J’avais décidé de ranger mon encrier pour un moment, d’observer timidement, de laisser les nouvelles autorités travailler, de donner du temps au temps. Comme l’affirment certaines voix : il faut leur accorder du temps. Mais face à de nombreuses incongruités, il serait irresponsable de ne pas tremper, à nouveau, sa plume, ne serait-ce que pour analyser les événements politiques, économiques, sociaux. Pas d’«intellectuel organique», encore moins pétitionnaire, simple observateur. Et, comme les anciens pétitionnaires semblent déserter le terrain de la pétition, leurs sévères plumes se sont subitement cassées, les principes hautement démocratiques qui les mobilisaient n’en valent, sans doute, plus la peine, il est urgent de ne pas se taire.
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L’occasion faisant le larron, et, comme par magie, en défilant sur les Rs, je tombe sur une vidéo de madame la ministre des Solidarités qui, commentant les soubresauts de la fameuse affaire Aser, affirme que s’il est avéré que M. Fall a touché un franc sur le scandale Aser, c’en est un, il doit s’en foutre royalement. Quelle arrogance, quel manque d’humilité. Le triptyque chanté partout, Jub Jubal Jubanti, vient de mourir de sa triste mort, et, comme avant lui, l’inexistant qui l’a enfanté : le Projet qui s’est révélé être un procès. Que l’accompagnent alors linceul et musc. De deux choses l’une : soit elle n’a pas compris la gravité de ses propos, soit elle ignore la sacralité de la fonction qui l’habite actuellement. Peut-être même les deux à la fois. Mais cela ne saurait surprendre si on sait que pour plaire au leader, il suffit de tenir des propos déroutants, à la limite indécents. Bienvenue au pays de Koromak et de Serigne Ngoundou ! Rien de trop pour avoir de l’estime auprès du chef qui fait et défait les destins politiques. On voit des directeurs généraux, des ministres se lancer dans des diatribes, des menaces, des discours qui frisent l’insolence, des menaces à peine voilées à l’endroit d’anciens dirigeants. Il faut être vu, se faire voir à travers des discours discourtois, grotesques, sensationnels. Ainsi va la politique aux déclinaisons «quinquennaux» et «décennaux». Le diable est dans le détail et comme les politiques aiment les détails, alors merci au Pros. Celui qui aurait une aura qui dépasserait largement celle de Mandela, quelle interprétation biaisée et fallacieuse de l’histoire.
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On prend des vessies pour des lanternes. Un intellectuel malhonnête est un cancer social. Madiba doit se retourner dans sa majestueuse tombe. En attendant les chargés de mission, qui sont à la charge du contribuable et, sans missions, ne s’inscrivent pas dans une logique de bonne gouvernance. On nomme à tout-va et on refuse de nous éclairer sur le rocambolesque scandale Aser. Le souverainisme attendra. La préférence nationale en prend un sacré coup. Comme l’argent n’aime pas le bruit, on nous parle de plusieurs milliards de la banque Santander pour avance de démarrage. L’Arcop suspend le processus, Saër Niang est démis et remplacé sans appel à candidatures. La rupture est en marche. L’antisystème boit son nectar dans le crâne du système. Merci au très célèbre barbu. Dansons, dansez. Feux d’artifices ! Pas si vite, Mabouba Diagne nous sert le dessert au journal télévisé de la Tfm. Bakel et Kidira sont sous les eaux, le lâcher de Manantali engloutit des maisons, des villages. Les images sont effarantes, déchirantes. Pensées attristées et pieuses. Le fleuve sort de son lit, il semble ne pas comprendre cela et nous parle de «période de décrue». Incongruité géographico-télévisuelle. Fin de l’histoire ? Pas encore. Il sort la merveille avec le gouvernement a envoyé «trois gros ministres». Au figuré comme au propre, ça résonne, mais ça ne raisonne pas. Il est fâché avec la géographie au moment où ses camarades ont une dent contre la grammaire, l’orthographe, les accords. Au secours, au secours. Ça cafouille. Vite, Thérapie linguistique.
Autre incongruité -linguistico-transfrontalière, oui la bêtise dépasse nos frontières, quand on est bête, on transporte notre bêtise partout, la bêtise est transfrontalière- qui a fait récemment sensation : une femme d’un âge avancé, soixante balais, a agressé l’ancien président de la République dans un vol de la Royal Air Maroc. Il faut sérieusement être déséquilibré et manquer d’éducation pour se comporter de manière aussi indécente. Un môme ne se comporterait pas ainsi. Quelle vulgarité ! La dame est une sympathisante du parti Pastef, ce qui a motivé sans doute la réaction et le soutien incompréhensibles de la ministre des Affaires étrangères. On rêve éveillé. Malin génie cartésien ! La calomnie, la grossièreté, l’insulte sont des valeurs cardinales pour être vu, adoré, adulé. Assister une compatriote sénégalaise, d’âge mûr, parce qu’elle a insulté un autre compatriote sénégalais, ancien Président, c’est le monde à l’envers. Une piètre façon de désacraliser les institutions, les sacro-saintes valeurs qui façonnent notre vivre-ensemble. Yassine Fall, après le pain et le blé, la cacophonie sur la Francophonie, l’inaudible discours sur l’intégration africaine, s’entête à rester dans le superficiel dans l’exercice de ses nobles fonctions. Excellente ministre des affaires étranges, répétez s’il vous plaît : I-N-A-L-I-É-N-A-B-L-E. Ce n’est pas Soumbédioune à boire ! Pardon Senghor.
