Musique – Concert à l’ambassade du Japon : Okura Shonosuké et Latyr Sy fusionnent leurs cultures

Le temps d’une soirée, le Sénégal et le Japon ont partagé un même univers musical. Grâce à une fusion entre les sons de l’otsuzumi du maître du théâtre nô, Okura Shonosuké, et le djembé de l’artiste sénégalais Latyr Sy, le public venu assister au concert a vécu un grand moment de communion culturelle, le 12 avril dernier. Par Mame Woury THIOUBOU –
La lune est à son premier quartier et ses faibles lueurs éclairent doucement les jardins de la résidence de l’ambassadeur du Japon au Sénégal. C’est le soir ! Les lampes illuminent l’espace et Okura Shonosuké joue son hymne à la paix. Assis sur une chaise, la légende japonaise du théâtre nô, titulaire de la plus haute reconnaissance dans son domaine (Certificat de Bien culturel immatériel important) et membre de l’Association japonaise de nô, partage son hymne à la paix. A ses côtés, le percussionniste sénégalais, Latyr Sy, basé au Japon depuis 1995. Dans le silence du soir, le rythme de l’otsuzumi raisonne très loin dans les âmes. Le rythme régulier est une des sonorités qui font la particularité de cet art séculaire japonais, le théâtre nô. Okura Shonosuké est un musicien de théâtre nô et depuis 600 ans, sa famille se transmet cet héritage culturel. Face à un public composé de quelques personnalités de la scène culturelle sénégalaise, le maître japonais et son ami sénégalais ont joué en faveur de la paix et pour l’union des peuples. Entre l’otsuzumi et le djembé, la différence d’horizon et de langage sera finalement un facteur de rapprochement. Au ton net de l’otsuzumi, répond le rythme du djembé. «C’est un choix de respecter l’être humain, d’ouvrir son cœur. C’est la raison pour laquelle on n’a pas eu besoin de parler la même langue. On a juste été là avec nos instruments. C’est ce qui fait notre amitié», raconte l’artiste japonais, traduit par Latyr Sy. Le voyage des deux musiciens au Sénégal est d’ailleurs le symbole de cette amitié musicale, et comme le souligne l’ambassadeur Izawa Osamu, les deux artistes ont financé leur voyage pour faire découvrir les similitudes entre les cultures et les instruments traditionnels du Japon et du Sénégal ; ce qui donne plus de mérite à l’initiative.
Ce voyage, qui est placé sous le signe de l’universalité et de la paix, s’est poursuivi sur une note plus spirituelle à travers une visite singulière sur l’île de Gorée. Sur ce bout de terre de la Patrie du percussionniste Latyr Sy, les deux artistes ont fait une offrande musicale en mémoire des personnes déportées pendant les siècles d’esclavage à partir de ces rives. Cette offrande vient en complément de celle déjà faite, au Japon cette fois, dans des temples shintoïstes. Avant cet instant où les deux artistes ont communié avec leur public, Okura Shinosuke et Latyr Sy ont animé une masterclass autour de l’otsuzumi. En forme de sablier, des cordes attachées autour, cet instrument rappelle fortement le tama des artistes locaux sénégalais. Mais moins rythmé, l’otsuzumi s’accompagne d’une litanie sonore que l’artiste semble puiser au plus profond de son âme. La main qui s’abat sur le tambour n’est alors que le prolongement de cette énergie née du tréfonds de l’âme du musicien. «C’est un chiaay, une prière, quelque chose qui vient du corps. C’est après seulement que ça devient des paroles. Il y a des choses qu’on ne peut pas voir avec les yeux», explique Maître Okura. Une communion avec la nature qui a une dimension spirituelle pour l’artiste japonais. «Nous vivons dans un univers et l’être humain doit dépasser cet univers. Ce que nous voyons avec nos yeux, ce n’est pas la vraie vie. Pour avoir une vie meilleure, nous avons besoin d’être ouverts, de nous tendre la main, de partager les cultures. C’est le message que nous souhaitons transmettre», souligne l’artiste dont les traditions familiales se transmettent jusque dans les écoles japonaises.
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