tes œuvres, ta science et ton humanité
Nul n’a pu dissimuler ce que Allah a révélé.
Le sage, le puits de science, un homme véridique et humble dévoué pour la religion d’Allah
Et nul ne pourra révéler ce que Allah à dissimuler
A ton sujet nous ne connaissons que l’apparent mais Ton Seigneur est le grand connaisseur, celui qui détient le visible et l’invisible.
O père, même après avoir rejoint Ton Seigneur, tes œuvres continuent à nourrir et à élargir les esprits, même le plus restreint comme une source d’eau intarissable suivant son cours à travers les contrées verdoyantes de ceux qui veulent s’y abreuver.
Ta lumière tel le rayon du soleil frappe les cœurs des croyants et des croyantes soumis à l’islam.
Ta science telle la terre
donne de ce qu’elle a de meilleur continuant à fournir et à alimenter les récits des plus grands savants de la région
O cheikh que Dieu bénisse ta descendance comme tu as été béni
Qu’Il nous illumine comme tu as été illuminé
Qu’Allah t’accorde sa miséricorde et qu’il t’élève au plus haut degré du paradis
Amine
La paix soit avec vous chers lecteurs

YADALY ET MOUSTAPHA