Les pressions sont fortes en faveur d’une nouvelle dénomination des rues et artères des villes sénégalaises. Une nouvelle dénomination qui mettrait à l’honneur les héros et grands hommes du pays à la place des colons. Le Grand Serigne de Dakar dit oui, mais le dignitaire lébou est aussi d’avis que certains vestiges méritent d’être conservés. «Il faut laisser aux villes leurs âmes», dit-il.

Depuis l’assassinat de George Floyd, ce Noir américain victime d’un policier blanc aux Etats Unis, les revendications des mouvements sur l’identité noire ont pris une nouvelle tournure. Au Sénégal, si certains réclament le déboulonnement de la statue de Faidherbe, d’autres militent en faveur d’une «débaptisation» des rues portant le nom de colons ou de racistes. Au Sénégal, ces revendications sont devenues plus audibles et concernent essentiellement les anciennes «4 communes», statut que le colonisateur avait accordé en leur temps aux villes de Dakar, Rufisque, Gorée et Saint-Louis. Dans ces citées à l’empreinte coloniale très forte, les rues portent encore des noms de colons au grand déplaisir des défenseurs de la fierté nationale. Invité ce dimanche du «Grand jury» sur la Radio Futurs médias (Rfm), le Grand Serigne de Dakar, Abdoulaye Makhtar Diop, estime qu’il ne s’agit pas non plus de faire table rase du passé. Selon le Grand Serigne, certains noms méritent d’être préservés. «Il faut laisser au pays, aux villes leurs âmes, quelle que soit la manière dont cette histoire a été faite parce que si vous débaptisez tout, quand on dira à mon petit-fils en quelle année Dakar a été commune, 1887, il l’ignore. En quelle année a été signé à Dakar le contrat entre Protet et le Djaraf Mbor Ndoye, 1857, il ne sait pas. Le Général De Gaulle, quand il est venu à Dakar, il est passé par la Corniche qui a été ouverte entre 1955 et 1956. Il faut essayer de concilier les choses, voire quelle part d’histoire n’agresse pas notre personnalité, notre dignité et nous projette dans le futur.» Abdoulaye Makhtar Diop n’est ainsi pas d’accord avec le changement du nom du boulevard Pinet Laprade qui a dessiné la capitale, devenu Boulevard Djily Mbaye.
Malgré tout, le Grand Serigne de Dakar s’est dit favorable à une rebaptisation des rues. Mais le dignitaire lébou pose tout de même certains garde-fous. «Je suis d’accord qu’on rebaptise, mais là où il y aura un problème, c’est quand il faudra rebaptiser», souligne le Grand Serigne qui refuse que cette opération se fasse n’importe comment. «Il ne faut que quelqu’un, parce qu’il est ministre, prenne le nom de son grand père qui n’a rien fait pour le donner à une rue», estime l’honorable député au micro de Babacar Fall.

«Sandaga est dangereux»
C’est la deuxième fois que le marché Sandaga échappe à la dernière minute à une démolition. L’année dernière encore, les autorités avaient pris prétexte de la Tabaski pour reporter cette démolition à laquelle certains s’opposent. Mais pour le Grand Serigne de Dakar, c’est sans appel. «Le marché est dangereux et quel que soit le délai, il faut refaire le marché Sandaga. C’est ça qui est honnête et juste», indique Abdoulaye Makhtar Diop. Quant à l’architecture qu’il faudrait donner au nouvel édifice qui sera érigé, le haut dignitaire estime qu’il doit rester à l’identique comme l’architecture de la Gare de Dakar a été conservée. Dans la capitale, les principaux édifices administratifs sont un héritage colonial. C’est le cas du palais de la République, du ministère des Affaires étrangères, de la Chambre de commerce, entre autres. Vouloir se départir de cet héritage au point de changer l’architecture des bâtiments, n’est pas souhaitable, selon le Grand Serigne. «On ne s’en sortirait pas», dit-il.