Kenzo Takada a été le premier styliste japonais à s’être imposé à Paris, où il a fait toute sa carrière et a rendu célèbre son prénom. «Au Japon, il y a pas mal de protocoles, tandis qu’à Paris, comme je ne connaissais pas beaucoup de monde, je faisais ce que je voulais», racontait-il à Rfi, dans une interview accordée en décembre 2018.
Né le 27 février 1939 à Himeji près d’Osaka, Kenzo Takada se passionne pour le dessin et pour la couture, enseignée à ses sœurs. Le créateur a été l’un des premiers garçons à étudier à la Bunka, l’une des principales écoles de mode de Tokyo. Mais c’est pendant en voyage en France, où il arrive par bateau dans le port de Marseille en 1965, que sa carrière démarre, grâce à quelques dessins montrés naïvement à l’épouse du couturier Louis Fé­raud.
Sa première collection date de 1970, présentée dans une petite boutique baptisée Jungle Jap, un nom qui crée la polémique, notamment sur le marché américain, qui le considère comme péjoratif. Il déménage en 1976 vers un lieu plus grand, place des Victoires, et fonde sa marque sous son seul prénom.

«Cela me manque un peu»
Sa première ligne pour hommes date de 1983, son premier parfum (Kenzo Kenzo) de 1988. En 1993, la griffe est rachetée par le groupe de luxe Lvmh. Kenzo Takada quitte officiellement la mode en 1999, mais poursuit dans la création avec des projets plus ponctuels et personnels. «C’était une grande responsabilité et une pression énorme. J’ai fait ça pendant 30 ans ! Alors à un moment, je voulais arrêter. Mais finalement, cela me manque un peu. On ne peut pas tout avoir», confiait-il à Rfi il y a deux ans.
Le créateur au look d’éternel adolescent avait lancé en début d’année la ligne de design K三 (prononcer K-3). Composé de meubles épurés et d’objets de décoration, le projet proposait aussi d’impressionnants paravents réalisés à partir de kimonos.
Lors du lancement de la ligne en janvier, Kenzo a reçu la presse en petit comité dans son studio de création, situé juste en-dessous de son appartement en face du grand magasin parisien Le Bon Marché. Entouré de jeunes designers qui l’inspiraient et le vénéraient, il racontait enthousiaste l’histoire de chaque imprimé -sa marque de fabrique- et montrait les prototypes comme si c’était son premier projet. A tel point que la soirée s’est prolongée dans le showroom, où il tenait à montrer les premières créations, déjà installées.
Avec ses «près de huit mille dessins», le créateur japonais «n’a jamais cessé de célébrer la mode et l’art de vivre», a indiqué son porte-parole. Kenzo est emporté par le Covid-19 en pleine Fashion Week, pendant une semaine de défilés troublée par la pandémie, qui a poussé plusieurs marques et maisons à présenter leurs collections virtuellement. Une ironie pour un couturier qui aimait la fête et les défilés spectaculaires.
Kenzo Takada a par ailleurs, ouvert la voie à une génération de créateurs japonais, de Issey Miyake à Yojhi Yamamoto en passant par Rei Kawabuko, qui ont débarqué à Paris après lui, en apportant un nouveau souffle aux podiums occidentaux. Mais contrairement à ses compatriotes, qui ont misé sur une mode qui hésitait entre le sombre et le conceptuel, Kenzo voulait que ses créations soient portées partout et sa contribution à la démocratisation de la mode par le biais du prêt-à-porter est indéniable.
Par ailleurs, avant même que les superproductions des géants du luxe se banalisent sur Instagram, il pratiquait déjà le concept des «défilés performance», avec des mannequins qui dansaient et s’amusaient devant le public. Kenzo Takada avait le sens du show comme personne. La preuve avec son défilé automne-hiver 78-79, dans lequel un mannequin entre dans la salle à cheval, ou encore les images de lui-même se baladant sur un éléphant lors d’une séance photo.