Musique – Taylor Swift sort un album : Le succès colossal peut-il durer ?

Son dernier album, «The Life of a Showgirl», ouvre une nouvelle «era» pour la chanteuse et ses fans. Deux ans après sa tournée historique, les records sont quasi assurés.
A 35 ans, Taylor Swift apparaît comme une artiste «trop grande pour échouer», selon les mots de la Bbc. Sa place parmi les légendes de la musique est désormais indiscutable. Mais reste une question : peut-elle, un jour, voler trop près du soleil ? Le nouvel album de la chanteuse, The Life of a Showgirl, lancé ce vendredi 3 octobre, s’annonce déjà comme un triomphe. Tous les indicateurs pointent vers un immense succès : plus de 5 millions de pré-enregistrements sur Spotify, un record pour la plateforme. La version vinyle collector a mis moins d’une heure pour être en rupture de stock sur sa boutique officielle, et tout cela avant même que les fans n’en aient entendu une note.
Un démarrage record avec The Tortured Poets Department
Il y a un an et demi, la chanteuse dévoilait son tout nouvel album, The Tortured Poets Department. Un lancement fulgurant avec près de 2 millions d’exemplaires écoulés (ventes physiques et téléchargements payants) dès sa sortie -le meilleur démarrage en date de sa carrière. Le double album de 31 chansons au total, au-delà de son succès, n’a pourtant pas été le mieux noté par les critiques. L’agrégateur américain Metacritic place Ttpd (The Tortured Poets Department) à la 7e place sur les 11 albums de la chanteuse, avec une moyenne de 76 sur 100. Il se retrouve ainsi derrière Folklore (n°1 avec 88), Midnights (85), Evermore (85), Lover (79), Speak Now (77) et Red (77). Le lancement de son tout dernier album se fait loin de la dépendance aux médias traditionnels : la chanteuse a patiemment bâti une stratégie de communication qu’elle maîtrise de bout en bout, en s’adressant directement à ses fans. Depuis son entretien avec Time en 2023, qui l’avait désignée «personnalité de l’année», elle n’a accordé aucune interview de fond aux médias traditionnels : tout passe par ses propres plateformes. Désormais, son récit, elle le contrôle elle-même : à travers ses réseaux sociaux, ses paroles ou encore des apparitions choisies. La promotion de son dernier opus n’a d’ailleurs été orchestrée qu’au travers du podcast de son compagnon, Travis Kelce, et de son compte Instagram. C’est également sur ce dernier qu’elle a annoncé ses fiançailles avec le joueur de football américain. Une manière claire et assumée de garder la main sur son image et de s’assurer que chaque mot sur Taylor Swift vienne d’abord de Taylor Swift.
Des fans fidèles
On aurait pu croire que la nouvelle «Bridal Era» («ère de la mariée») de Taylor Swift allait signer la fin de ses célèbres chansons de rupture et, par ricochet, de son succès. Mais les swifties (nom des fans de Taylor Swift) sont multiples et fidèles : des petites filles fans de country qui l’ont suivie dès 2006 aux adolescents et jeunes adultes du monde entier qui ont rempli les stades de son Eras Tour, la force de Taylor Swift a toujours été de raconter sa vie en chanson, quelles qu’en soient les étapes. Celle-ci ne devrait pas être tant différente. Par ailleurs, si ses chansons d’amour restent centrales, sa qualité d’autrice et de compositrice a été soulignée plus d’une fois, par exemple avec les jeux «Taylor Swift ou William Shakespeare» qui ont envahi les réseaux. Ses derniers albums ont gagné en nuance et en maturité, ce qui explique pourquoi elle continue de résonner auprès de générations différentes. Reste à savoir si la fin de la collaboration avec son producteur historique, le faiseur de tubes Jack Antonoff, du groupe Fun, pierre angulaire de la razzia de la reine de la pop aux Grammy Awards, se fera ressentir ou lui permettra d’évoluer.
Des défis de taille pour la chanteuse
Les véritables «menaces» pour la chanteuse pourraient venir du côté des changements des tendances et des goûts musicaux. Aujourd’hui, une nouvelle génération d’artistes féminines se tourne vers la célébration de l’imperfection, de la différence, du désordre et de la vulnérabilité, et séduit la jeunesse. On y trouve Olivia Rodrigo (22 ans) et ses récits de rencontres toxiques, Charli XCX et l’insouciance de son «brat summer», Lorde, Chappell Roan ou encore, plus récemment, Lola Young. Le style d’authenticité brute attire une jeunesse parfois lassée du perfectionnisme pop soigné de Taylor Swift. Le poids qui accompagne son statut ne se limite pas à la musique. En 2020, le documentaire Taylor Swift : Miss Americana avait marqué un tournant : on y voyait la chanteuse, jusque-là discrète politiquement, exprimer un besoin presque vital de s’élever contre Donald Trump et certains élus de son Etat du Tennessee. Pourtant, quatre ans plus tard, Taylor Swift a été vivement critiquée pour avoir tardé avant de se prononcer sur l’élection présidentielle américaine. Preuve que, pour une icône de son envergure, chaque parole et chaque silence deviennent un acte politique.
Une influence pour sa propre industrie
Au-delà des chiffres et des polémiques, l’une des clés de la longévité de Taylor Swift réside dans son indépendance artistique. Après son conflit avec son ancien label, Big Machine Records, et le rachat de ses premiers albums par Scooter Braun, la chanteuse a repris le contrôle de sa discographie en réenregistrant ses disques sous le label Taylor’s Version. En mai dernier, elle a franchi une ultime étape en rachetant l’intégralité de ses masters : «toute la musique que j’ai créée m’appartient désormais», écrivait-elle sur son site. Un tournant historique qui a inspiré d’autres artistes à revendiquer leurs droits et qui place la chanteuse comme pionnière dans la défense de l’autonomie des créateurs.
Aujourd’hui, Taylor Swift ne semble plus être seulement une chanteuse à succès, mais une institution culturelle : ses choix influencent l’industrie du disque, ses paroles structurent la mémoire collective de plusieurs générations, et ses prises de position politiques déclenchent des débats nationaux. Son Eras Tour en est la preuve : un spectacle devenu autant un événement musical qu’un phénomène économique, avec plus de 2 milliards de recettes. Reste maintenant à savoir si Taylor Swift est au sommet de sa carrière, ou si ce n’est que le début d’une nouvelle ère. Ce qui est certain, c’est que ses fans sont toujours là pour acheter sa musique. Et qu’ils ne semblent pas près de partir.
LePoint