La défiance du leader du parti Pastef envers la Justice et sa volonté de ne pas se présenter à son procès, le condamneraient plus sûrement à la perte de tous ses droits politiques qu’un compromis lui permettant de faire valoir ses arguments. Mais il semble que la peur de Adji Sarr et de ses révélations est plus forte que tout ce que Ousmane Sonko pourrait perdre par ailleurs.

L’avenir politique et social de Ousmane Sonko se joue aujourd’hui. Que le président du parti Pastef se présente devant la Chambre criminelle ce matin pour répondre de l’accusation de viols et menaces de mort qui est portée contre lui par la dame Adji Raby Sarr, ou qu’il décide de poursuivre dans la défiance et le refus de comparaître, comme il l’a annoncé, il a beaucoup à perdre. En fait, Si Ousmane Sonko pense toiser le Tribunal de haut et se permettre de ne pas se soumettre à ses injonctions, il risque d’enterrer une carrière politique pourtant entamée sous de bons auspices.

Depuis plusieurs jours, les médias et les observateurs politiques s’interrogeaient pour savoir si le «Patriote en chef», qui a prôné la désobéissance civile envers la Justice sénégalaise, se fera violence pour se présenter devant les juges. Un début de réponse en avait été donné hier. Pour se mettre en conformité avec les dispositions du Code pénal, Ousmane Sonko aurait dû se présenter hier au greffe de la Chambre criminelle, pour faire constater sa présence, et assurer qu’il sera présent à son procès ce matin. Or, il n’a été vu nulle part hier, et la ville de Ziguinchor dont il est le maire, a connu une sorte de guérilla urbaine, avec de nombreuses personnes érigeant des barricades et bloquant toutes les issues conduisant à la résidence de leur maire, pour éviter à ce dernier d’être pris de force par les Forces de l’ordre et conduit à Dakar pour exécuter une ordonnance de prise de corps.

Pourtant, en fin de compte, il semblerait que le président du Tribunal n’a pas signé d’ordonnance de prise de corps, et que Ousmane Sonko ne risquait pas d’être conduit hier, de force dans une cellule, avant d’être présenté à la barre du Tribunal. Il lui reviendra donc de décider de se présenter libre devant la barre de la Chambre criminelle, et de plaider sa cause face à son accusatrice. Ou au contraire, il pourra décider de persister dans sa fuite en avant. Et dans ce cas, de prendre une voie à l’issue incertaine.

Ses camarades de la coalition l’ont bien compris, qui le lui ont signifié dans leur communiqué publié hier dans la soirée. Si Ousmane Sonko décide de ne pas se présenter, le procès se tiendra sans lui, et aucun de ses nombreux avocats ne pourra prendre la parole pour le défendre.

De plus, il est de coutume, en cas de jugement pas contumace, que le contumax écope d’une peine des plus lourdes qui, dans le cas d’espèce, le priverait de ses droits civiques et politiques. Il sera alors frappé d’inéligibilité, et ferait fortement dérailler son «Focus 2024», car ne pouvant être ni électeur ni éligible. Le contumax se voit quasi-automatiquement rayé des listes électorales.

Et pour corser les choses, pour quelqu’un qui voit un séjour en prison comme une seconde mort, il ne pourrait faire appel de son jugement qu’en allant d’abord se constituer prisonnier. En laissant au juge le loisir d’enrôler son procès au moment qu’il lui plaira.

C’est dire donc que le refus de se présenter à son procès n’exonérera pas Ousmane Sonko de toutes les conséquences dommageables qu’il souhaiterait éviter. La seule chose à laquelle il pourrait peut-être échapper, ce sont les propos de son accusatrice, et le regard de cette dernière, qu’il semble vouloir fuir comme l’œil de Caïn. Mais sa carrière politique, les espoirs qu’il aura suscités chez de nombreuses personnes, ne pourraient plus se concrétiser dans ces circonstances.
Par Mohamed GUEYE – mgueye@lequotidien.sn