Les femmes de Ngor prônent la consolidation de la paix au sein de leur commune après les derniers affrontements ayant opposé la population et des éléments des Forces de défense. Et elles réclament le départ des gendarmes du site qui est la source de tension et la libération des détenus. Hier, Adji Diallo a été enterrée et des détenus ont été aussi libérés. Par Amadou MBODJI –
Après l’audience accordée par le chef de l’Etat aux dignitaires de Ngor, le village garde toujours son calme. Alors que les derniers affrontements entre une partie de la population et les gendarmes avaient été violents. Des heurts causés par une opposition des Ngorois à l’érection d’une brigade de gendarmerie sur un site dénommé «Arrêt Mame Tamsir». Les femmes de Ngor ont tenu aussi mercredi une conférence de presse en appelant à la désescalade alors que le contexte est toujours lourd de tension et d’appréhensions. «Tout en étant reconnaissantes à l’égard de ceux qui sont intervenus pour que cette paix revienne, nous, femmes de Ngor, tenons à remercier toutes les personnes qui, de près ou de loin, n’ont ménagé aucun effort pour que le calme revienne à Ngor, Monsieur le président de la République pour les actes posés, nos autorités coutumières et religieuses locales qui, depuis le début du problème, ne dorment plus car courant à toutes les tables de négociation à la recherche de solutions», déclare Khady Samba, porte-parole des femmes de Ngor et par ailleurs directrice de la Promotion de l’économie sociale et solidaire.
Dans leurs discours, les femmes de ce village lébou soulignent aussi l’engagement et la détermination des jeunes, qui aspirent «à de meilleurs conditions de vie. Avec insistance, nous leur demandons de se ressaisir». Mais : «Depuis un mois, plus précisément le mardi 18 avril, veille de la Korité, Ngor est le théâtre de violents affrontements entre la population et la gendarmerie, car s’opposant à l’occupation du terrain Arrêt Mame Tamsir.» «Nos enfants ont été molestés, blessés, arrêtés, nos maisons saccagées», déplore Mme Khady Samba. Elle soutient que le «comble» a été atteint avec la perte «de notre fille Adja Fatma Diallo, élève en classe de Cm2». Elle a été enterrée hier dans une ambiance lourde au cimetière de Ngor. «Une pauvre innocente qui rêvait certainement, comme tous ses camarades de classe, de voir le lycée de Ngor être construit sur ce terrain pour y poursuivre ses études. Nous, femmes de Ngor, ne pouvons pas oublier ce mardi 9 mai 2021, où la violence a atteint son paroxysme. Nous nous inclinons devant la mémoire de notre regrettée fille et prions pour que Dieu lui réserve une place de choix dans son Paradis céleste», soutient la porte-parole des femmes de Ngor.
Bien sûr, les enfants du village de Ngor ont tenu à rendre un vibrant hommage à Adja Fatma Diallo. Ils portaient des tee-shirts à son effigie, sur lesquels est inscrit «justice pour Adji Diallo». «Nous sommes en train de panser nos blessés et d’accompagner nos détenus pour leur libération. Nous, femmes, grand-mères, mères, épouses, sœurs et filles, disons plus jamais ça. Plus jamais ça car ce sont nos enfants qui s’affrontent», indiquent les femmes de Ngor. Elles considèrent les gendarmes comme leurs propres enfants.
Libération des détenus et enterrement de Adji Diallo
«Les jeunes comme les gendarmes sont tous nos enfants. Nous voulons que la paix et la stabilité reviennent et perdurent dans notre commune, mais aussi partout dans le pays. Ngor a toujours été un havre de paix et de sécurité. Nous en voulons pour preuve toutes ces autorités et institutions internationales installées dans la commune, ainsi que tout ce monde fou qui inonde nos plages l’été», notent-elles. Elles déplorent la situation dans laquelle la population ngoroise vit depuis quelque temps : sous la surveillance des gendarmes. «Depuis un mois, nous vivons le stress, l’inquiétude et l’angoisse de voir nos enfants ne pas aller à l’école. De ne pas pouvoir amener nos malades à l’hôpital, de ne pas aller au marché pour nourrir nos familles parce que assiégées. Nos parents et grands-parents ne peuvent plus faire leur marche quotidienne au risque d’être asphyxiés par les gaz lacrymogènes. Nous voulons pouvoir vaquer librement à nos occupations et ne pas être malmenées. Nous réclamons paix et sécurité dans notre commune. Nous ne prônons pas la violence. Nous sommes pour l’apaisement», appellent les femmes de Ngor. «M. le Président, vous nous avez demandé de calmer nos enfants, ce que nous n’avons jamais cessé de faire et que nous continuons de faire, car c’est dans la sécurité que jaillissent les solutions, quelle que soit l’ampleur du problème», disent-elles. Pour elles, les conditions d’une paix durable requièrent certains préalables. «Mais pour que la paix perdure, nous réclamons la libération de nos détenus (Ndlr : ce qui a été fait hier), le retrait des gendarmes sur le site, car la cohabitation risque d’être difficile au regard de tout ce qui s’est passé dernièrement», avancent-elles. En outre, elles réclament que l’intégralité du site de 6000 m2, au cœur du conflit, soit laissée à la disposition de Ngor. Alors que le Président Sall avait décidé d’affecter la moitié à Ngor et l’autre pour la construction de la brigade de gendarmerie.
«Nous demandons que ce parking soit entièrement octroyé pour la construction du lycée de Ngor, à la mémoire de notre défunte fille Adji Diallo», plaident les femmes de Ngor. Elles réclament «la prise en charge intégrale des blessés ainsi que la remise en état des maisons saccagées, comme promis». Et espèrent «la matérialisation des instructions du chef de l’Etat» à la suite de l’audience accordée à la délégation de Ngor.
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