Véritable icône du 7e art dans son pays, Idrissa Ouédraogo s’était fait connaître du grand public avec son film Tilaï, qui remporte en 1991 le prestigieux Etalon d’or de Yennenga au Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou, ainsi que le Prix du Jury au Festival de Cannes.
Après des études d’anglais en 1977 à l’université de Ouaga­dougou, Idrissa Ouédraogo s’oriente définitivement vers le cinéma en s’inscrivant à l’Inafec (Institut Africain d’Etudes Ciné­ma­tographiques). Il est major de sa promotion en 1981. En créant sa société de production “Les Films de l’Avenir”, il signe son premier court métrage documentaire intitulé Poko.
Après avoir tourné quelques courtes productions documentaires, il part d’abord en Urss compléter ses études cinématographiques à l’Institut fédéral d’Etat du cinéma de Moscou, puis à l’Idhec-Femis et à la Sorbonne à Paris. Une fois son Dea décroché, Idrissa Ouédraogo signe son premier long métrage, Yam Daabo (Le choix).
En 1989, il accède à la renommée internationale avec Yaa­ba (Grand-mère), qui obtient le prix Fipresci au Festival de Cannes la même année, ex-aequo avec le Sexe, mensonge et vidéo de Ste­ven Soderbergh. L’année suivante, il revient en compétition officielle avec Tilaï (La loi) et remporte le Grand Prix du Festival, la Palme d’Or allant cette année-là à David Lynch pour Sailor & Lula.
Les honneurs ne s’arrêteront pas là puisqu’en 1992, le cinéaste burkinabè obtient le l’Ours d’Argent à la Berlinale pour Samba Traoré. Au 50ème Festival de Cannes, en 1997, Idrissa Ouédraogo revient en compétition avec Kini et Adams, mais repart bredouille. Le film se contentera du prix du meilleur long métrage au 8ème Festival du cinéma africain de Milan.
Idrissa Ouédraogo a signé une œuvre riche de plusieurs dizaines de films et de courts métrages. Yaaba et La Colère des Dieux figurent également parmi les chefs d’œuvre  de celui qu’on surnomme affectueusement le «Maestro» à Ouagadougou. Hom­me de théâtre comme de cinéma, il a également mis en scène la pièce de Aimé Césaire La Tragédie du roi Christophe en 1991 à la Comédie-Française. Il participera également au film collectif 11’09”01 – Sep­tember 11 en tournant un court métrage de 11 minutes, 9 secondes et une image, offrant ainsi une contribution burkinabè à l’ouvrage cinématographique commémoratif des attentats du 11 septembre 2001.
En 2003 et en 2006, Idrissa Ouédraogo signe ses deux derniers longs métrages : La Colère des Dieux et Un Malheur n’arrive jamais seul. Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres, il s’éteint le 18 février 2018 à 5h 30 du matin dans une clinique de Ouagadougou des suites d’une maladie.

Hommages
L’annonce de sa disparition a provoqué une vague d’hommages. Sur Twitter, le président Roch Marc Christian Kabore a salué la mémoire d’un ambassadeur du cinéma africain : «Le Burkina Faso vient de perdre un réalisateur à l’immense talent profondément attaché à son pays. Je rends hommage à Idrissa Ouédroago qui aura beaucoup œuvré au rayonnement du cinéma burkinabè et africain hors de nos frontières. L’Afrique perd avec sa disparition l’un de ses plus valeureux ambassadeurs (…) de la culture.»
L’émotion est également vive dans le milieu du cinéma, où les réactions à sa disparition se multiplient. «C’est une grande perte pour le cinéma. On aurait souhaité que le cinquantenaire du Fes­paco, soit l’édition des Burkinabè, pour qu’on remporte à nouveau l’Etalon de Yennenga. Idrissa était bien placé pour nous faire miroiter ce rêve, malheureusement le sort en a voulu autrement», a déclare au magazine Jeune Afri­que la comédienne et réalisatrice, Augusta Palenfo.

«Un réalisateur rigoureux»
Saluant son grand professionnelisme et sa rigueur, elle retient de l’homme une main généreuse. «Idrissa était un réalisateur rigoureux, qui savait mettre ses collaborateurs à l’aise. Parfois, il lui arrivait de rémunérer plus que ce qui était convenu dans le contrat pour les cachets. Beau­coup de professionnels du cinéma lui doivent aujourd’hui leur succès», souligne celle qui a joué dans la série Cent jours pour convaincre, du réalisateur.
La comédienne Georgette Paré, qui l’a côtoyé pendant plusieurs années, évoque pour sa part «un monument du cinéma». «Idrissa Ouédraogo était un grand gueulard sur le plateau. Mais il ne mordait pas. Une fois, nous étions tellement agacés sur le plateau de tournage du film Afrique mon Afrique avec Ismael Lo que nous lui avons demandé de jouer le rôle à notre place. Idrissa s’est exécuté devant la caméra, avant d’éclater de rire. C’est pour dire qu’il était un réalisateur convivial», se souvient la comédienne avouant avoir été inspirée au cinéma par les œuvres du cinéaste à la fin des années 1980
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