Le débat politique est tellement pauvre que c’est Azoura qui le mène. Les radios, les réseaux sociaux et les divers médias n’en ont que pour lui.
Notre société est atteinte…

Et revoilà, de la plus éloquente des formes, la justification de notre situation économique et sociale. Notre pauvreté n’est pas qu’économique.
Le matraquage excessif de ces contenus négatifs justifie de s’interroger de manière désormais légitime sur les théories du complot visant le lavage de mentalité et l’infantilisation de nos sociétés.

Notre vulnérabilité en ce sens est certainement due à l’impréparation et le non-accompagnement de nos populations à la société d’internet. Le rattrapage séquentiel par l’encadrement n’est pas planifié, et la dissuasion pour prévenir les cas de grossièretés de tout ordre est soumise à un débat politique, mais pas vraiment de société.

Parmi les nouveaux types d’agression sociale, les plus étouffants sont d’abord la mauvaise interprétation des libertés individuelles et collectives, puis «TikTok» en tant qu’espace de diffusion, et ensuite la «dépénalisation sociale» de la méchanceté gratuite.

La gratuité de l’outil, sa facilité d’emploi, la grande performance de l’algorithme et l’élargissement et la performance des réseaux internet, le parrainage de TikTok, par la Chine qui, en même temps, le préserve et le restreint de sa population, devient suspicieux.

Beaucoup de producteurs de sens et de connaissances ont déserté cette plateforme, et c’était il y a peu de temps, par des missives d’aurevoir par contrainte du genre «chers amis, à partir d’aujourd’hui, je quitte Facebook». Parce que tout simplement débordés et envahis par des balivernes, des insultes et de la méchanceté gratuite.

Et les nouveaux insulteurs ont occupé la place.
La ruée vers les «like», les «vu» et l’hypothétique monétisation a créé le corps des influenceurs, et celui des influençables ligotés vendu à des revendeurs de provisions et d’illusions.

Si tu n’aimes pas Bamba et le ceebu jën, quitte le Sénégal, ce pays n’est pas pour toi.
Si tu n’aimes des fariboles de Azoura, Kalifone, Assane et tous les autres, quitte les réseaux sociaux.

Cette corporation développe une stratégie maléfique très élémentaire, peu onéreux, mais qui génère des revenus financiers importants par le simple fait «de faire peur» et par l’accentuation de la polarisation.

Au Sénégal, on peut se permettre d’insulter délibérément et nommément un concitoyen, et en plus filmer la devanture de sa maison, puis s’offrir un café chez soi le soir, en se filmant.

La lutte qui vaille d’être menée pour soutenir notre souveraineté n’est plus celle (qui n’a d’ailleurs jamais été menée) contre les institutions financières internationales et les organisations «droit-de-l’hommistes» des pays du Nord.
C’est difficilement acceptable, mais ces insulteurs mènent le débat politique, ils en sont les plus exposés et sont parvenus et subtilement à occuper les programmes sur les chaînes internet à travers des discussions et confrontations politiques bidons, en abordant toujours superficiellement les mêmes thèmes.

Ils challengent notre Justice, menacent des juges, critiquent les médecins, apeurent les étrangers, traquent les partisans de l’ancien pouvoir, poursuivent leurs familles, corrigent les écrivains, censurent les artistes, jugent les chefs religieux, rendent les verdicts et exigent des «like».

L’embarras est que tout le monde est devenu insultable, selon son orientation politique, la portée et l’ampleur de ses propos.
Il est difficile à croire, mais les dirigeants politiques sont devenus des otages de ces insulteurs. Macky Sall s’est prêté à se faire photographier avec un insulteur qui, une semaine auparavant, lui en avait montré de toutes les couleurs verbales.
Khalifa Sall s’affiche avec le champion Assane Diouf et le président Sonko avec son Azoura Fall.
Ils s’affichent peu fièrement, mais forcément avec eux. Ils sont devenus des otages.
Ces insulteurs ont perdu la lumière intérieure et assombrissent la brillance de leurs mentors. Khalifa devient différent et méconnaissable en marchant avec Assane Diouf.
Il n’est plus le même Khalifa Sall, le lustre de son étoile s’amenuise.
Sonko avec Azoura se «désaintetise». Il n’est plus sacré. Son acolyte étant insulteur invétéré qui en distribue à tout-va, ce qui explique d’ailleurs les injures et autres moqueries visant ses proches. Le camp adverse s’organise et reprend la balle au rebond.
Autant qu’il sera vu avec Azoura, autant il y aura des prétextes pour qu’il soit outragé.
Macky en perdait davantage d’estime et de respect chaque fois qu’il se montrait en photo avec des insulteurs et un traitre.
La gangrène est à un niveau où des insulteurs et des producteurs de non-sens sont élus à des niveaux de responsabilité, Macky Sall l’a institué, le nouveau régime l’a devancé.
Les parcours physique et psychologique des insulteurs sont aussi entortillés que les câbles internet, et sont au croisement de la psychiatrie, la sociologie, la santé mentale, la liberté de ton et l’institutionnalisation des influenceurs comme profession.
La pluralité des opinions, la liberté d’expression, la prise de parole en public redeviennent une lutte à mener et à gagner.
Développons plutôt nos langues locales et réinventons des plans de développement de la culture.
Le pays de TikTok, c’est la Chine, et les adolescents chinois n’y ont pas le même accès que les Africains. Cette génération adolescente chinoise, qui est aujourd’hui restreinte aux contenus de TikTok, et l’autre africaine, qui en a toutes les portes ouvertes (ce qui est louche), seront inéluctablement au face-à-face (et on y est) pour «compétir» sur la gestion des ressources matérielles et intellectuelles de l’universel.
L’employabilité et la formation en détermineront le
verdict.
Nous demanderions, pour les jeunesses africaines, à avoir des plateformes de formation de qualification digitales diversifiées ou/et du matériel informatique à la Chine, nous ne l’aurons absolument pas.
Je suis affirmatif.
DIOL Mamadou
Kaddu Yaraax Théâtre Forum