Promoteur des Hip-hop Galsen Awards et animateur, Y Dee ne croit pas à l’argument qui veut que les artistes puissent compter seulement sur les réseaux sociaux pour faire leur promotion. Les artistes auront toujours besoin des médias classiques, selon lui, mais ils doivent également s’entourer d’un staff professionnel. Face aux jeunes talents du Festival «Hip-hop en Couleurs», Y Dee n’a pas mâché ses mots.Par Amadou MBODJI –

Twitter, YouTube, Facebook, Instagram, Snapchat et TikTok sont des nouveaux outils que les artistes sont en train d’utiliser pour faire leur promotion. Ces réseaux sociaux sont considérés comme des moyens de diffusion plus rapides que les médias classiques. Et pour certains, ils sont même beaucoup plus stratégiques que les médias classiques qu’ils relèguent au second plan. Cet avis n’est pas partagé par Y Dee, animateur de radio et de télévision, promoteur culturel et promoteur des Hip-hop Galsen Awards, la cérémonie qui récompense les meilleurs acteurs du hip-hop. «Les artistes aujourd’hui, même si les réseaux sociaux font beaucoup pour eux, ils auront toujours besoin de la radio et de la télévision. Je ne suis pas d’accord avec les gens qui disent que la radio et la télévision ne comptent plus. Les réseaux sociaux ne peuvent pas tout faire», défend l’animateur de la Zik Fm qui intervenait lors de la conférence de presse de présentation de la finale de Hip-hop en Couleurs qui s’est tenue tout dernièrement au Grand Théâtre avec la présence du chanteur comorien, Goulam. «Les talents certifiés sont là et ils ont forcément besoin de soutien, de support et d’accompagnement. En tant qu’animateurs radio, nous sommes sélectifs aujourd’hui par rapport aux sons que nous mettons. Ce que fait l’animateur à la radio est la touche finale de tout ce que l’artiste fait au studio. C’est vrai qu’aujourd’hui nous avons les réseaux sociaux à côté de la radio, de la télé», souligne l’animateur. Sans nier le rôle des réseaux sociaux avec lesquels certains artistes ont la chance de se faire connaître, Y Dee souligne que «tout dépend de comment vous vous inscrivez dans ce registre, de combien de followers vous avez et de ce que vous proposez aux followers». «Les médias classiques vont toujours être là même si les réseaux sociaux, d’une façon ou d’une autre, ont un certain impact. Un classique restera toujours un classique», appuie-t-il. Y Dee enchaîne en conseillant aux artistes de ne pas se limiter aux réseaux sociaux. «Le seul moment où un artiste peut compter sur les réseaux sociaux, c’est à partir des plateformes digitales, des stream qui peuvent vous apporter plus de followers, qui peuvent vous rapporter plus d’argent et qui peuvent maintenir votre position et faire en sorte que les gens continuent d’écouter votre musique.»

Plan de carrière
Un artiste doit avoir un plan de carrière pour se faire une idée exacte d’où il veut aller.  «Il faut savoir pourquoi vous faites ce que vous faites. Vous êtes rappeur ou artiste, il faut savoir si vous voulez faire vraiment carrière. Il faut savoir si vous êtes juste là pour le buzz ou si vous le faites juste pour avoir l’opportunité de voyager. Si vous ne savez pourquoi vous le faites, vous n’aurez pas de direction artistique et vous n’aurez jamais de carrière. Ce qui vous motive, c’est ce qui va vous alimenter», ajoute l’animateur télé et radio. Il souligne qu’un artiste qui reste longtemps sans produire, court le risque d’être «oublié». «Etant artiste, il faut toujours être productif, même si c’est un single qui sort. Beaucoup d’artistes se font de l’argent et une réputation, ils font même des tournées  mondiales avec seulement deux sons. Avec un seul son, ils deviennent riches», embraie-t-il. En plus de pouvoir compter sur les médias classiques et les réseaux so­ciaux pour aller de l’avant, les artistes ont besoin de s’appuyer sur un encadrement afin de pouvoir réussir dans le domaine dans lequel ils interviennent, souligne le promoteur culturel. «Ces artistes là aujourd’hui ont besoin d’exister, ils ont besoin d’avoir des personnes de confiance derrière eux pour les booster. Il faut également qu’ils aient de bons directeurs artistiques. On en a besoin dans la culture, c’est un motivateur. Un producteur, c’est un gars qui crée des opportunités», estime-t-il.

Trente ans du hip-hop
Saluant l’initiative de Samba Diaité d’organiser Hip-hop en Couleurs, Y Dee ne manque pas de souligner qu’on se projette vers les 30 ans du hip-hop qui seront célébrés l’année prochaine, en 2023. Acteur de la culture urbaine, Y Dee apprécie à sa juste valeur cette «occasion en or» offerte aux jeunes talents. «Ce sont des opportunités en or qu’on n’a pas toujours.  Fatim Sy (rappeur) m’est témoin. Au début, quand les artistes allaient au studio, ils n’avaient pas le transport, marchaient de quartier en quartier, c’est-à-dire faisaient des kilomètres pour aller au studio où l’ingénieur te dit qu’il n’a pas le temps. Ce n’est pas comme aujourd’hui où il y a les home-studios, tu as ton ordinateur, tu enregistres quand tu veux. Et puis tu reviens le lendemain pour compléter. C’est-à-dire, tu pars au studio avec l’état d’esprit clair, tu y vas pour enregistrer un son, tu reviens à la maison maquette à la main, et tu n’as pas la chance d’enregistrer deux fois», tient à faire savoir l’animateur aux jeunes talents. «Ma spécialité, c’est le hip-hop. Nous sommes là pour parler de la culture urbaine. L’importance de Hip-hop en Couleurs, et je veux que tout le monde sache, c’est qu’avec cette nouvelle génération, nous sommes à un moment où il faut accepter de laisser cette génération écrire son histoire», souligne-t-il. Il n’a pas manqué de glisser un petit tacle à ceux qui se prennent pour des stars alors qu’ils leur reste encore beaucoup de chemin à parcourir. «Tu viens faire la star alors que tu ne dépasses même pas les frontières de la Gambie ou de la Mauritanie ! Ce n’est pas pour manquer de respect à certains, mais il y a ceux qui n’ont même pas mis le pas en Gambie et qui nous tympanisent. Il y a des artistes qui ont vraiment besoin de soutien. Il y a des talents qui ont vraiment besoin d’un bon management, il faut qu’ils arrêtent de prendre l’ami du quartier et avec qui on a grandi pour en faire un manager. Il faut trouver un bon manager, un professionnel», conseille-t-il.
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