Notes de lecture : Tisserandes ! de Fatimata Diallo Ba, ou la puissance du «non» des femmes

Par Fatoumata Sissi NGOM –
Tisserandes !, c’est le nouveau recueil de nouvelles de Fatimata Diallo Ba, écrivaine sénégalaise et française, professeure au Lycée français Jean Mermoz de Dakar, engagée pour la cause des femmes. Cinq nouvelles, cinq branches d’une étoile qui diffuse une vive et tranchante lumière sur la force des femmes face aux injustices qu’elles subissent, leurs combats pour l’amour et la dignité, et surtout la puissance de leur «non» et de ce qu’il peut engendrer pour elles-mêmes et leurs communautés.
Fatimata Diallo Ba tisse, avec une plume solaire et volontaire, un tapis en macramé où toutes les femmes et aussi les hommes sont invités à s’asseoir pour consulter les mémoires douloureuses qui impriment tant de charges dans nos corps et nos psychés. Les consulter pour les transmuter, les guérir, et transmettre cette guérison. Chaque nouvelle touche quelque chose en nous, il est impossible de sortir indemne de Tisserandes !. Il est impossible d’en sortir sans une sourde colère face à la condition des femmes sénégalaises et africaines qui, ployant sous le poids de conditionnements et de peurs, acceptent souvent l’inacceptable. Jusqu’au point de rupture qui arrive toujours, jusqu’à la prise de conscience à la fois lente et brutale.
Comment aussi ne pas ressentir de la rage envers le patriarcat et les hommes qui le nourrissent, et qui faillissent à leur rôle de protecteur, qui aspirent la vie des femmes et vont jusqu’à les priver de leurs ressources.
Mais cette colère est salvatrice et mère d’une nécessaire urgence, d’un immense respect envers les femmes. Car les femmes africaines, quels que soient leur origine, leur milieu social, partagent, quand on y regarde de plus près, une même toile remplie de mécanismes et d’expériences, douloureuses certes, mais qui sont des invitations, des médicaments pour se guérir et guérir leurs lignées féminines et masculines. Il est impossible de sortir de Tisserandes ! sans ressentir, habités par ses personnages vivants, de la fatigue, cette grande fatigue dont souffrent silencieusement les femmes. On croise dans Tisserandes !, des femmes puissantes et sensuelles qui se confient et qui guérissent ensemble. Ainsi, Tisserandes ! nous rassure sur le pouvoir de la confidence féminine.
Il y a une femme rurale qui s’enfuit à cheval de son village, pour fuir un mariage sans amour. Cette scène est la plus puissante de l’ouvrage de Fatimata Diallo Bâ. Elle dit beaucoup de choses sur la force de la volonté féminine. Cette femme était déterminée à être heureuse et libre dans une société qui voulait la brimer, la forcer à vivre une vie qu’elle n’avait pas choisie, dont elle ne voulait pas, dont elle n’a jamais voulu. Mame, parce qu’il s’agit d’elle, est aussi ce qu’on pourrait appeler la gardienne des mémoires. Elle porte des savoirs ancestraux et une sagesse totale qui lui font toujours prendre les décisions qu’il faut pour elle et les femmes qui l’entourent. Ruses pour éviter l’excision à ses petites filles, enseignements sur la dualité et de l’ombre nécessaire, rejet de toute naïveté.
Tisserandes !, ce sont aussi les marches féministes dakaroises contre le patriarcat qui étouffe et qui tue, les combats transgénérationnels et l’intimité de celles qui les portent.
Le soleil est toujours présent dans les pages de Fatimata Diallo Ba. L’astre du jour est un éternel accompagnateur dont l’autrice aime décrire l’intensité de la chaleur qu’il diffuse.
Tisserandes ! éclaire le lecteur sur notre société sénégalaise qui fait des femmes des mineures éternelles, comme le dit si bien l’autrice. Tisserandes ! est aussi une invitation à la foi : le beau temps arrive toujours après la pluie, c’est dans l’ordre des choses.
Tisserandes ! est un livre éminemment politique qui convoque la problématique de l’accès à la terre pour les femmes, et aussi de la spoliation de leurs terres par des hommes sans scrupules.
L’engagement de l’autrice pour la cause des femmes est total. Sa plume, pour les défendre et les éveiller, lumineuse et incisive. Tisserandes : est une ode à l’amour, à la puissance féminine, mais aussi à la vulnérabilité.
A Fatimata Diallo Ba, les femmes reconnaissantes.
Tisserandes !, Fatimata Diallo Bâ, L’Harmattan Sénégal, 2025