Une série de dialogues sur l’autonomisation des femmes dans les industries culturelles et créatives au Sénégal, avec comme thème : «La sécurité et la protection des femmes dans l’industrie musicale», s’est tenue la semaine dernière à la Maison des cultures urbaines de Ouakam. Organisée par Yacine Prod, en partenariat avec l’Association des métiers de la musique du Sénégal (Ams) et Giz, le bureau de la coopération allemande, la rencontre a permis de conscientiser les femmes artistes sur les violences auxquelles elles font face et sur leurs conditions de travail.Par Amadou MBODJI –
Au Sénégal, le taux de prévalence de la violence contre les femmes reste assez élevé. Les femmes artistes n’échappent pas à ces violences, qu’elles subissent dans les espaces publics et dans les sphères privées. Pour prévenir cette violence, Marina Kabou, membre de l’Association des femmes juristes du Sénégal (Ajs), demande aux artistes de faire preuve d’engagement, au même titre que les autres couches de la société, pour faire de la lutte contre la violence leur combat de tous les jours. «Par prévention, j’entends les mesures que l’on devrait prendre au préalable. Je pense que ça interpelle tout un chacun. Et chacun a son mot à dire. Quelqu’un disait qu’un citoyen n’est pas seulement un consommateur, c’est un producteur d’idées, de convictions, d’engagement et de solidarité. Alors je considère que les femmes sont des productrices d’idées, elles font partie de la société, elles ont leur mot à dire», a déclaré Marina Kabou en animant la semaine dernière un panel sur la prévention, la lutte contre les comportements discriminatoires et abusifs à la Maison des cultures urbaines de Ouakam (Mcu). La violence est un phénomène auquel les femmes artistes n’échappent pas. «Les femmes artistes contribuent, c’est vrai, au développement de la société, elles contribuent à la consolidation de la démocratie. Elles contribuent à la déconstruction des stéréotypes. Mais n’empêche, elles font face à des difficultés, et parmi ces difficultés, il y a la question du financement. Pour pouvoir entreprendre, il faut forcément un financement. Et parmi ces difficultés, il y a également la question des violences, les comportements abusifs auxquels elles font face. Je fais référence aux violences qui sont soit physiques, les coups et blessures volontaires par exemple, les violences sexuelles, on parle de viol, d’inceste, ou encore les violences physiologiques et économiques. Mais ces violences-là, c’est quelque chose qu’on rencontre dans la vie de tous les jours, ce ne sont pas des violences qui sont spécifiques aux femmes artistes. Parfois, il nous arrive de nous dire que notre société est misogyne, que notre société est contre les femmes, tellement nous avons des cas de violence qui sont exercés dans la vie de tous les jours, et ces violences sont relayées par les médias», fait savoir Mme Kabou. «Les auteurs peuvent être des hommes tout comme des femmes. Les femmes peuvent être auteures de violence, même si elles en sont victimes aussi. Il y a des violences qui sont axées sur les hommes, mais les études ont montré qu’il y a beaucoup de plus de violences qui sont exercées sur les femmes. Donc moi je dirais qu’à l’Ajs, sur les 1200 cas, peut-être que les 5 concernent les hommes, mais les 1195 concerneront les femmes», argue-t-elle. Mme Kabou tient à souligner que le plus souvent, «la violence renvoie à tout acte qui entraîne des souffrances, des préjudices physique, sexuel, économique et physiologique».
S’approprier le statut de l’artiste
Pour Daniel Gomez, président de l’Association des métiers de la musique du Sénégal (Ams), il appartient aux artistes en général, et notamment les femmes, de s’approprier le statut de l’artiste conféré par cette loi qui définit les droits des artistes. «Quand on parle de l’hégémonie du salaire, est-ce qu’au départ, on savait qu’on avait un salaire ?», questionne le patron de l’Ams, avant de souligner «qu’ici, tout le monde parle de cachet, tout le monde parle de prestation de services. Pour ceux qui ne le savent pas, le Bordereau de retenue à la source (Brs) qu’on met sur les factures est illégal. Mais comme les services n’ont aucune traçabilité, et il leur faut la traçabilité, donc ils appliquent le Brs. Le Brs n’est pas applicable normalement dans les métiers de la culture à telle enseigne qu’on ne le fait plus payer au niveau de la Sodav. Quand vous allez travailler comme prestataire de services, vous vous définissez comme un prestataire de services. Et ce qui s’applique aux prestataires de services doit vous être appliqué. Soit vous allez payer vos 18% de Tva, soit vous êtes informels, et à ce moment, on vous demande de faire une facture sans registre de commerce, sans Ninea. A ce moment, est-ce qu’on peut parler d’hégémonie du salaire ? Non», affirme Daniel Gomez. «Avant d’en arriver aux congés de maternité, il faut évoquer déjà cette présomption de salariat. Donc aujourd’hui, la question n’est pas de savoir si on a un salaire. C’est plutôt de comprendre ce que ça veut dire être salarié. Au Sénégal, pendant longtemps, on a assimilé le salaire à la fin du mois. Le gars qui a travaillé 15 jours n’a pas de fin du mois. Celui qui a travaillé tout le week-end n’a pas de fin du mois. Est-ce qu’il n’a pas de salaire ? On vous dit non, il n’a pas de salaire, il a un cachet, c’est une prestation de services. C’est ce que la loi est venue corriger. La loi dit que nous avons droit à la présomption de salariat, c’est-à-dire que donc tous les droits qu’ont les travailleurs formels, nous les avons. Maintenant, à l’Etat de se débrouiller pour que ça soit mis en place», indique M. Gomez, avant de laisser entendre qu’un artiste qui ne dispose d’aucun filet de protection sentira les difficultés venir s’il n’arrive plus à travailler pour avoir de quoi entretenir sa famille, car n’ayant aucun revenu.
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