Lors de votre allocution aux assises du Capm, vous avez affirmé que les entreprises parapubliques telles que la Senelec, La Poste, etc., constituent des fardeaux pour le pays.

La Senelec est une société industrielle qui a grandement contribué au développement économique et social du Sénégal, et continue d’être un pilier incontournable de développement.

En effet, de 2012 à 2020, le taux d’électrification rurale est passé de 28 à 60% avec l’introduction du mix énergétique, le taux urbain de 91 à 98%.
Tous les indicateurs contenus dans le contrat de performance signé entre la Senelec et l’Etat du Sénégal sous la supervision de la Banque mondiale, tels le taux de disponibilité des groupes, le taux de rendement du réseau trans­port et distribution, le temps de dépannage des clients, ont été atteints et même dépassés.

Pour rappel, les années 1983 à 2005 ont été des années noires pour la Senelec, du fait de la hausse constante du combustible importé et la rareté des investissements imposée par le diktat de la Banque mondiale et du Fmi, du fait de la non-privatisation du secteur.

Comme vous le savez, l’électricité est un secteur de souveraineté, et la privatiser, c’est comme remettre les clés du développement à des privés, ce qu’il faut éviter car l’expérience avec le groupe Elyo Hydro Québec a été un échec patent, et a plongé la Senelec dans une désorganisation sans précédent, avec un déficit abyssal de 79 milliards sans aucun investissement.
A partir de 2005, les investissements ont repris avec l’arrivée du Président Wade, et en 2011, après les émeutes de l’electricité, le Plan Takkal fut élaboré avec le concours des travailleurs de la Senelec et des financements furent obtenus pour réaliser les investissements de transport, de distribution, dans le commercial et ainsi consacrer le redressement de la Senelec, avec une baisse observée sur le coût du fuel.

Monsieur le Président, il ne faut pas avoir peur des subventions sur l’électricité, même s’ils sont de 700 milliards, car c’est normal dans un petit pays en construction qui importe du fuel. C’est pour soutenir le développement du pays, et aujourd’hui, par la grâce du Tout-Puissant, du Tout-Miséricordieux, nous avons du pétrole et du gaz, et si cette manne est bien managée, le coût de l’électricité va baisser drastiquement et conséquemment d’ici 2035, la subvention va disparaitre.

En réalité, le principal problème de la Senelec est dans la structure du coût de revient.

C’est le fuel qui est le facteur le plus cher, presque 60% du coût, et c’est normal que l’Etat subventionne pour la consommation des ménages et des entreprises, sinon la Senelec vendrait à perte avec un tarif de 116, 08 F/Kwh pour les ménages.

Egalement, il faut souligner que le coût du personnel dont on parle tant et qui soulève beaucoup de passion, ne représente que 8% du chiffre d’affaires, alors que dans toutes les sociétés d’électricité, il se situe entre 11 et 18%, voire même 20%.

Monsieur le Président, les défis aujourd’hui pour un accès universel à l’électricité, c’est :
Construire rapidement le réseau gazier pour une alimentation des centrales en gaz et réduire le coût de production du Kwh, également revoir les contrats avec les Ipp (les Producteurs indépendants) qui vendent à des prix exorbitants à la Senelec ;

Construire de nouvelles centrales pour sécuriser la production d’électricité pour le pays, car la production de la Senelec est faible, 1/3, comparativement à celui des Ipp ;

Faire une ouverture de capital dans les filiales à hauteur de 40% pour financer les investissements et permettre une meil­leure gestion avec les privés ;
Réduire les pertes non techniques (la fraude) pour une meilleure rentabilité de la Senelec ;

Revoir le management de l’entreprise ou des filiales avec les valeurs d’équité et de transparence ;

Revoir le Code de l’électricité, loi 31-2021 en ses articles 11, 16 sur la libéralisation de la distribution et les prérogatives accordées à la Crse et au ministère du Pétrole qui transfèrent les activités d’exploitation et de gestion alors que ce sont des entités administratives ;

Revoir les articles sur l’accès du réseau aux tiers qui, à terme, va consacrer la mort de l’industrie électrique et en conséquence le non-accès universel à l’électricité qui pourtant est le premier objectif de la réforme.

En conclusion, Monsieur le Président, il ne faut pas s’aventurer dans une réforme qui n’a comme objectif qu’une libéralisation du sous-secteur électrique qui ne peut profiter qu’aux privés qui vont surenchérir le coût de l’électricité. Le Sénégal est un petit pays en construction qui doit soutenir ses secteurs vitaux comme la santé, l’éducation, l’électricité, pour assurer son développement économique.

La gestion de la Senelec a fait un grand pas en avant de 2012 à nos jours. Et, le problème de la Senelec n’est pas organisationnel, c’était surtout l’importation du fuel, et aujourd’hui que nous avons du gaz, le problème est derrière nous. La libéralisation du sous-secteur sera lourde de danger pour notre faible économie, même en France, l’Etat est majoritaire à Edf, avec 70% du capital. Le modèle proposé par le Mcc a échoué même en Europe, à plus forte raison dans un pays de 18 millions d’habitants avec une Senelec de 3000 employés.

Partout dans les pays de l’Uemoa, ces modèles de privatisation ont échoué, sauf en Côte d’ivoire, et même là-bas, c’est l’Etat qui réalise tous les investissements de développement. Donc, pour la viabilité de nos entreprises en Afrique, il faut faire comme le Wapp pour les lignes d’interconnexion, et étendre la solidarité et la coopération sous-régionales dans la construction des centrales hydro électriques ou solaires comme Manantali.
Citoyenne Haby Dieng FALL