Le leader de l’orchestre Dande Leñol, Baba Maal, vient d’enrichir sa discographie avec «C’est la vie», un album «d’écoute et de thèmes» qui s’ajoute à sa collection «Souvenir 5».

Le style musical de cette nouvelle production «survole le folklore sénégalais», avec du ngoyane, du ndaga, du goumbé, du mbalax, en plus du traditionnel yéla du terroir de l’artiste. Ce disque de 15 morceaux, «très intime», épouse «ma mélodie, mon idée, ma conception de la musique et ma vision», a dit Baba Maal. «C’est un album très intime parce que j’ai joué 95% des guitares (…). C’est la première fois que je me suis vraiment donné le temps de prendre ma guitare et de faire des lignes la conception de la musique», a expliqué le chanteur dans un entretien avec l’Aps. Il signe aussi la majeure partie des chœurs, notamment les voix des chansons de l’album, car très peu d’artistes ont participé à cette production en raison de la crise sanitaire mondiale causée par la pandémie de coronavirus. Le guitariste Assane Ndoye, le bassiste Cheikh Ndoye qui vit aux Etats-Unis, le percussionniste Mbakhane Seck, de jeunes griots et le jeune chanteur Dame Sène de Thiès (ouest) ont pris part au projet, dont la conception a duré deux ans, selon Baba Maal.

Un survol du folklore sénégalais
«J’ai voulu qu’il y ait beaucoup plus d’ouverture vers le wolof et d’autres langues, en dehors du halpulaar. Il y a le titre que j’ai dédié à Amadou Fall, Îles du Saloum, qui est plus du ndaga ou du ngoyane. J’ai voulu survoler un peu le folklore du Sénégal pour éveiller auprès des gens les souvenirs de quelques sonorités et chansons connues de moi», a-t-il expliqué. Baba Maal affirme avoir été «fasciné» par les sonorités d’autres ethnies du Sénégal, celles des Sérères, des Diolas ou des Wolofs. «L’ethnie mandingue a toujours été à mes côtés et comme Futanké, l’empire du Mandé m’a beaucoup donné. J’ai toujours écouté la musique wolof que j’apprécie beaucoup, par rapport à tous ces rythmes», a-t-il souligné. Le nouvel album participe du retour d’ascenseur, car Baba Maal a voulu intégrer des sonorités d’autres ethnies qui ont, dit-il, de l’estime pour lui. «La communauté wolof a beaucoup d’estime pour moi, comme toutes les autres ethnies qui ne sont pas pulaar. Il y a du respect, ce qui fait que j’écoute beaucoup les musiques wolof, sérère, mandingue. Comme les gens viennent vers moi, il fallait que j’aille vers eux en intégrant certaines de leurs sonorités», a déclaré le leader du Dande Leñol. «La vraie musique est celle faite sans prétention aucune, que les gens utilisent dans leur quotidien», a-t-il souligné, ajoutant que «même si la musique doit s’ouvrir à l’international, elle doit rester naïve, naturelle et sobre». Baayo m’a ouvert toutes les portes de même que Jam Leeli, a-t-il dit.
L’album C’est la vie est «un voyage dans les autres secteurs de la vie» et résume quatre à cinq engagements de Baba Maal, selon ce dernier. Le titre éponyme de l’album, C’est la vie, est un remix de Guelel Demba, une chanson qui dénonce certaines tares de la société, comme la trahison. «Il parle de l’amitié, de la fraternité (…). Quand c’est de l’amitié sincère, il ne peut pas y avoir de la tromperie (…) ou de la manipulation, qui sont monnaie courante aujourd’hui, dans la politique, la société, etc.».

