Ngadiaga, situé à 40 km de Thiès, dont le sous-sol est riche en ressources, manque de tout et réclame sa part des revenus de Fortesa, qui exploite le gaz dans la localité depuis plus de 20 ans.

«Ici l’accès est interdit. Mettez-vous à côté pour regarder, mais libérez l’entrée», ordonne le chef des gendarmes. A Ngadiaga, où s’est rendu le Forum civil pour constater l’ampleur des dégâts provoqués par l’incendie du puits de Fortesa et le danger de l’exploitation du gaz dans cette contrée de la région de Thiès, la situation est toujours tendue. Soulagées par la fin de l’incendie, les populations attendent que leur situation d’extrême pauvreté soit aussi conjuguée au passé. La famille Ba en rêve. Leur concession est située à environ 300 m du puits de gaz qui a explosé. Même si les flammes sont éteintes, les membres de la famille, tout comme l’ensemble des habitants de Ngadiaga, ne dorment plus à poings fermés. «Malgré l’insécurité, le danger, nous n’avons qu’ici, nous n’avons nulle part où aller. Je ne bouge plus car je ne peux pas laisser ma famille derrière, car ce n’est plus sûr. Toutes nos activités sont suspendues à cause du sinistre», témoigne Assane Ba. Pourtant, un important dispositif sécuritaire de la gendarmerie et des sapeurs-pompiers est en place pour sécuriser les lieux.
Mine sombre, voix pleine d’amertume, ce responsable de la famille Ba confie n’avoir bénéficié d’aucune aide de la société Fortesa exploitant le gaz, ni d’une visite d’autorités locales ou coutumières depuis la survenue du sinistre. Même s’il n’est pas demandeur, M. Ba prendrait tout soutien venant Fortesa ou des autorités étatiques. «Nous préférons vivre ici car notre héritage est ici, nos biens, nos champs», fait savoir le père de famille passablement apprêté pour rencontrer le coordonnateur du Forum civil en qui il place beaucoup d’espoir.
«Personne ne nous a jamais brutalisés, par contre l’insécurité et la pauvreté sont là. On nous a pris nos terres alors que nous vivons de l’agriculture et de nos manguiers», confirme l’épouse de Assane Ba qui a été employée dans l’usine Fortesa comme technicienne de surface. Bigué Ndoye ne cracherait pas sur une proposition de déplacement mais souhaiterait ne pas être loin de ce qui leur reste comme champs le cas échéant. Sa coépouse qui a requis l’anonymat résume l’injustice dont sont victimes les Ngadiagois. «Nous inhalons la fumée nuit et jour et on ne nous offre pas d’emploi. Ils exploitent du gaz dans nos champs mais nous, nous cuisinons toujours avec du bois. En plus là où nous cherchions du bois de chauffe, l’accès est interdit. Vraiment nous souffrons», dénonce M. Ba.   El Hadji Ba, le visage renfrogné, renchérit mais dans la menace : «Vraiment nous avons besoin d’aide. Ces gens nous prennent nos terres à vie et n’offrent pas d’emploi. Nous sommes fatigués. Jusqu’ici nous avons été sages mais nous allons manifester notre ras-le-bol comme le font les gens.»
A Ngadiaga, village situé dans la commune de Noto Guye Diame, dans le département de Tivaouane, le chômage des jeunes est une réalité malgré l’exploitation des gisements de gaz dont le premier puits fut découvert depuis 1996. Elle a commencé à produire en 2000. La ressource minière qui devait être une aubaine pour les autochtones, ne les bénéficie pas, selon leurs témoignages. «Il y a plus de dangers que de retombées. On te prend des hectares et on te paie 50 mille francs le pied de chaque manguier et c’est à vie. Alors que chaque saison, on peut gagner au moins 500 mille», témoigne Mbaye Gadiaga, mécanicien et notable, qui a fait cette révélation au forum populaire sur les externalités de l’exploitation gazière par Fortesa. A l’en croire, le gardiennage reste l’unique offre d’emploi pour ceux dont les champs ont été pris par la société minière. «Si tu es jeune, ils t’emploient comme gardien dans l’usine mais une fois à la retraite, tu perds le poste, aucun de tes enfants n’en hérite alors que tu as perdu ton champ à vie. S’ils te prennent tes champs alors que tu es vieux, ils prennent ton fils. Non seulement les salaires sont minables, mais nous sommes exposés à toutes sortes de dangers car ils ne donnent pas d’équipements protection, même pas la tenue», dénonce Mame Samba Ngadiaga, porte-parole du Collectif pour le développement de Ngadiaga.
Les 3 mille âmes qui vivent à Ngadiaga, ne se retrouvent pas dans la politique de Res­ponsabilité sociétale de l’entreprise (Rse) de Fortesa. L’eau, l’électricité, les écoles, les routes,… sont un luxe. «La société n’a réalisé aucune infrastructure de base pour nous. Elle ne fait qu’apporter de temps en temps son appui dans nos constructions comme la mosquée, le cimetière, une classe à l’école élémentaire», dénombre le porte-parole du Collectif de développement de Ngadiaga. Quid du respect de l’environnement ? «Mes champs ont été réquisitionnés, après qu’ils ont creusé partout, ils n’ont pas trouvé de gaz. Mais ils ne m’ont pas rendu mes champs, ni procédé aux réparations comme l’exigent les textes», témoigne Moussa Gadia­ga.