Depuis la ruée vers le digital, les acteurs des industries culturelles et créatives arrivent difficilement à tirer profit des revenus de leurs productions. Comment redonner aux créateurs de contenus, artistes et acteurs, l’opportunité de vivre du fruit ? C’est autour de cette thématique que le groupe Win Global, dirigé par Moustapha Ndiaye, président de l’Association des managers, a structuré la seconde édition du salon «Sénégal Musik digital». Selon M. Ndiaye, les pertes occasionnées aux artistes dépassent les 20 milliards de francs Cfa.Par Amadou MBODJI –
Les artistes, du moins la majorité d’entre eux, arrivent difficilement à tirer profit des droits que génère la diffusion de leurs œuvres sur les plateformes digitales. C’est fort de de ce constat que Moustapha Ndiaye, président de l’Association des managers d’artistes et agents d’artistes (Amaa) et du Réseau des managers d’artistes africains professionnels (Remaap), par ailleurs manager de l’artiste Yoro Ndiaye, a décidé depuis l’année dernière, d’organiser un salon sur le numérique et la musique. Sénégal Musik digital, qui en est à sa 2e édition, s’est tenu à la Maison de la Culture Douta Seck. Les pertes subies par les artistes-chanteurs dans le cadre de la diffusion de leurs œuvres musicales sur les plateformes digitales sont évaluées à plusieurs milliards par M. Ndiaye. Il donne d’ailleurs une première évaluation autour de 20 milliards, en attendant les résultats des travaux commandités dans ce sens. «Les études sont en cours. Mais les estimations sont énormes. C’est un peu plus de 20 milliards de pertes en droits d’auteur. Je donne juste un exemple, quand tu es artiste, combien d’artistes africains que tu connais et qui ont des œuvres sur YouTube mais qui ne récupèrent pas parce que les moyens et la régulation pour le faire ne sont pas là pour le faire ? Cet argent, si on ne le récupère pas, ce sont des pertes», indique M. Ndiaye. «A chaque fois qu’on discutait avec les acteurs, on se rendait compte qu’on maîtrisait de moins en moins nos œuvres qui circulent dans le digital, que ce soit au niveau des télés ou des radios digitales. On se rendait compte de plus en plus que nos produits nous échappaient. Ça peut aller jusqu’en Chine, mais vous ne savez pas où vous êtes écoutés et vous n’avez pas une maîtrise de l’économie générée, ni du côté de l’économie ni du côté des droits. Et à chaque fois qu’on discutait, la problématique était partagée partout et dans plusieurs pays où on a été. C’est là où Sénégal Musik digitale m’est venu. Je me suis dit pourquoi pas chez moi, essayer de réfléchir avec mon équipe. Ce projet est un projet de ma boîte personnelle, Win global. Nous travaillons sur plusieurs domaines dont la gestion de carrière des artistes», affirme Moustapha Ndiaye. Il espère que ce salon permettra aux artistes ainsi qu’à leurs staffs, de s’approprier des solutions déclinées à travers les panels animés lors de la rencontre pour changer la donne.
Structurer l’industrie musicale
Parrain de l’évènement, Moustapha Diop, Administrateur général de la plateforme digitale Musik Bi, de saluer l’initiative de ce salon en le jugeant «très intéressant» en ce sens, souligne-t-il, qu’il permet à différents secteurs de se rencontrer. «Et dans ces rencontres-là, se créent et se renforcent les conditions de créer les liens qui permettent d’avancer, de structurer l’industrie musicale. Parce qu’elle en est à ses balbutiements au Sénégal», soutient Moustapha Diop. Qui parle d’industrie musicale parle forcément d’entreprises musicales, selon Moustapha Diop, qui reconnaît qu’il y a «peu d’entreprises». Travailler à ce que les acteurs soient reconnus et qu’il y ait un écosystème, est ce à quoi devrait s’employer le ministère de la Culture pour changer de paradigme. «Le numérique est fondamental», estime M. Diop qui reconnaît que les artistes du hip-hop l’ont compris et ont une grande avance dans l’utilisation du numérique. «Il y a quelques années, c’était la cassette. Et qu’est-ce qui se passait ? On allait en studio, on enregistrait, on faisait une cassette, on la vendait à Sandaga. Aujourd’hui, vous sortez l’album, vous avez votre production, elle est tout de suite mise sur les plateformes digitales. Elle touche le monde entier. Ce qui n’était pas une perspective qu’on pouvait avoir quand on avait des supports physiques. Les jeunes musiciens issus du hip-hop et du rap sont très en avance. Et ils en profitent. Ils savent l’importance de la présence sur les réseaux sociaux», soutient-il. A l’inverse, les musiciens classiques peinent à s’approprier le numérique, à en croire M. Diop, qui estime que ces derniers «n’ont pas encore compris l’intérêt de cette numérisation et les avantages à en tirer».
Animateur culturel, Samba Mballo, un des formateurs de l’atelier pour outiller les artistes dans l’élaboration et la gestion de projets de spectacles, estime que l’objectif est d’arriver à la production «d’un document concret qui mettrait en avant les opportunités et la capacité des acteurs à pouvoir s’insérer dans le milieu professionnel». Sénégal Musik digital, qui n’a pu se tenir qu’en ce mois de juillet, avait été reporté en raison des tensions du mois de juin, occasionnant des pertes, selon son initiateur, qui n’a pu aussi compter sur des participants en provenance de l’Afrique et de la France à cet événement.
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