Une bataille judiciaire entre deux parents qui se disputent la garde d’une petite fille de 9 ans. C’est la douloureuse affaire dans laquelle l’artiste malienne Rokhaya Traoré est empêtrée depuis quelques années. Envoyée en prison le 21 juin dernier en arrivant à Rome, elle s’est adressée au monde à travers une lettre écrite du fond de sa cellule.Par Mame Woury THIOUBOU –

Arrêtée et emprisonnée à Rome en Italie depuis le 21 juin dernier, l’artiste malienne a trempé sa plume dans son désarroi pour raconter sa part de vérité. «Je n’ai pas enlevé ma fille», ce cri du cœur de l’artiste est relayé par ses avocats et le Mouvement Free Rokia Traoré, une coalition d’amis, de membres de la famille et de défenseurs des droits des femmes dédiée à obtenir justice pour Rokia Traoré. Dans cette correspondance, elle dénonce «cinq années d’injustice légale par les tribunaux européens». Au cœur de ce feuilleton judiciaire, une séparation qui tourne mal. Le 20 juin 2024, quand Rokia Traoré arrive à l’aéroport de Rome pour donner un concert dans le cadre de la célébration de la Fête de la musique, elle est mise aux arrêts, en vertu d’un mandat d’arrêt européen émis par les autorités belges. C’est le résultat de cette longue bataille juridique avec son ancien partenaire, Jan Goossens, concernant la garde de leur fille, âgée de 9 ans. Les autorités italiennes ont ainsi exécuté le mandat d’arrêt émis par la Justice belge qui accuse la chanteuse d’«enlèvement, de séquestration et de prise d’otage». «Je n’ai pas eu à enlever ma fille pour la protéger. Je n’ai jamais commis d’acte d’enlèvement, ni en Belgique ni ailleurs. En tant que mère, j’ai le devoir de protéger mes enfants des conséquences négatives d’expériences de vie», rétorque Rokhaya Traoré pour se défendre. En 2023, la Justice belge avait condamné à 2 ans de prison la chanteuse. «L’arrestation de Mme Traoré en Italie fait suite à une décision du Tribunal correctionnel de Bruxelles du 18 octobre 2023 ayant condamné l’intéressée, par défaut, à une peine de deux ans d’emprisonnement du chef de non-représentation d’enfant à la personne en ayant la garde», réagit-elle.

Entre Rokhaya Traoré et le directeur artistique belge flamand Jan Goossens, la bataille juridique autour de la garde de leur enfant de 9 ans a connu plusieurs péripéties. Plusieurs fois, la chanteuse s’est retrouvée entre les mains de la Justice. L’étape de Rome n’est donc que le dernier acte de ce combat dans lequel la Justice belge a tranché en faveur du père belge et lui a accordé la garde exclusive de l’enfant. «En ce qui concerne l’accusation que j’aurais empêché le père, citoyen belge, d’amener notre enfant en Belgique pour des vacances, c’est encore là un mensonge du père, jamais vérifié par le juge belge en droit de la famille. Par ailleurs, un tel acte, s’il avait été commis, n’aurait pour autant donné aucun droit à la Justice belge de mener une procédure judiciaire en droit de la famille en dehors des limites (selon le Droit international et la Convention de La Haye de 1989 relative à la déclaration des droits de l’enfant) de sa compétence juridictionnelle», proteste l’artiste.

Installée à Bamako après la séparation d’avec son compagnon, Rokhaya Traoré a vu sa carrière subir les contrecoups des restrictions de déplacement qui l’affectent. Arrêtée à deux reprises, en 2019 et 2020, elle a poursuivi son combat. Aujourd’hui, elle semble vouloir en finir une bonne fois pour toutes pour avoir décidé malgré tout de se rendre en Italie. «Cette poursuite judiciaire violente à mon encontre n’aurait pas existé si j’étais une Française de citoyenneté d’origine américaine, vivant à New York, avec ses deux enfants binationaux, en toute légalité, avec une décision du Tribunal en droit de la famille de New York, poursuivie par la Justice belge sur la base d’un dossier totalement mensonger», écrit la chanteuse. Le mouvement qui soutient son combat, exige l’arrêt des tracasseries judiciaires contre la chanteuse, mais aussi des sanctions à l’encontre des tribunaux belges «pour leur mépris total des lois internationales et des droits de l’Homme».