Avec ces agissements, l’image du Sénégal, n’en parlons pas de sa signature, est écornée. Notre diplomatie est entre les mains d’une dame qui s’engouffre à chaque prise de parole. La voix du Sénégal est difficile à porter. Le communiqué de ses services diplomatiques est ahurissant, mais un de leurs directeurs, haut placé, vient de nous clouer le bec. Il va plus loin dans la bêtise. Il appelle tout simplement au «nettoyage» des anciens responsables du précédent régime. Un Directeur général n’a pas à promettre l’enfer à qui que ce soit, il est nommé pour produire des résultats et non pour jouer au gendarme, juge, procureur. Cette façon de communiquer, ce langage ordurier et génocidaire est inacceptable dans une société démocratique. On ne saurait se taire face à ces dérives, à la banalisation du vulgaire, du mal, de l’insolence. C’est une façon inacceptable de se faire voir, de franchir les paliers et d’être adulé. Mon souhait est que cette agression de l’ancien Président soit un fait accessoire, au cas contraire, nous serons au bord du précipice. La répétition de tels actes irresponsables peut avoir des conséquences drastiques. Nous ne le souhaitons pas. Une insulte peut déclencher un coup de poing. La violence physique est souvent subséquente à celle verbale.
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Le lundi 14 octobre est un jour spécial, Dakar est en fête, le Cicad -l’ancien éléphant blanc de Macky Sall- est drapé de ses plus beaux atours, lingots d’or, costumes high level, rien n’est de trop pour accueillir un bébé tant attendu, tant désiré. La grossesse fut longue, il a été porté pendant dix ans. Il est arrivé, on l’aura imaginé, par césarienne. La grossesse fut difficile, longue, pénible. Mais les douleurs, les atermoiements, les vomissures sont accessoires, il est bien là. Célébrons-le et taisons-nous ! Ikhlass, notre père, libations. Protégeons-le contre le mauvais œil, les mauvaises langues. Swing le swing oui le swing. Que l’accompagnent koras et balafons. Les rues sont propres maintenant, les arbres plantés poussent. Au travail.
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D’une multitude de cadres qui auraient façonné le majestueux Projet, pour le prochain millénaire, on est passé à Victor, qui s’est mué en sauveur de la Patrie. Que dis-je ? En sauveur du Projet. Victor nous avait présenté le Pse horizon 2035, le même Victor nous a encore présenté le Projet Sénégal Horizon 2050. Quel génie. Sacré Victor ! Il a rajouté une quinzaine d’années : De 2035, on passe à 2050. Standing ovation ! La rupture attendra. Projet provisoire dixit le Pm. Je rêve éveillé ! Ne nous a-t-on pas, depuis une dizaine d’années, vendu le fameux projet qui transformerait le Sénégal ? Celui que la jeunesse et les Sénégalais épris d’éthique, patriotes devaient protéger au prix d’un «Mortal Kombat» ? Le mot n’est pas de trop. L’histoire retiendra qu’un bébé porté par un imaginaire collectif est né à Diamniadio. Il est là. Il vient d’arriver. Le fameux Baobab, notre emblème national. Belle métaphore mystico-politico-sociale. Le Baobab géant me fait peur, accrochez-vous, je me suis accroché. Tu ne dois pas trébucher, le chemin est long. Merci au Baobab de la musique africaine. Les racines sont solides. L’horizon est dégagé. Les «quatre z’ axes» sont déclinés par le Pm. Hier c’était «France dégage», aujourd’hui c’est «on massacre la langue française». Bonne gouvernance et engagement africain. Je prends une tasse de café pour me remettre de mes émotions. C’est fort. Les vingt-cinq glorieuses sénégalaises. Rendons grâce à Dieu. Nous sommes bénis. Nous avons pourtant rêvé, mais il est vrai que deux mois ne suffisent pas pour transformer un pays. Inscrivons-nous dans la durée. Vingt-cinq ans. Horizon 2050. Time will tell, comme disent les Anglais. Gouyga lisna ! Pas de Djimbori.
Hors-texte : Le Pros demande aux jeunes de cotiser pour les élections, les jeunes lui réclament du travail. Cherchez l’erreur !
Ousmane SARR
Enseignant-chercheur UCAD