MUSIQUE – Hadja Bintou Kouyaté, musicienne, danseuse… : La kora en héritage

Née en 1994 à Conakry, Hadja Kora Kouyaté est une artiste à fort potentiel. Dans la présente génération, elle est la seule korafola féminine en Guinée et l’une des seules dans toute la sous-région, du moins à ce niveau. Elle est également chanteuse et possède le talent assez rare de jouer de la kora et de chanter et danser en même temps, le tout sur scène. Elle joue donc de la kora à haut niveau, mais aussi de la guitare, du balafon, des percussions traditionnelles, elle apprend le clavier… Elle est également compositrice, arrangeuse, parolière et danseuse. C’est donc une artiste complète. Désormais installée à Dakar, elle a accepté un moment d’échange sur sa carrière, ses relations avec le Sénégal, ainsi que son amour pour le continent africain.
Quand Hadja Kouyaté pose ses mains sur les poignées de sa kora, son visage se ferme et son regard se fige. Au moment où ses pouces effleurent les cordes, il se produit autour d’elle comme une libération. Les premières notes vous emmènent, les suivantes vous bercent. Le temps, lui, reste suspendu. Elle est la fille de feu M’Bady Kouyaté, grand korafola de l’Ensemble instrumental de Guinée, du Ballet Djoliba et du Ballet africain de Guinée. Il était le musicien officiel de la présidence de la République de Guinée et un grand maître de la kora. Il a enseigné l’art de la fabrication et du jeu de la kora à beaucoup de ses enfants et à d’autres enfants. Il est considéré comme le père de tous les artistes guinéens et Hadja a bénéficié de sa sagesse et de son enseignement.
Culture mandingue
C’est la grande famille Kouyaté, dont sont issus entre autres Sory Kandia Kouyaté, Kandia Kora, Bah Cissoko. «La musique, c’est l’œuvre de mon grand-père. J’ai bénéficié de sa sagesse et de son enseignement. Donc, j’ai appris avec mon grand-père et c’est par-là que tout a commencé. Je me suis reconnue dans la musique dès le bas âge», explique la musicienne. «Depuis que je suis toute petite, on m’amenait dans les mariages pour que je chante parce que les gens disaient que j’ai une belle voix.» Abreuvée à la source de son grand père, Hadja Bintou ne va pas tarder à faire ses preuves. «Mon inspiration vient de mes racines et de ma volonté de faire bouger les lignes. Je ressens toujours quelque chose d’unique et de très profond quand je joue de la kora», explique-t-elle. Membre du ballet Souarata de Conakry, du ballet des Amazones de Guinée, et du groupe les Dauphines de Guinée, elle a collaboré avec les maîtres Sékou Kora Kouyaté (surnommé Freedom), Bah Cissoko (en tant que choriste, danseuse dans certains clips et korafola dans son centre Wakiri Guinée), et Kandia Kora. En effet, son répertoire va des standards de la musique traditionnelle mandingue jusqu’à la musique contemporaine occidentale, en passant par diverses autres formes de musique traditionnelle et contemporaine africaine. Elle compose ses propres créations originales, inspirées du folklore de la musique mandingue. Elle peut se produire seule (kora et chant), mais aussi avec le soutien d’un groupe composé de korafolas et d’autres instrumentistes.
Son aventure au Sénégal
A la recherche de nouvelles opportunités professionnelles, Hadja a quitté son Conakry natal pour poser sa kora dans la cosmopolite Dakar, où elle est désormais implantée depuis juillet dernier. A Dakar, elle est entourée d’un nouvel ensemble instrumental composé d’un second korafola, de percussionnistes, d’un claviériste et d’autres musiciens. «Je suis installée maintenant ici au Sénégal. Même si je vais dans mon pays, c’est pour revenir après parce que je veux réellement m’installer là où il y a la paix et l’amour. Ici, il y a la paix et l’amour et que les gens se comprennent et c’est quelque chose de très cher. Voyez, je suis artiste guinéenne en même temps sénégalaise. Il y a plein de pays en Afrique, mais j’ai choisi ce Sénégal que j’adore tellement», chante-t-elle. Avec son groupe, elle cherche à donner une couleur vraiment sénégalaise au répertoire de la musique mandingue. Ses chansons parlent de la paix en Guinée et en Afrique, de l’unité nationale, de la situation des femmes et d’autres problèmes sociaux, d’amour et de mariage. Ces chansons sont en soussou, en pulaar, en malinké et en anglais. Hadja est également capable de chanter en français. Elle commence à apprendre le wolof, nous dit-elle.
L’impact du Covid-19
La pandémie qui secoue aujourd’hui le monde, dit-elle, est vraiment dure. La maladie ne touche pas un seul pays. «C’est très dur, mais c’est Dieu seul qui sait pourquoi il a fait ça. Depuis que la maladie a commencé, nous les artistes, nous souffrons vraiment beaucoup. On ne travaille pas, on ne joue pas. Beaucoup de personnes peuvent se débrouiller autrement, mais nous les artistes, tout est fermé et on ne travaille pas et c’est vraiment dur pour le moment, car toutes les portes sont fermées. Et si on ne joue pas les concerts, les festivals, cela veut dire que rien ne va. J’étais prête pour sortir mon album, mais avec ce corona… Je voulais le sortir en Guinée, mais la maladie est venue entre-temps. Donc, je me suis dit que puisque le Sénégal était déjà mon pays de rêve et que j’aimé réellement venir apprendre, de jouer et prendre les couleurs sénégalaises», a indiqué Hadja Kora.
Invitation à l’introspection
«J’invite les artistes encore à travailler. Je dis du courage à tous les artistes. Je lance un appel de paix et que nous soyons réellement unis, qu’on se pardonne et que l’amour rentre entre nous les Africains et le monde entier», souligne-t-elle de sa voix mélodieuse. Hadja Kora est également capable de chanter et jouer dans d’autres registres non couverts par l’album, notamment la salsa. En tant que compositeur et parolière, Hadja aime écrire et chanter ce qu’elle voit. Ses chansons touchent à la vie quotidienne des Africains dans ce qu’elle a de plus heureux et de plus triste.