L’urgence d’une unité de l’Afrique
Baba Maal lance un appel à plus de sincérité dans le morceau C’est la vie. Dans Africa unite, chanté en wolof, il invite les pays africains à s’unir. «Il faut que les Africains soient conscients qu’il est très (urgent) qu’on aille vers l’unité pour faire face à tout ce qui nous interpelle. Avec cette pandémie (de coronavirus), on a vu que si quelque chose arrive dans ce monde, les gens se préoccupent d’eux-mêmes avant de penser à l’Afrique. C’est un signal fort pour que l’on s’occupe de nous, d’autant plus qu’on a toutes les possibilités de nous créer un futur radieux», plaide Baba Maal. Il ajoute : «Tous les autres se sont mis ensemble (les pays d’Europe, les Etats-Unis, etc.), pourquoi pas nous ? Le monde est en train de nous regarder, de rire de nous. Il faut qu’on prouve au monde qu’on peut y arriver», martèle l’artiste qui reprend pour la troisième fois cette chanson. L’environ­nement est également pris en compte dans le nouvel album, Baba Maal ayant été récemment nommé ambassadeur des Nations unies pour la lutte contre la désertification en Afrique. Il prône une «politique plus verte», avec la chanson Super lekki, qui ouvre l’album. Le 35e anniversaire du Dande Leñol, à fêter cette année, «est placé sous le signe de l’initiative Africa clean, Africa green (Une Afrique propre, une Afrique verte)», a-t-il dit.

Promotion du tourisme sénégalais
Les morceaux Îles du Saloum et Esprit téranga font la promotion du tourisme au Sénégal, un «beau pays à visiter» à la fin de la pandémie de coronavirus, selon Baba Maal. Il fait un clin d’œil à l’éducation, avec le morceau Université, dans lequel il appelle les jeunes à être plus persévérants et à respecter les aînés. «J’appelle les étudiants et les élèves à être flexibles, car en Afrique on n’a pas un système performant. Les efforts doivent venir aussi bien des gouvernements, des ministères de l’Education, mais aussi des élèves et des étudiants», dit-il. Taara, la chanson culte dédiée à El Hadji Oumar Foutihou Tall, figure aussi en bonne place dans ce disque qui allie des tubes classiques et des contemporains.

Hommage au guitariste Mama Gaye
Le Roi du yéla a rendu hommage à son guitariste et «ami» Mama Gaye, décédé en janvier dernier, mais aussi à Macky dit Colo Sall, décédé lui aussi l’année dernière. Ainsi qu’à Amadou Madani Sy (guitariste de Abou Diouba Deh), décédé en 2018. «Mama Gaye, Colo Sall et Amadou Madani ont à peu près le même âge, ils jouaient la même musique et le même instrument qu’est la guitare. Ils faisaient partie d’une génération qui a marqué la musique pulaar. Ils ont rénové des airs de la musique classique pulaar en les rejouant à la guitare. C’est une génération de transition qui a apporté sa contribution. Ils sont irremplaçables», a témoigné le leader du Dande Leñol. «Je n’essaierai jamais de remplacer Mama Gaye. Je veux qu’il reste un mythe. C’était un musicien formidable, à l’image de Kaouding Cissoko, virtuose de la kora du Dande Leñol (décédé en 2003). Ce sont des musiciens uniques dans ce qu’ils faisaient, et il faut laisser (leur legs) intact, pour qu’ils restent un symbole, pour ce qu’ils ont donné», a poursuivi Baba Maal.
Le chanteur dit offrir le nouvel album en guise de «ndéwéneul» (étrenne, cadeau) aux mélomanes, à travers le digital, pour qu’ils aient quelque chose à savourer en attendant de trouver l’occasion de fêter le 35e anniversaire du Dande Leñol. Selon l’artiste, le rendez-vous du 30 mai au Zénith, à Paris, prévu pour donner le coup d’envoi des festivités du 35e anniversaire de l’orchestre, sera manqué à cause de la pandémie de Covid-19. En attendant, Baba Maal compte dans les jours à venir faire la promotion du nouvel album et d’en expliquer le contenu. Des clips seront diffusés pour illustrer Souvenir 5, produit après les albums Joolan ndaana souvenir 4 (2017), Mbassou souvenir 3 (2013) et Souvenir 2 (2014).
Aps