La Cour d’appel de Paris ordonne au producteur et à la maison de disques de Grand Corps Malade de retirer la voix du chroniqueur Fabien Lecoeuvre de sa chanson «Les gens beaux», écrite pour défendre Hoshi. L’artiste va se pourvoir en cassation.

Une chanson qui, quatre ans après sa sortie, continue à faire couler de l’encre… et à occuper les juridictions. Nous sommes le 10 juillet 2021 sur la grande scène des Francofolies. Grand Corps Malade dévoile au public rochelais une nouvelle chanson, Les gens beaux. C’est une réponse aussi cinglante que souriante au chroniqueur et auteur Fabien Lecoeuvre, qui a créé la polémique début avril en qualifiant, dans une interview à la radio, la chanteuse Hoshi d’«effrayante». «Enfin, vous mettez un poster de Hoshi dans votre chambre, vous ?, demandait-il à l’animateur. Elle a du talent, cette fille, vraiment, mais qu’elle donne ses chansons à des filles sublimes.» La chanson du slameur commence par ces propos et reprend la voix de Fabien Lecoeuvre pendant 33 secondes, y compris sur les refrains. «Monsieur, parfois, il faut s’taire, moi, je veux voir Hoshi sur un poster», lui rétorque-t-il sur le titre. Les 5000 spectateurs du festival sifflent copieusement le chroniqueur musical à chaque fois qu’ils l’entendent. Et Grand Corps Malade le répète à tous ses concerts suivants, en dénonçant «des propos honteux». La chanson, qui figure sur la réédition de l’album Mesdames, connaît un énorme succès.

Le chanteur gagne en première instance
Après son show, Grand Corps Malade nous explique avoir demandé l’autorisation à Hoshi et le conseil de son avocat avant d’enregistrer le titre. «Nous lui avons demandé si on pouvait utiliser ses déclarations dans la chanson. Il nous a dit que, dans la mesure où elles étaient publiques, ça ne posait aucun problème juridique.» Ce n’est évidemment pas l’avis de Fabien Lecoeuvre, qui envoie, dès le 27 juillet, une mise en demeure au slameur et à Universal Music pour qu’ils suppriment la chanson. Sans réponse de leur part, il les assigne en novembre au Tribunal pour atteinte à son droit de voix. En première instance, en septembre 2023, le Tribunal de Paris donne raison à Grand Corps Malade. Le chroniqueur fait appel et obtient cette fois gain de cause. La Cour d’appel de Paris condamne, le 17 octobre dernier, la société de productions de Grand Corps Malade, Anouche Productions, et sa maison de disques, Universal, à retirer sa voix de la chanson sous astreinte d’une amende de 500 € par jour.

«Je ne comprends pas qu’il s’entête»
«C’est un jugement essentiel, car il défend les chanteurs en interdisant qu’on utilise leurs voix sans leur consentement, estime Fabien Lecoeuvre. C’est la troisième fois dans l’histoire du disque que l’on vole une voix. La première, c’était Claude Piéplu en 1969, la seconde Léon Zitrone en 1982. Les deux avaient fait condamner les producteurs. Grand Corps Malade est un de mes auteurs préférés, mais il a été victime de son avocat, qui l’a conseillé à tort. Il y a deux ans, j’ai reconnu une connerie et je m’en suis excusé auprès de Hoshi. Je ne comprends pas qu’il s’entête.» Ce dernier a en effet annoncé, par son avocet, qu’il allait se pourvoir en cassation. Ni l’artiste ni son producteur n’ont répondu à nos appels. Mais selon maître Stéphane Loisy, qui défend Fabien Lecoeuvre, «ce pourvoi n’est pas suspensif du paie­ment des sommes, et l’astreinte pourrait commencer d’ici un mois». «Ils vont devoir enlever le titre des plateformes de streaming et des radios, et retirer des magasins tous les disques avec ma voix», assure le spécialiste de la chanson française. Toujours selon ce dernier, Les gens beaux aurait rapporté pas moins d’un million d’euros. «Ce serait élégant de leur part de les reverser aux Restos du coeur ou à une association de femmes battues.»
Le Parisien