Musique – Tête d’affiche à Lompoul : Nix et ses 20 ans de carrière

Avec bientôt 20 ans de présence sur la scène musicale sénégalaise, Nix est cet artiste qui aura écrit quelques-uns des plus beaux textes du rap sénégalais. En concert à l’ouverture du Festival du Sahel à Lompoul, l’artiste dakarois a une nouvelle fois assuré un show digne de cette édition de la renaissance.
Vingt ans de présence sur la scène musicale, et Nix est toujours resté ce rappeur semblable à une comète traversant le ciel du rap sénégalais. Ses passages peuvent être éphémères et se faire attendre. Mais quand ils se produisent, les promesses sont tenues et les fans se régalent. On pourrait dire cela de son concert au Festival du Sahel qui s’est tenu à Lompoul dans la région de Louga, du 4 au 6 novembre. 7 ans après la dernière édition, ce festival, qui a pris naissance au creux des dunes du désert de Lompoul, a vaincu les aléas nés de la crise au Mali, de l’incursion d’Ebola dans notre pays et aussi de la pandémie du Covid-19. Une édition de la renaissance qui, cette année, a pris des couleurs inattendues. Et à ce jeu, Nix s’est distingué par une prestation de haute facture. Vêtu d’un ensemble blanc, l’artiste s’est présenté sur la scène avec un visage recouvert d’un masque en cauris. Pour «the nulest» (le plus noir), l’esthétique visuelle est déjà marquante. Mais au-delà, il s’agit d’une identité que revendique ce chanteur issu des beaux quartiers de Dakar. Une carte d’identité difficile à arborer dans un rap sénégalais où les cadors viennent, à quelques exceptions près, des banlieues les plus chaudes. Dans ce monde, rapper est plus qu’un jeu, c’est un besoin vital. Un moyen de dénoncer des conditions de vie précaires, des injustices. Dans un article qu’il lui consacre, Lamine Ba, critique musical, écrivait ceci : «Nix a toujours été en marge du rap sénégalais. Premièrement, à cause du français qu’il a longtemps utilisé pour rapper. Deuxièmement, issu des quartiers aisés de Dakar, il semblait être là juste pour l’amour des mots, pour la beauté du geste, si je puis dire, tandis que l’écrasante majorité paraissait, elle, mue par une brûlante envie de révolution à travers sa musique.»
Après deux décennies de présence, Nix a fait la preuve de son amour pour le rap. Et en revenant au wolof, il est également retourné vers ses fans sénégalais. «J’ai toujours su faire du rap wolof. C’est juste que j’ai commencé avec un album en français et ça m’a ouvert des portes au Mali, au Benin, au Togo, etc. Du coup, j’ai continué, mais après, je me suis rendu compte que pour me reconnecter vraiment avec mon public au Sénégal, il fallait rapper en wolof», confesse-t-il. Tête d’affiche du Festival du Sahel à Lompoul, l’artiste sénégalais s’est présenté sur scène aux côtés de son vieux complice, Noumoukounda Cissokho, et de sa kora. Une collaboration qui en jette et que le public de Lompoul a fortement appréciée. Le mélange des rythmes et du son de la kora donne une nouvelle dimension au travail de l’artiste. «Noumoukounda, je l’apprécie depuis que je l’ai vu avec les Positive Black Soul (Pbs), j’étais encore petit. Et c’est important parce que j’adore la kora, et Noumoukounda est un excellent joueur de kora. Et en plus, il a un background hip-hop jazz hyper intéressant. Quand on collabore, ça part toujours dans des sauces très profondes.» Sa présence à ce festival, qui marque un retour attendu, est significative. «C’est très important pour moi d’être ici. Le concept du festival, une rencontre culturelle des peuples du Sahel, c’est un très bon concept qui nous permet de créer des rencontres musicales en dehors du Sénégal et dans ce désert qui est magnifique. Ça fait longtemps que j’entends parler de ce festival et c’est un honneur pour moi d’y être invité.»
20 ans de carrière
Au-delà de ses belles prestations scéniques, Nix reste cet artiste qui maîtrise les rimes, les belles paroles et les belles envolées. Tourné vers l’esthétique et la beauté des mots, il arrive à produire des albums que d’aucuns classeraient dans les «incontournables» du rap sénégalais. C’est dans Black Crystal, sorti en 2003, qu’il lance ces mots qui resteront gravés dans la mémoire des mélomanes. «Cette musique, c’est tout ce que j’ai», chante-t-il, ou encore «j’ai tout lâché pour cette zik». Des mots qui raisonnent encore 20 ans après, au moment où il descend de la scène de Lompoul. «Ces 20 ans, je ne les ai pas sentis en vérité. J’ai toujours la même envie que quand je débutais et je crois que c’est la même chose qui fait que j’ai tenu 20 ans. C’est une passion en fait.» Une passion qu’il continue de vivre même si ses intérêts se sont diversifiés, rattrapé qu’il a été par l’art-business. A Deedo, la structure de streaming qu’il a créée, est venue s’ajouter une agence créative. Demain, il faudra aussi faire avec ses projets cinématographiques, un film déjà écrit et avec lequel il ouvre une nouvelle page qui, en fait, n’est pas si nouvelle. L’esthétique dans la réalisation de ses clips annonçait déjà cette direction. Rendez-vous est pris en 2023 pour célébrer cet anniversaire en grande pompe. Un album et une tournée sont attendus.Par Mame Woury THIOUBOU – mamewoury@lequotidien.sn