Non Guy Marius Sagna, il fallait dire : «On ne fait pas du neuf contre du vieux»

«On ne fait pas du neuf avec du vieux.»
Cette fausse évidence, martelée par Guy Marius Sagna avec l’assurance d’un oracle, mérite d’être déconstruite avec rigueur. Derrière l’apparente clarté de cette formule, se cache une pensée paresseuse, oublieuse des dynamiques de l’histoire et trop empressée d’habiller de radicalité une posture qui confond nouveauté avec rupture stérile. Non, Monsieur Sagna, on ne fait pas du neuf contre du vieux : on le fait avec du vieux, en y injectant de l’audace, du discernement et de la vision.
L’histoire du monde entier témoigne du contraire de votre assertion. Napoléon Bonaparte, en codifiant le droit dans le Code civil, n’a pas jeté aux orties le droit romain ; il l’a adapté à son temps. Mandela, en bâtissant l’Afrique du Sud post-apartheid, n’a pas nié les luttes passées : il les a prolongées avec une sagesse puisée dans une mémoire collective. En musique, Mozart a repris les structures classiques des anciens pour les transcender ; Picasso s’est nourri de l’art africain traditionnel pour inventer le cubisme. Faire du neuf avec du vieux, c’est précisément ce que fait toute intelligence créatrice qui comprend que le passé n’est pas une prison, mais une ressource.
Il faut aussi dire un mot sur cette expression désormais galvaudée : l’alternance générationnelle. Brandie comme un slogan magique, elle dissimule parfois une vacuité programmatique inquiétante. Faut-il comprendre que la jeunesse, du seul fait de son âge, détiendrait les clés du salut national ? Ce serait là un jeunisme aussi dangereux que l’élitisme qu’il prétend dénoncer. L’âge ne garantit ni compétence, ni intégrité, ni vision. La sagesse populaire le sait : «Ce n’est pas parce qu’on a la bouche pleine de lait qu’on dit des choses pures.»
Et puisque vous avez, avec d’autres, désormais les manettes du pouvoir, le moment est venu de faire vos preuves. Comme l’a dit le Prix Nobel de littérature Wole Soyinka : «Le tigre n’a pas besoin de crier sa tigritude, il bondit sur sa proie et la dévore.» L’heure n’est plus aux postures, mais aux actes. Montrez-nous le neuf. Pas par l’effacement du passé, mais par la hauteur de vos décisions, la justesse de vos politiques, la profondeur de vos idées. L’alternance n’a de sens que si elle produit mieux. Sinon, elle n’est qu’un simulacre de renouveau.
Enfin, vouloir faire table rase du passé, c’est faire fi de l’intelligence lente, des apprentissages collectifs, des institutions à consolider. L’alchimie du changement véritable, celui qui transforme sans détruire, réside dans la capacité à conjuguer héritage et innovation. Vouloir construire sans fondation, c’est bâtir sur du sable.
En définitive, on ne fait pas du neuf en piétinant le vieux. On le fait en le comprenant, en le questionnant, en le métamorphosant. L’histoire ne retient pas ceux qui crient leur rupture, mais ceux qui incarnent un renouveau enraciné. Il est temps de passer de la rhétorique à la responsabilité, du slogan à la substance.
Pour ce faire, ouvrez-vous pour bâtir un Etat véritablement sénégalais et non à l’érection d’un Etat «pastéfien».
Allez chercher les meilleurs d’entre nous Sénégalais où qu’ils soient, jeunes ou vieux et politiques ou pas.
Amadou MBENGUE
dit Vieux
Secrétaire général de la coordination de Rufisque
Membre du bureau politique du PIT/Sénégal